Archives pour octobre 2013

photo Lazare

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visuel 2 Petits contes d’amour et d’obscurité

Petits contes 9

Petits contes d’amour et d’obscurité de Lazare

MON CORPS PARLE TOUT SEUL

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A l’invitation de l’Ircam dans le cadre des laboratoires In-Vivo, Daniel Jeanneteau prépare avec le compositeur Daniele Ghisi l’installation-performance MON CORPS PARLE TOUT SEUL sur un texte de Yoann Thommerel.


création lors du festival de l’Ircam MANIFESTE- 2015
au CENTQUATRE-Paris atelier 9
les mardi 30, mercredi 1er et  jeudi 2 juillet de 19h à 22h

In-Vivo Théâtre

Mon corps parle tout seul

installation-performance (20’)

texte Yoann Thommerel
mise en scène Daniel Jeanneteau
musique Daniele Ghisi
vidéo Mammar Benranou
assistant à la mise en scène et à la scénographie Olivier Brichet
assistant scénographie Tom Huet
comédienne Emmanuelle Lafon

coproduction Ircam-Centre Pompidou, Studio-Théâtre de Vitry
l’Ircam est partenaire du CENTQUATRE-Paris pour l’accueil des projets d’expérimentation autour du spectacle vivant.


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Un espace aux frontières indéfinissables, à l’obscurité douce. On y pénètre par une succession de sas préparant progressivement l’œil à la pénombre.

Un groupe peu nombreux de spectateurs entre et s’engage presque à l’aveugle dans ce vide sans limites claires. Rien de précis à voir, mais peu à peu l’étendue se creuse, vers ce qui apparaît comme une obscurité plus profonde, une trouée, un orifice en suspension, à mi-hauteur, indécis et, semble-t-il, mouvant. Une profondeur de noir dans un indéfini de gris. On ne peut pas s’en approcher au-delà d’une certaine limite.

Ce qui n’est pour l’instant qu’une tache plus sombre flotte, vacille, tremble, se trouble, hésite entre flou et net.
Des luisances se dessinent, des reflets, des viscosités, des suintements.

Puis l’orifice s’anime, change de forme, s’aplatit, se referme, s’ouvre grand et lâche un souffle massif et tiède, humide. Aspire, tousse, articule des syllabes insonores, claque. Bruits de la mécanique des articulations, des mâchoires, de la langue, des dents.

C’est une bouche.

Sans corps, sans dents visibles, mais douée d’haleine, de souffle, de glotte, de cordes vocales… Organe privé de corps mais continuant d’articuler, de vocaliser, d’émettre, de hacher l’air en fragments de souffle.

Des mots viennent, clairement reconnaissables. Des associations de mots, des phrases, des énumérations. Une parole.

Peu à peu l’articulation nette se remplit d’une ombre sonore, et la parole se transforme en ce dont elle parle. Elle ne dit plus de choses, elle devient ces choses. Le langage devient objet vrai, d’une manière très souple, presque imperceptible.

Chaque son continue d’être émané, initié, animé par la bouche. Les mots devenus matière sonore conservent pourtant la même articulation, l’empreinte exacte d’une signification de moins en moins reconnaissable. Plus tard, cette empreinte est elle-même perdue. La bouche produit alors une séquence de véritables explosions, de crépitement de feuilles, de sons concrets. Peut-être un chant, en hoquet, vite coupé.

C’est alors qu’il faut à nouveau apprendre à parler…

D. J. – D. G.


 

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« Suite à la production des Aveugles de Maurice Maeterlinck, à laquelle l’Ircam avait activement participé, nous avons souhaité renouveler l’aventure. Toutefois, au lieu de travailler sur une œuvre scénique déjà existante, nous avons préféré partir de zéro, en collaboration avec un compositeur. En l’occurrence, je me suis senti des affinités avec Daniele Ghisi.
Tout est parti d’une première proposition de Daniele : l’intuition d’une bouche comme origine de tout son, de toute parole articulée, de toute pensée. Que de cette bouche toutes choses puissent sortir, matières et mots. Et que tout cela sortant de la bouche devienne musique. Nous en avons parlé à l’auteur Yoann Thommerel qui travaillait de son côté sur l’idée d’un corps parlant séparément de son moi… Ce faisceau d’intuitions s’est peu à peu rassemblé autour de l’idée d’une bouche géante, immatérielle, parlant dans le vide, hologramme sonore et visuel d’un organe sans corps mais doué d’entendement… une bouche sans corps, un ectoplasme, un spectre, un oracle. »

Daniel Jeanneteau

« La voix parlée est un élément sonore très important dans mon univers musical. Ici, j’ai voulu faire basculer la voix parlée « normale » vers une voix qui parlerait avec des « objets sonores ». La transition est fluide et douce, sur toute la durée de l’œuvre. Peu à peu, alors même que le discours sonore conserve la forme, l’enveloppe et l’articulation de la voix parlée, le timbre de la voix se colore de sons, de bruits — en lien avec le texte dit. Au cours de la partie centrale, on saisirait presque le sens du texte dit. Puis on s’en éloigne encore. Jusqu’à ce que ne sortent plus de la bouche que des objets musicaux, excessivement concrets. »

Daniele Ghisi


Déplacer les artistes en présence

Entretien croisé avec Daniel Jeanneteau et Daniele Ghisi

Daniel Jeanneteau, pour l’homme de théâtre que vous êtes, qu’apporte la musique sur scène ?
Daniel Jeanneteau : La musique « sur scène », en tant que telle, ne m’intéresse pas spécialement. C’est à dire séparément du jeu, de la dramaturgie, de l’événement de la représentation. Elle commence à m’intéresser à partir du moment où elle ne demande plus qu’on l’écoute. J’aime la musique en tant qu’action sur l’espace, quand elle en définit la temporalité, la couleur, la tension. Elle intervient alors comme l’un des paramètres physiques de l’instant, au même titre que les surfaces et les distances, la lumière. Il était intéressant d’entendre les spectateurs assistant une deuxième fois à la représentation des Aveugles, s’étonner de la dimension très « musicale » du spectacle. Ils ne l’avaient pas remarquée la première fois, alors que la représentation est presque saturée d’événements musicaux. Le travail d’Alain Mahé et Sylvain Cadars réalise, il me semble, le paradoxe d’un environnement musicalement abstrait mais capable, par le détour de la forme, de restituer la matérialité d’une expérience… Aucune imitation de la réalité, mais une réinvention du monde par le biais de la sensation et du signe.

Qu’apporte l’ajout au mélange scénique de l’outil d’informatique musicale de l’Ircam ?
D.J. : Pour ma part, c’est essentiellement la possibilité de réaliser des espaces sonores d’une extraordinaire richesse, de littéralement mettre en scène l’espace comme l’un des protagonistes centraux, vivants, de réaliser l’intuition de Maeterlinck qui voyait dans le paysage, la nature, le cosmos entier, une sorte d’immense psychisme en perpétuelle activité.

Dans le cadre de cet atelier In Vivo Théâtre, en particulier, quelles technologies électroacoustiques ou d’informatique musicale avez-vous choisi d’utiliser ?
D.J. : L’atelier In-Vivo que nous préparons utilisera principalement les possibilités de la WFS, cette technique de diffusion capable de réaliser dans l’espace, à distance et comme sans support matériel, des sortes d’hologrammes sonores… Rien de vraiment spectaculaire dans ce prodige, qui ne peut se réaliser que dans un périmètre restreint, mais la stupeur de saisir quelque part dans un vide indifférent la réalité d’une présence toute proche, intime, parlant à notre oreille.

Daniele Ghisi : Pour reconstruire l’enveloppe vocale à partir d’événements musicaux (ce qui est l’objet du travail musical ici), j’utilise divers algorithmes, dont des algorithmes de musaïque développés par l’Ircam. La musaïque est l’équivalent sonore de la mosaïque : l’idée est de restituer un geste global en assemblant une multitude de petits gestes. Etant moi-même fasciné par la dialectique unicité/multiplicité, les briques élémentaires qui me servent ainsi à reconstituer le geste musical (ici la forme de la voix) reproduisent, à leur échelle, le geste musical en question.
Je travaille donc avec une vaste base de données, où l’on trouve à la fois des échantillons préenregistrés, mais aussi des fragments d’œuvres du passé — tous ces échantillons étant mêlés et retraités au cours de l’écriture, jusqu’à ce qu’ils deviennent méconnaissables (même pour moi !). On a parfois des surprises : si les Lieder de Schubert sont très adaptés à la musaïque, ceux de Schumann sont beaucoup plus difficile à manier !

Qu’est-ce qui vous attire dans ce genre d’atelier et de collaboration ?
D.J. : La règle du jeu des ateliers In Vivo est de plonger une équipe de théâtre ou d’art plastique, et tout son imaginaire, dans l’univers de l’Ircam. Ou du moins d’organiser une rencontre entre la première et un aspect du second. Cela entraine un déplacement des deux artistes en présence.

D.G. : J’aime beaucoup le travail en collaboration, et j’espère en faire davantage à l’avenir.
J’aimerais en effet remettre en question un aspect que l’on conçoit souvent comme axiomatique du travail du compositeur : celui d’un travail solitaire. Dans d’autres disciplines artistiques, et même dans le domaine musical, en rock, en chanson ou en jazz, les travaux à deux, à trois et même à quatre sont monnaie courante. Je pense que le compositeur du XXIe siècle ne sera pas seul à sa table — il ne l’est déjà plus vraiment, mais que se passerait-il si on poussait plus loin encore, et si nos musiques étaient un champ d’exploration collectif ?
Travailler avec quelqu’un qui vient d’un autre horizon est une bonne manière de commencer, d’autant que j’ai très envie de mettre en jeu ma musique dans des domaines qui ne sont pas exclusivement musicaux.

Propos recueillis par J.S.

Entretien vidéo avec Daniele Ghisi
Entretien vidéo avec Daniel Jeanneteau

 

 

Ster City

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Après une création en décembre 2011 au Studio-Théâtre, le spectacle STER CITY, mis en scène par Jean Paul Delore poursuit actuellement sa tournée Africaine. Emmené par les deux comédiens sud-africains Lindiwe Matshikiza et Nicholas Welche, le spectacle achèvera son AFRICA TOUR 2014 le 10 décembre à Kinshasa.


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Création au Studio-Théâtre du 16 au 18 décembre 2011

Ster City

théâtre musical tout public (dès 10 ans)

mise en scène Jean Paul Delore
collaboration artistique Isabelle Vellay
textes Jean-Paul Delore, Lindiwe Matshikiza, Nicholas Welch
musique Dominique Lentin (percussions, objets et samplers)
lumière, scénographie Patrick Puechavy
costumes, maquillage Catherine Laval
vidéo, photos, scénographie Sean Hart
projections, scénographie et régie générale Guillaume Junot

avec
Dominique Lentin, Lindiwe Matshikiza, Nicholas Welch

Production : LZD Lézard Dramatique / Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-CDN / Studio-Théâtre de Vitry / TNP Villeurbanne – avec le soutien du Tarmac-la scène internationale francophone – avec l’aide à la production d’Arcadi et le soutien de la Spedidam – LZD Lézard Dramatique est en convention avec la DRAC Rhône-Alpes et avec la Région Rhône-Alpes


Jean-Paul Delore et la compagnie L.Z.D. Lézard Dramatique proposent de novembre 2011 à avril 2012 quatre créations : LANGUES ET LUEURS, STER CITY, ILDA ET NICOLE, SANS DOUTE. Quatre spectacles réunis sous le titre : Les dernières nouvelles de l’en-delà. Un voyage théâtral, musical, littéraire et plastique, interprété en français, lingala, zulu, afrikaans, portugais et anglais, par 15 comédiens et musiciens rencontrés ces 10 dernières années à Kinshasa, Lyon, Brazzaville, Maputo, Paris, Rio de Janeiro et Johannesburg. Ces spectacles seront présentés au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, au Tarmac – la scène internationale francophone, au Théâtre Paris-Villette, au TNP Villeurbanne, au théâtre de Vénissieux, au Théâtre de St Quentin en Yvelines – Scène Nationale et au Centre Culturel André Malraux – Scène Nationale de Vandoeuvre-Lès-Nancy.


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Une histoire pour petits et grands jouée par deux acteurs hors-normes remaniant l’espoir et l’esthétique de la catastrophe pour dire la mémoire ou l’ultra-contemporain de Johannesburg et, par certains aspects, de toute l’Afrique du Sud…

JEAN-PAUL DELORE : JOHANNESBURG, L’AFRIQUE DU SUD…
DES QUESTIONS NÉES LÀ-BAS MAIS QUI RÉSONNENT ICI »

Pourriez-nous raconter la naissance de ce spectacle ?

Jean-Paul DELORE : Je suis allé à plusieurs reprises ces dernières années à Johannesburg. J’y ai rencontré des individus, des artistes, des lieux… J’ai été invité, en 2009, à participer aux « Scénographies Urbaines ». J’ai appris peu à peu à aimer cette ville complexe. Curiosité, fascination, inquiétude, incompréhension, ce sont ces sensations qui m’ont donné envie d’imaginer ce spectacle.

Ster City c’est où ? C’est quoi ? C’est comment ?

C’est un ancien cinéma abandonné, énorme, en plein centre de Johannesburg. Ce multiplex, luxueux dans les années 70 et 80, réservé aux blancs, est aujourd’hui fermé et dévasté mais, partout autour, la vie grouille de mouvements, d’échanges, de trafics… Des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants, venus de tout le continent africain ou des quartiers périphériques s’établissent ou transitent dans cette partie de la ville. Un port vivant, sans océan…

Tout part de ce lieu mais après… comment naît le spectacle ?

Depuis une dizaine d’années nous réalisons tous nos spectacles dans des grandes villes à travers le monde. Nous avons appelé ces résidences itinérantes les « Carnets Sud Nord ». Quand j’ai rencontré Nicholas Welsh puis Lindiwe Matshikiza, les deux acteurs sud africains du spectacle, j’ai senti que nous pouvions nous retrouver autour de quelques principes qui façonnent ces Carnets où circulent des artistes voyageurs qui se cooptent en étant probablement guidés par leur goût commun pour l’abstraction de certaines formes littéraires et musicales écrites, orales ou improvisées, par la mise en jeu de leur curiosité pour le traitement de l’image (photo, vidéo, web) ou encore par leurs relations quasi organiques avec les arts plastiques (corps humain / matière vivante).
Il faut y ajouter également ces regards exigeants, désespérés et ironiques que les artistes des Carnets jettent sur leurs situations respectives d’étrangers, et leur désir partagé de s’adresser directement au spectateur, à l’initié comme à celui qu’il faut aller chercher là où parfois il ne s’y attend pas.

Quelles impressions (Quels souvenirs ? Quelles images ?) avez-vous gardé(e)s de Johannesburg ?
De l’Afrique du sud ?

J’aimerais pouvoir rendre compte de cette impression de « l’hyper présent », ce « very strong present » ressenti à Joburg. Car je ne sais pas raconter les souvenirs, les images de tous ces voyages et c’est sans doute cette carence qui me conduit à faire des spectacles. Nous avons rencontré des personnes, des lieux, des sons, des langues et nous avons essayé de faire du théâtre là bas. Et maintenant ici !

Le spectacle laisse entendre plusieurs langues (français, anglais, zoulou, afrikaans) pourquoi ce choix d’une multiplicité des langues ?

L’Histoire de l’Afrique du Sud est faite de tant de mouvements de population, choisis et subis… Peut être la diversité des langues nous aide-t-elle à évoquer non pas l’histoire des endroits mais plutôt le mouvement lui-même. Et plus simplement, je suis depuis longtemps intrigué par le fait que, suivant l’endroit où l’on est né, où l’on grandit, où l’on vit, on n’émette pas les mêmes sons pour s’approcher de l’autre. Je suis intrigué par la matière d’une langue, avant même le sens :le grain, les sonorités, le rythme, les accents, tout ce qui fait la musique d’une langue ; mais aussi les mots intraduisibles, les faux amis d’une langue à l’autre, les mélanges de langue dans une conversation, dans une phrase, les efforts pour parler une langue qu’on ne connait pas c’est à dire ce champ qui voit se combiner désir, frustration et énervement. Et puis, en quelle langue pense-t-on ? En quelle langue rêve-t-on ? Ou, comme le dit l’écrivain mozambicain, Mia Couto, en quelle langue on se tait…

Le texte (les textes) quel est-il (quels sont-ils) ?

Depuis le début de l’aventure « Carnet Sud Nord », il y a la tentative de décrire l’individu enfant, femme ou homme comme un héros de la civilisation du désastre, jouisseur et victime du chaos. Avec « Ster city », l’ordonnancement des faits marquants de l’Histoire sud africaine, de la préhistoire à nos jours, racontée à un public à partir de dix ans, constitue l’essentiel de la trame.
Les ennuis commencent ici, si l’on peut dire, car les historiens – on peut s’en douter ­– ne sont pas tous d’accord… De toute façon, il n’est pas certain qu’un exposé de dates et de batailles soit très théâtral, alors nous avons choisi une restitution non chronologique de tous ces faits marquants, en essayant de privilégier une relation sensitive à l’Histoire, plus proche de l’association d’idées. Le scénario, les textes, les musiques et les images vidéo vont être créés au cours des répétitions, au bord du plateau. Il faut ajouter que cette fausse conférence historique est jouée par deux acteurs improvisateurs, jeunes, brillants, hors normes ; ils se partagent des fragments brulants de l’Histoire sud africaine et de leur propre histoire ; ils ont le cou tendu vers l’avenir. Donc, emblématiques de la modernité sud africaine…

Pourquoi avoir choisi d’adresser plus particulièrement ce spectacle aux jeunes spectateurs ?

Héraclite dit «le temps est un enfant qui joue». A qui appartient la vérité de l’Histoire de n’importe quel pays qui avance par autant de renversements, de mélanges, d’aventures, d’échecs et d’espoirs ? On ne tranchera pas la question, évidemment. Nous allons dire au jeune public de Ster City : il y a des questions et une sécheresse de réponse, sur ces événements qui se sont échappés, ces couleurs de peau et de paysages controversés, ces animaux « réservés » et sauvages, ces cartographies provisoires… Ce sont des questions nées là-bas mais qui raisonnent ici, et rendre compte de cette difficulté à répondre aujourd’hui, peut prendre une saveur particulière pour le public de tout âge au moment où l’Europe n’en finit pas de s’interroger sur sa propre identité… Cette Europe aussi omniprésente que minoritaire ces cinq derniers siècles sur ces terres australes qu’on ne peut réduire à l’invention là bas de cette monstruosité que fût le développement séparé ou apartheid mais qui devra bien admettre que le berceau de l’humanité ne se situe pas du coté des grottes de Lascaux…

Quels sont selon vous les ingrédients spécifiques d’un théâtre « jeunes publics » ? Est-on aujourd’hui plus ou moins libre dans le choix des sujets et la manière de les aborder pour une jeune public ? N’y a t-il pas une forme nouvelle de censure (d’autocensure) ? A l’inverse certains sujets, jadis tus, ne sont-ils pas abordés ?

Je n’ai pas l’expérience du théâtre jeune public ; donc là aussi nous arrivons en terra incognita , ce qui, espérons-le, est un atout ; de fait, je ne sais toujours pas si une catégorie particulière de public implique un genre particulier de théâtre ; on peut continuer de rêver que c’est l’œuvre qui crée son public et non l’inverse et d’ailleurs j’insiste sur le fait que « Ster City » est un spectacle tout public à partir de 10 ans. Vouloir raconter l’Histoire de ce pays à ce « tout public », en une heure seulement est un pari à peu près aussi stupide qu’un concours du meilleur mangeur de saucisses, mais finalement toutes ces contraintes nous obligent à un traitement abstrait de l’histoire, un théâtre avant tout mental, dont je suppose qu’il puisse réunir le vieux et le jeune public. La plupart des spectacles du programme Carnet Sud Nord sont écrits de façon non linéaire, par associations d’idées, faisant la part belle à la dérive de fragments, ne cherchant pas forcément à introduire une hiérarchie entre le détail et le général. Il en va peut être de tout spectacle, de tout poème comme de toute destinée et de toute mémoire individuelle ou collective : comment l’unité d’une personne ou d’un peuple, n’est pas menacée par le chaos apparent de la pensée, des rencontres, de la diversité des influences ou des comportements. Cette réflexion là, par exemple, exténuante et apaisante, je crois qu’un enfant de dix ans peut très bien la saisir car tout simplement cela fait déjà dix années qu’il en fait l’expérience jour après jour. Je ne sais pas ce qu’un individu à partir de dix ans a la permission d’aimer. Mais je peux lui montrer que, moi, j’aime les plis, les courbes, les tiroirs, les paysages et les phrases non finies, les enfants compliqués, les clichés d’organes vitaux et Google Earth, les bâtards, les peintures rupestres, les corps mélangés et fragmentés car peut être amoureux, morts ou seulement somnolents…..

Peut-on tout dire aux jeunes spectateurs ? Ma question allait dans le sens : y a t-il des sujets que l’on ne peut pas aborder avec un jeune public – ou que l’on aborder différemment ?

Tout ? N’est ce pas un peu trop ? Plus ça va et plus nous sommes loin du « tout ».
Ce serait déjà pas mal d’arriver à dire au moins UNE chose ! La moitié de cette chose pourrait même faire l’affaire si elle pouvait atteindre chaque spectateur, du plus vieux au plus jeune, du plus réveillé au plus endormi… Et pourtant, quand on crée quelque chose, si l’on n’essaye pas de tendre vers ce « tout » impossible à saisir, alors on ne dit rien… C’est étrange, non ?

Propos recueillis par Bernard Magnier pour le Tarmac, octobre 2011


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UNE HISTOIRE

En mars 2009, j’ai été invité par l’Institut Français d’Afrique du Sud, les Scénographies Urbaines et le Joubert Park Project à Johannesburg pour travailler dans un de ces lieux qui, dès l’instant où vous le découvrez, vous met les nerfs à vifs, vous noue le ventre, vous laissant sans voix pour peu que le sens du ridicule vous retienne en travers de la gorge les mots : “légendaire” / “contradictoire” / “extraordinaire”…
Il y a, dans le cœur Est de la ville intérieure de Johannesburg, une portion de ville qui fut autrefois le business des blancs et vers laquelle semble converger aujourd’hui les migrants noirs venus de toutes les terres au-dessus de l’Afrique du Sud, comme si chacun d’eux avait entendu le signal lui permettant désormais de glisser librement au bas de la carte pour arriver à Joburg… Il y a, au centre de ce cœur Est de la ville intérieure, le Joubert Park, un temps considéré comme le jardin public le plus dangereux du monde (mais qui décerne ce genre de médaille?) et puis, à proximité, le Drill Hall, ancien manège militaire, ancien bureau de la conscription obligatoire, ancienne salle d’entraînement au combat non répertoriée sur les cartes de la ville… Ancien tribunal où furent condamnés les chefs historiques de l’ANC…
C’est dans ce périmètre urbain qu’au tournant des années 1970 fut construit un bâtiment unique dans son genre en Afrique : un complexe de 8 salles de cinéma sur 5 niveaux, comme il n’ en existait pas même en Europe à ce moment-là. Un entrelacs de couloirs, de halls, de montées d’escaliers, de salles aux perspectives et moquettes futuristes. Plusieurs milliers de fauteuils pour accueillir les fesses de race blanche, les seules autorisées à épouser ces sièges luxueux d’où l’on pouvait aimer, partir à l’ aventure, mourir sur écran géant version Hollywood, Londres ou Bombay.
L’Histoire n’a pas retenu quel film était à l’affiche lorsque les blancs, dans les derniers jours du deuxième millénaire, quittèrent précipitamment leur centre-ville laissant dans leur fuite leurs tours, avenues et cinémas d’allure newyorkaise aux nouvelles tribus qui déferlaient. Dans la panique, ils emportèrent sans doute leurs films et, dès lors, les nouveaux maîtres des lieux jouèrent eux-mêmes, en live et sans trucage, les scénarios pré-écrits de l’amour, de l’aventure et de la mort en dialectes non sur-titrés, version chef- d’œuvre de l’économie informelle : le multiplexe devenu multi-squat rejouait alors, mais cette fois de façon bien réelle, les intrigues du trafic des hommes, des femmes et des marchandises interdites…
Sur le cinéma, ses revêtements muraux, ses places numérotées et jusque dans son ciment, « le temps ne tarda pas à griffonner sa signature, le laissant édenté, arthritique, chauve, rhumatisant, improbable théâtre de marionnettes en banqueroute »… On raconte que le propriétaire philippin ne parvenant pas à faire aboutir la transformation de cette ruine de cinéma en centre commercial, cherche aujourd’hui acquéreur du côté des églises et des sectes occidentales, toujours en mal de succursales dans cette jungle urbaine de mécréants entre le Drill Hall et le Joubert Park de Joburg.
Bref, c’est là qu’en mars 2009 j’ai répété le projet Kukuga Système Mélancolique 10, avec une troupe de vingt acteurs français, mozambicains et sud-africains entre les gravats, les sièges éventrés et les lambeaux d’écrans. De temps à autre, avant la tombée de la nuit car ensuite un couvre-feu tacite semble s’emparer de toute la ville intérieure, nous invitions les habitants du quartier, commerçants ambulants, chauffeurs de taxi ou écoliers, à venir assister à une répétition…
A la vue de ces citadins, travailleurs parfois endimanchés assis dans la poussière et le moisi, spectateurs de nos saynètes hallucinées, je repensais aux mots de G. Büchner : “Ma tête est une salle de danse abandonnée, il y a des violons crevés dans un coin, les derniers danseurs ont enlevé leur masques et se regardent avec des yeux emplis d’une fatigue mortelle…”
Par hasard, mon premier contact avec Joburg et l’Afrique du Sud est donc cette rencontre surréaliste (hard-baroque) avec cet endroit difficile à décrire. Comme si, sans l’avoir voulu, j’avais été mis là en présence à la fois de personnages bien vivants et de fantômes surgis du passé qui me dictaient une histoire à raconter. Une histoire pour petits et grands jouée par deux clowns remaniant l’espoir et l’esthétique de la catastrophe pour dire la mémoire ou l’ultra-contemporain
de cette ville et, par certains aspects, de l’Afrique du Sud.
Cette histoire est là, à écrire. Elle porte le nom de ce cinéma héroïque et ravagé. Le multiplexe oublié de la ville intérieure de Johannesburg à qui je dois beaucoup : STER CITY

J-P Delore, mars 2011


Jean-Paul Delore est metteur en scène, auteur et comédien, sous la direction de Bruno Boëglin, Yves Charreton, Robert Gironès, Marie-Christine Soma et dans ses propres spectacles. Directeur artistique de la compagnie lyonnaise LZD Lézard Dramatique, il écrit et crée : Départ (82), Encore (92), Dommages (95), Suite (97), Divagations régionales (98), Absences de problèmes (00), et met aussi en scène des textes de E. Delore (Départ, Artic Bay, À L’Ouest), E. Joannes (La forêt des Zuckers) puis de M. Couto, M. Bey Durif, E. Durif, H. Michaux, Ph. Minyana, N. de Pontcharra, J.Y Picq, R.M. Rilke, J.M.Synge, S.L.Tansi. LZD a été en résidence jusqu’en 2002 à Vaulx-en-Velin.
À la frontière des genres (son travail le poussant, un temps, à la rencontre et à la création avec des « groupes » inhabituels : sportifs, jeunes en difficultés et lycéens) sa démarche l’amène progressivement à travailler dans la proximité de musiciens et de compositeurs contemporains dessinant les contours d’un théâtre musical original (Les Hommes en 99 ; Mélodies 6 en 2001). En 1996 il rencontre Dieudonné Niangouna et depuis travaille régulièrement avec lui.
Depuis 2002 il dirige les Carnets Sud/Nord, laboratoire itinérant de créations théâtrales et musicales en Afrique Subsaharienne, Australe, au Brésil et en France, et réalise alors les spectacles : Affaires Étrangères, Songi Songi, Kukuga Système Mélancolique, Un Grand Silence Prochain, Peut-Être et Carnet 17 (Le Récital), ainsi que de très nombreuses performances dans les grandes villes de ces régions et pays.
En 2011, Jean-Paul créé avec Louis Sclavis au Festival à Vaulx Jazz Langues et Lueurs, un récital textes et musiques. De novembre 2010 à juillet 2011, il dirige également la résidence « Carnet Sud Nord 20 » en France et au Brésil de novembre 2010 à juillet 2011, durant laquelle il crée Ilda et Nicole, un spectacle théâtral et numérique.
Au Studio-Théâtre de Vitry Jean-Paul Delore a été comédien dans Les Vagues (mise en scène de Marie-Christine Soma) et metteur en scène pour le spectacle Beur2Ko.
Il est artiste associé au Théâtre Paris-Villette.


Nick (Nicholas Richard Holmes Pule) Welch
alias Gwasa Juse, Pule

Acteur, clown, linguiste, rappeur…
Diplômé en Arts Dramatiques à l’université de Witswatersand, Johannesbourg, Nick ne cesse
depuis le début de sa carrière de varier les genres.
Parlant couramment le zulu et le sotho, Nick s’est spécialisé dans l’étude de la langue Zulu, étudiant son argot et ses composantes modernes : primé « Jeune Linguiste de l’année » en 2011, il est actuellement chercheur en éducation multilingue à l’université de Johannesburg.
En tant que « clown », Nick se produit depuis de nombreuses années à travers le pays.
En 2008, il joue dans Kuguga Mélancolique système dix, du metteur en scène français Jean-Paul Delore, prenant part à cet échange international (Afrique, France, Mozambique).
En 2008/2009, il écrit, met en scène et joue avec Wesley Makgamatha Afrika : Mama Yo ! , une satire comique. Il joue également en 2008 dans le cadre du Grahamstown National Arts Festival dans Sky’s the limit de Helen Iskander, Why we left de Megan Godsell, et coécrit et joue dans The Jellyfish Who Wanted to be a Bird but Didn’t Really Know What A Bird Was, production étudiante officielle représentant la Wits University. En 2007, il joue Bottom dans Le songe d’une nuit d’été au National Arts Festival.
Sous le nom de scène Gwasa Juse, il produit et joue avec le groupe de hip-hop de Soweto Third Wave, qui a déjà trois enregistrements à son actif.


Lindiwe Matshikiza

Comédienne, auteur, metteur en scène, réalisatrice.
Figure montante de la scène sud-africaine, Lindiwe a débuté sa carrière en 2005, après avoir été diplômée avec les honneurs du département de théâtre de Rhodes University.
Depuis ses débuts, Lindiwe n’a cessé de jouer à travers l’Afrique du Sud dans des spectacles tels que The Famished Road, The Jungle Book , Closer et Bafana Republic, une satire sur l’Afrique du Sud dans lequel elle interpréta dix personnages différents, et qui fut fortement plébiscité par la critique. En tant que metteur en scène, elle a notamment réalisé Recess, qui fut créé au National Arts Festival de Grahamstown, Afrique du Sud (2007) et qui continue à être diffusé aujourd’hui à New York.
Membre actif de la communauté théâtrale sud-africaine, Lindiwe est travaille au sein de plusieurs collectifs, dont « The Framework », groupe de théâtre d’improvisation, « The Flare », collectif de réalisatrices, et « Causing a scene », groupe d’improvisation se produisant chaque mois à Johannesburg.
Durant ces dernières années, Lindiwe a également travaillé intensivement dans l’industrie du film et de la télévision en tant qu’actrice pour des productions nationales et internationales, mais également en tant que réalisatrice pour la série télévisée Zone 14, primée aux SAFTA. Lindiwe travaille actuellement à la réalisation d’un documentaire, « One take Grace », première étape d’un projet intitulé « Donkey child Projects. »

Les Mamelle de Tirésias

visuel Tirésias

En mai nous accueillons la création en résidence des MAMELLES DE TIRÉSIAS d’après le drame surréaliste de Guillaume Apollinaire dans une mise en scène d’Ellen Hammer, grande femme de théâtre allemande dramaturge de Klaus Michael Grüber et Robert Wilson, en collaboration avec Jean-Baptiste Sastre.


HORS LES MURS :
Emmaüs Paris – Caserne de Reuilly, Paris 12
lundi 11 mai à 20h30 

AU STUDIO-THÉÂTRE DE VITRY :
mardi 12 mai à 20h30
mercredi 13 mai à 20h30 

AU THÉÂTRE GARONNE À TOULOUSE :
vendredi 9 Octobre 2015 à 20h30
samedi 10 Octobre 2015 à 20h30
lundi 12 Octobre 2015 à 20h
mardi 13 Octobre 2015 à 20h

AU THÉÂTRE L’AVANT-SEINE À COLOMBE :
vendredi 20 novembre 2015 à 20h30

LES MAMELLES DE TIRÉSIAS

d’après le drame surréaliste de Guillaume Apollinaire (écrit en 1903-1915-1917)

mise en scène Ellen Hammer et Jean-Baptiste Sastre
lumière et scénographie Dominique Borrini
costumes Soraya Mangin
réalisation des costumes Kenny André avec la collaboration des Communautés Emmaüs Paris et Emmaüs Neuilly-Plaisance
réalisation décor Casimir – Compagnon Emmaüs de Neuilly-Plaisance

avec
Hiam Abbass
Éric Blakoski 
– Compagnon Emmaüs Paris
Bass Dhem
Catherine Germain- Le clown Arletti
Jean-Baptiste Sastre

production déléguée Théâtre Garonne, scène européenne – Toulouse
coproduction Studio-Théâtre de Vitry, Centre National de Création et de Diffusion Culturelles de Châteauvallon, Les Théâtres de la ville de LuxembourgLa Comète / Scène Nationale de Châlons-en-Champagne, Le Bois de l’Aune / Aix-en-Provence, les Communautés Emmaüs Paris et Emmaüs Neuilly Avenir
avec l’aide du Centre National de Création et de diffusion Culturelles de Châteauvallon et du Studio-Théâtre de Vitry dans le cadre de résidences de création, avec le soutien de l’Avant Seine / Théâtre de Colombes

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Suite au projet Phèdre les oiseaux texte de Fréderic Boyer, mise en scène par Jean-Baptiste Sastre, que j’ai accompagné pendant deux ans avec les compagnons d’Emmaüs en France, nous avons souhaité prolonger cette aventure avec Les Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire.
En effet deux ans avant le début du travail sur Phèdre, Jean-Baptiste Sastre avait travaillé avec des compagnes et des compagnons ainsi que des responsables dans les différentes communautés d’Emmaüs en France pour constituer un chœur. Puis Phèdre s’est étendue dans le monde : à Berlin avec un chœur de sans-abri, à Los Angeles avec les enfants des rues de Venice Beach, en Palestine avec des jeunes du Camp de Réfugiés, Balata, ainsi qu’en Israël.

Les compagnes et les compagnons se sont révélés des interprètes magnifiques.
Ils se sont emparés du texte avec force et dignité. Cette aventure a tissé des liens forts, plus précisément elle a instauré des rapports d’amitié, de confiance et de fidélité.

Quand ce nouveau projet a mûri chez Hiam Abbass, Jean-Baptiste Sastre, et moi-même, l’idée de poursuivre notre compagnonnage avec Emmaüs nous semblait évidente et nécessaire. De plus, nous avons souhaité faire une première présentation dans la salle des ventes d’Emmaüs Paris «Caserne de Reuilly». Un lieu où tout se mélange, les visages, les corps, les accents, les langues, les objets cassés, jetés, à l’image de l’univers poétique de la pièce d’Apollinaire.

Les Mamelles de Tirésias « nous montre une femme nommée Thérèse, qui quitte le domaine conjugal. La révolte de Thérèse est déclenchée par la présence pesante d’un mari autoritaire qui n’a d’autre conversation que la phrase «Donnez-moi du lard»: animal primaire, il ne veut que nourriture et progéniture. Après l’avoir quitté, Thérèse adopte une identité masculine, afin de conquérir des postes de pouvoir militaire, social et politique. Le mari, de son côté, profite de son absence pour laisser s’épanouir la dimension féminine de sa nature… Il adopte très volontiers le rôle maternel et miraculeusement, en un seul jour, donne naissance à 49051 enfants » (Peter Read, Les Mamelles de Tirésias, Presse universitaire de Rennes).

Le texte d’Apollinaire conte la complexité de nos sociétés contemporaines, leurs détresses, leurs normes, leurs déchirures, leurs joies, leurs métamorphoses, leurs lâchetés…
Il ne s’agit pas de choisir ou d’indiquer, mais plutôt d’avoir la liberté de penser le rapport à soi et donc à l’autre. Personne n’est sauvé et personne n’est perdu tout à fait.

Ellen Hammer

Je me souviens de mon enfance
Eau qui dormait dans un verre
Avant les tempêtes l’espérance
Je me souviens de mon enfance

Je songe aux métamorphoses
Qui s’épanouissent dans un verre
Comme l’espoir et la tristesse
Je songe aux métamorphoses

C’est ma destinée que je lis
Dans les reflets incertains
Les jeux sont faits rien ne va plus
C’est ma destinée que je lis

Guillaume Apollinaire
Le Guetteur mélancolique


Ellen Hammer est née à Munich, où elle a étudié la littérature et l’histoire du théâtre.
De 1970 à 1978 elle est assistante à la mise en scène et dramaturge (Schaubühne de Berlin) avec Peter Stein et Klaus Michael Grüber.
Depuis son départ de la Schaubühne elle a régulièrement travaillé en tant que collaboratrice de Klaus Michael Grüber dans la plupart de ses mises en scènes en Europe. Mise en scène d’opéra : Tannhäuser de Richard Wagner (Maggio Musicale di Fiorentino, 1983), Elektra de Richard Strauss (Théâtre de San Carlo à Naples, La Fenice à Venise et Teatro Real à Madrid, 1988), Parsifal de Richard Wagner (Opéra d’Amsterdam, 1990), De La Maison des Morts de Leoš Janáček (Festival de Salzburg, 1992), Le Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi (Festival Provence, 1999), Othello et Aida de Giuseppe Verdi (Opéra d’Amsterdam, 2000), Le Retour d’Ulysse de C. Monteverdi (Opéra de Zurich, 2003). Mises en Scène de théâtre : Empédocle de Friedrich Hölderlin (Schaubühne de Berlin et Maison de la Culture de Nanterre dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, 1976), Sur La Grande Route de Anton Tchekhov, (Schaubühne de Berlin et Festival d’Automne à Paris, 1984), Bérénice de Jean Racine (Comédie Française, 1984), Le Roi Lear de William Shakespeare (Schaubühne de Berlin et Théâtre National de Chaillot dans le cadre du Festival d’Automne, 1985), Le Récit de la Servante Zerline de Hermann Broch (Théâtre des Bouffes du Nord dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, 1986), La Mort de Danton de Georg Büchner (Théâtre des Amandiers Nanterre dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, 1989), Voyage d’Hiver extraits du livre Hypérion de Friedrich Hölderlin (Stade Olympique de Berlin, 1991), Splendid’s de Jean Genet (Piccolo Teatro de Milan, Schaubühne de Berlin, Théâtre National de l’Odéon Paris dans le cadre du Festival d‘Automne, 1994), Roberto Zucco de Bernard Marie Koltès (AKademie Theater Vienne, 2002),OEdipe à Colonnes de Sophocle (Burgtheater Vienne, 2003).
Elle travaille également depuis 1987 comme dramaturge de Robert Wilson : Alceste de Heiner Müller et d’après Euripide (Théâtre de Stuttgart, 1987), Le Martyre de Saint Sébastien ballet de Claude Debussy (MC93 de Bobigny, Opéra Garnier, 1988), La Nuit d’Avant Le Jour de Massenet, Berlioz, Meyerbeer, Bizet, etc.. à l’occasion de l’inauguration de l’Opéra Bastille, 1989), Le Roi Lear de William Shakespeare (Schauspielhaus Francfort, 1990), Le Chant du Cygne de Anton Tchekhov (Tokyo, 1991), La Flute Enchantée de W.A. Mozart (Opéra Bastille 1991), Les Fables de La Fontaine (Comédie Française 2004), La Passion selon St Jean de J.S. Bach (Théâtre du Châtelet à Paris en 2008), Les Nègres de Jean Genet (Théâtre de l’Odéon, 2014/2015), Le Couronnement de Poppée de Claudio Monteverdi (Opéra Garnier, 2014/2015).
Elle collabore avec Jean-Baptiste Sastre sur les projets Richard II de William Shakespeare (Cours d’Honneur du palais des Papes à Avignon en 2010), Phèdre Les Oiseaux de Frédéric Boyer (France/Allemagne/Italie/USA/Palestine/Israël en 2011/2012/2013).
Elle signe de nombreuses mises en scène: Aus der Fremde d’Ernst Jandl (Schaubühne Berlin, 1980), Quartett et Philoctète de Heiner Müller (Théâtre de Bonn, 1982), Le Misanthrope de Molière (Théâtre de Bonn, 1983), l’Inconnue d’après Horváth (Piccolo Teatro de Milan, 1992), Les Bâtisseurs d’Empires d’Albert Camus (Théâtre de Francfort, 1991), Le Sicilien ou L’amour est un Peintre de Molière (Francfort), Caligula d’Albert Camus et Richard II de Shakespeare (Graz), La Traviata de Guiseppe Verdi (Opéra de Lyon, 2009).

Hiam Abbass est née à Nazareth en 1960. Elle suit des cours de théâtre durant toute sa scolarité. Étudie en parallèle la photographie à WIZO Institut à Haïfa de 1978 à 1980. De 1980 à 1982 elle continue d’étudier la photographie, mais aussi le journalisme ainsi que l’archéologie. De 1982 à 1986 elle programme le Théâtre « El Hakawati » à Jérusalem Est. Son travail de comédienne lui fait parcourir l’Europe. Tournées en France, Espagne, Angleterre, Suède, Danemark, Finlande, Allemagne, Pays Bas, Belgique, Autriche, Italie. De 1986 à 1988 elle est actrice au théâtre « Beit Al Karma » à Haïfa dans des spectacles pour enfants. Départ en 1988 pour Londres puis Paris. Au théâtre notamment dans La Nuit Miraculeuse d’Hélène Cixous, mise en Scène d’Ariane Mnouchkine en 1989, en 1993 Carmen de Bizet, mise en Scène de Jose-Luis Gomez à l’Opéra de Paris. En 2012 participe au projet Phèdre Les Oiseaux de Fréderic Boyer, Mise en Scène de Jean-Baptiste Sastre.
Au cinéma elle joue dans de nombreux films. Haïfade Rachid Mashharawi (Palestine 1995), Le Gone du Chaaba de Christophe Ruggia (France 1995), Vivre au Paradis de Bourlem Guerdjou (France 1998), Ali, Rabiaa et les Autres d’Ahmed Boulane (Maroc 1999), L’ange du Goudron de Denis Chouinard (Canada 2001), Satin Rouge de Raja Amari (France/Tunisie 2002) Aime ton Père de Jacob Berger (France 2002), La Porte du Soleil de Yousry Nasrallah (France/Syrie/Liban 2003), La Fiancée Syrienne d’Eran Riklis (Israël 2004), Paradise Now de Hani Abu Asaad (Palestine 2004), Le Démon de Midi de Marie-Pascale Osterrieth (France 2004), Free Zone d’Amos Gitaï (Israël 2005), The Nativity Story de Catherine Hardwicke (USA 2006), Dialogue Avec Mon Jardinier de Jean Becker (France 2007), The Visitor de Thomas McCarthy (USA 2007), Désengagement d’Amos Gitaï (Israël/Allemagne 2007), Les Citronniers d’Eran Riklis (Israël 2008), Un Roman Policier de Stéphanie Duvivier (France 2008), La Fabrique des Sentiments de Jean-Marc Moutout (France 2007), L’Aube du Monde de Abbas Fahdel (France/Iraq 2008), Kandisha de Jérôme Cohen-Olivar (Maroc 2008), Grenades et myrrhe de Najwa Najjar (Palestine 2008), Amreeka de Cherien Dabis (USA 2009), The Limits Of Control de Jim Jarmusch (USA/Espagne 2009), Persecutions de Patrice Chereau (France 2009), Chaque Jour est une Fête de Dima El-Horr (Liban 2009), Intégrations Ordinaires de Julien Sicard (France 2009), Miral de Julian Schnabel (USA/France/Palestine 2010), I am Slave de Gabriel Range (Angleterre 2010), Les Jeux des Nuages et de la Pluie de Benjamin de Lajarte (France 2011), Une Bouteille à la mer de Thierry Binisti (France/Palestine 2011), La Source des Femmes de Radu Mihaileanu (France/Maroc 2011), Le Sac de Farine de Kadija Lecrere (Belgique/Maroc 2012), Rock The Casbah de Laïla Marrakchi (France/Maroc 2013), May In The Summer de Cherien Dabis (USA/Jordanie 2013), Only In New York de Ghazi Albuliwi (USA 2013), De Guerre Lasse d’Olivier Panchot (France 2014), Exodus de Ridley Scott (USA/ Angleterre/Espagne 2014), Le Gout Des Merveilles d’Éric Besnard (France 2015), Degradee d’Arab et Tarzan Nasser (Palestine 2015).
Elle réalise Le Pain (court-métrage France 2000), La Danse Éternelle (cour-métrage France 2003), Héritage (long-métrage France/Palestine/Israël 2011), Tournée « Phèdre Les Oiseaux » (documentaire Palestine, Israël 2013), Le Donne Della Vucciria (court-métrage Sicile/Italie 2013). En montage d’un Documentaire autour de Phèdre Les Oiseaux dans les différents pays elle termine l’écriture d’un nouveau long-métrage.

Catherine Germain est née en Touraine dans une famille de paysans.
Après trois années passées à La Rue Blanche (ENSATT), elle rencontre François Cervantes en 1986 l’année où il crée la compagnie L’entreprise. Depuis cette date, elle collabore et joue dans la plupart des créations de la compagnie. Bars, Le venin des histoires, La curiosité des anges, On a marché sur la terre, Quelques jours avant l’équinoxe de printemps, Masques, Le sixième jour, L’épopée de Gilgamesh, Le voyage de Penazar, Le retour de Penazar à Bali, Les Nô européens, Le concert, Voisin, Les clowns, Une île, Le dernier quatuor d’un homme sourd, Un amour.
Sa collaboration avec François Cervantes tout au long de ces années a donné lieu à une recherche approfondie sur le travail de l’acteur, notamment dans le domaine du clown – création du clown Arletti dès 1988 dans La curiosité des anges et du masque. Son travail s’est axé autour de l’écriture de François Cervantes. Depuis 2006, elle propose des « veillées masque » soirées d’improvisation avec des masques. Elle enseigne pendant plusieurs années au CNAC, Centre National des Arts du Cirque à Châlons-en-Champagne, dirige des stages et ateliers pour comédiens professionnels ou public amateur, en France et à l’étranger (Inde, Java, Bali, Océan Indien, Norvège), elle dispense son enseignement également dans le cadre d’écoles, conservatoires (Conservatoire d’Avignon, ERAC)
En 2001 et 2004, elle travaille comme récitante avec les musiciens de l’Orchestre du Louvre de Grenoble sous la direction de Mirella Giardelli.
Elle joue en 2005 dans la pièce Plus loin que loin de Zinnie Harris, mise en scène par Pierre Foviau, artiste associé à la scène nationale de Dunkerque. Invitée par le danseur chorégraphe Thierry Thieû Niang en octobre 2007, elle participe à une Carte blanche au Théâtre des Salins à Martigues. De cette rencontre naîtra le désir d’aller au plateau ensemble : ils créent Un amour pour lequel ils invitent quatre metteurs en scène, quatre regards : François Cervantes, Patrice Chéreau, Laurent Fréchuret et François Rancillac (2009). En 2008, elle crée Médée sous la direction de Laurent Fréchuret, directeur du Centre Dramatique National de Sartrouville, texte d’Euripide dans une traduction de Florence Dupont.
Catherine Germain rencontre l’écriture à l’occasion du travail sur le masque. Elle écrit avec François Cervantes Le clown Arletti, vingt ans de ravissement, co-édité par les Éditions Maison et les éditions Magellan & Cie, 2009 : ce livre témoigne de la collaboration insolite entre un auteur et une actrice.

Jean-Baptiste Sastre Ancien élève du Conservatoire Supérieur d’Art Dramatique (classes de Philippe Adrien, Jean-Pierre Vincent, Daniel Mesguich 1988-1992). En 2005, il est lauréat de la Villa Médicis hors les murs du Ministère des Affaires Etrangères à Londres, pour son projet d’études sur le théâtre élisabéthain.
Il interprète Ernesto dans La Pluie d’été de Marguerite Duras dans une mise en scène d’Éric Vigner en 1993, Hippolyte dans Phèdre Les Oiseaux de Fréderic Boyer (Version Française) en 2012/2013.
Il signe de nombreuses mises en scène dont Histoire Vécue du Rois Toto d’après des textes d’Antonin Artaud au Théâtre de la Bastille en 1995, Haute Surveillance de Jean Genet au Théâtre de La Bastille en 1997 puis en tournée à Strasbourg, L’affaire De La Rue de Lourcine d’Eugène Labiche au Théâtre des Amandiers de Nanterre puis en tournée à Chambéry et Brest, Tamerlan le Grand de Christopher Marlowe au Théâtre National de Chaillot en 2001puis en tournée à Hérouville et Mulhouse, Les Paravents de Jean Genet au Théâtre National de Chaillot en 2004 puis en tournée à Dijon, La Surprise de l’amour de Marivaux au Théâtre National de Chaillot en 2005 puis en tournée au Luxembourg et en Belgique, Léonce et Lena de Georg Büchner au Théâtre National de Chaillot en 2007, Un chapeau de paille d’Italie d’Eugène Labiche au Théâtre National de Chaillot en 2007 puis en tournée à Amiens, Toulouse, Reims et Brest, La Ballade du Vieux Marin de Samuel Taylor Coleridge au Théâtre National de Chaillot en 2008 puis en tournée à Madrid, Richard II de William Shakespeare représenté dans La Cour d’honneur du Palais des Papes lors du Festival d’Avignon en 2010, puis en tournée à Châteauvallon, Lorient, Valenciennes, Clermont-Ferrand, Marseille, Amiens, Liège (Belgique), Nîmes, Les Gémeaux, St Quentin en Yvelines et Chalon-sur-Saône. Il prépare le chœur de Phèdre Les Oiseaux de Fréderic Boyer en 2011/2012 en France : Compagnons d’Emmaüs, Rédéné, Vannes, Nantes, St Brieuc, Paris, Neuilly Plaisance, Toulouse, Marseille, La Seyne sur Mer, Nice, Arles, Courthézon ; à Berlin : Straßenchor de Berlin, choeur des sans-abris de la ville de Berlin ; à Los Angeles : communauté de Venice Beach, choeur des enfants de la rue de Los Angeles ; à New York : Haïtian- Americans In Action (HAIA) ; en Italie : Compagnons d’Emmaüs d’Erba ; en Palestine : Enfants du Camp de Refugiés de Balatah, Naplouse ; en Israël : Enfants des villages de Galilée, Centre des Sourds et Muets. La mise en scène de Phèdre Les Oiseaux de Jean-Baptiste Sastre part en tournée en 2012 et 2013 en France (Lorient, Châteauvallon, IMA/Paris, Toulouse, Nantes, Marseille et Aix en Provence, dans le cadre de Marseille-Provence 2013-Capitale Européenne de la Culture), en Allemagne (Berlin), en Italie (Milan), en Suisse (Lugano), aux USA (Los Angeles, New York), en Palestine/Israël (Naplouse, Ramallah, Nazareth, Haïfa et Jérusalem).
Des liens majeurs se tisseront sur ce dernier projet ; en effet de nombreux participants se retrouvent sur Les Mamelles de Tirésias mis en scène par Ellen Hammer, dans lequel il interprète le rôle du mari et est étroit collaborateur artistique.

Bass Dhem est né au Sénégal. Dès l’age de 10 ans il fait du cinéma Ombres Chinoises en reprenant des histoires entendues à la radio sénégalaise. Dans la famille, chez les Peuls, on n’aime pas le théâtre, mais il persiste dans cette voie et intègre le cours Simon à Paris de 1978 à 1980. La vie d’artiste, la bohème, les petits boulots et enfin… des rencontres. Une rencontre importante avec Youssoupha John, professeur aux Beaux-Arts de Dakar. De leurs échanges fructueux, ils montent à Paris Chaka et les poètes de la diaspora. Bass Dhem fréquente de nombreux ateliers notamment avec Ariane Mnouchkine, Daniel Mesguich, Andrzej Seweryn. Au théâtre, il joue Yago dans Othello de William Shakespeare, mise en scène de Mahmoud Shahali, travaille avec Alfredo Arias, dans une pièce de Copi, mais aussi avec Moïse Touré, Gabriel Garan. Il entre en résidence en Guyane avec la Compagnie KS and CO, pour la création de La route de Zakes Mda et Kaïdara d’Amadou Hampâté Bâ, sous la direction d’Evelyne Guillaume. En 2014, il est choisi par Bob Wilson pour interpréter Monsieur Diouf dans Les Nègres de Jean Genet à l’Odéon. Au cinéma, il tourne avec Claude Berri, Bertrand Blier, Alain Gomis, Cédric Klapisch, Christine Pascal, Jacques Audiard, Mathieu Vadepied…. Acteur, musicien, peintre, Bass Dhem interprète dans Les Mamelles de Tirésias le rôle de Lacouf et Le Fils.

Éric Blakoski est compagnon d’Emmaüs depuis 2002. Il a collaboré comme comédien avec les compagnons d’Emmaüs sur le spectacle Phèdre les oiseaux de Fréderic Boyer, mis en scène par Jean-Baptiste Sastre. Il interprète le rôle du gendarme dans Les Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire.
Il est coordinateur d’Emmaüs pour ce spectacle.


Une page facebook est spécialement consacrée au projet Les Mamelles de Tirésias

Les Aveugles (Japon)

Les Aveugles au Japon

 

À l’invitation de Satoshi Miyagi, directeur du Shizuoka Performing Arts Center (SPAC), et après Blasted de Sarah Kane en 2009 et La Ménagerie de verre de Tennessee Williams en 2011, Daniel Jeanneteau est retourné au Japon ce printemps 2015 pour créer la version japonaise des AVEUGLES de Maurice Maeterlinck. Ce spectacle réunissant des comédiens amateurs et professionnels de la région de Shizuoka a été présenté en plein air dans la forêt du Nihondaira lors du Festival de Printemps du SPAC, les nuits des 25, 27 avril, 1er, 2, 4 et 5 mai 2015.


Création en plein air lors du Festival de Printemps du SPAC
les 25, 27 avril, 1er, 2, 4 et 5 mai 2015 à 19h

MÔTEN-TACHI 盲点たち (LES AVEUGLES)

de Maurice Maeterlinck

traduction Akihito Hirano
mise en scène et conception scénique Daniel Jeanneteau
conception sonore Isabelle Surel
sons additionnels Alain Mahé
ingénierie sonore et informatique musicale Sylvain Cadars

avec Asuka Fuse, Kuniko HamazakiYukio Kato, Tsuyoshi Kijima, Kiyomi KobayashiKatsuhiko Konagaya, Noriyo Masui, Hisanobu OchiaiYoneji Ouchi, Ayako Terauchi, Kikuko YasohamaHisashi Yokoyama…  (comédiens de la troupe permanente du Shizuoka Performing Arts Center et amateurs de la région de Shizuoka)

production Shizuoka Performing Arts Center, avec le soutien de l’Ircam-Centre Pompidou, de L’Institut Français et de l’Ambassade de Belgique au Japon


 

Un film de Mammar Benranou

Douze aveugles en pleine nature attendent le retour d’un prêtre qui les a guidés jusque là. Mais ce prêtre est mort parmi eux. Il est absent d’être mort.

Dans ce poème visionnaire et très simple, presque immobile, la seule action réside dans la lente découverte, par un groupe disparate de personnes traversées par les mêmes sensations, de leur solitude dans un monde qu’ils ne comprennent pas, et de l’imminence de leur disparition.

Agissant comme un piège pour l’imagination, la pièce produit l’effet d’un attentat, d’un acte brut : d’un coup, la mise à nu d’une vérité ultime, obscène, et pas de réponse. Un geste contemporain, indéfiniment contemporain de tout vivant.

« Tu vas mourir. » C’est tout.

De quoi regarder ce qui nous entoure autrement, et reconsidérer le prix de chaque chose. De quoi, peut-être, repenser la communauté.

Le texte est un entrelacs complexe de motifs simples, une partition précise de silences et de mots, de répétitions, de cris confus et de respirations. Il ne raconte rien, mais il produit de l’espace, du froid, du temps, un monde de visions affectant les sens.

Il appelle une mise en œuvre chorale de la parole, avec une attention particulière aux questions du son, de la spatialité des voix, des tessitures. Plus qu’une scénographie, il exige la constitution d’un véritable paysage de la voix, à travers l’expérience d’une perception de l’espace qui ne passe plus exclusivement par le visible.

Il demande aussi de réunir une communauté d’humains, à la fois non différenciés et solitaires, sans nom mais solidement incarnés, sans visages mais tous singuliers.

Sur scène, les seuls moyens à la disposition des interprètes résideront dans leur capacité d’imagination : pratiquement aucun geste, aucun déplacement, aucune interprétation. Pas de mise en scène, pas de jeu d’acteur, mais une grande force psychique, un cerveau actif et à l’affût, tirant de chaque mot, de chaque silence et du rythme commun, la faculté de produire de la réalité…

Daniel Jeanneteau, octobre 2012

 


Tsuyoshi

Yoneji

Aveugles et Fuji
© D. J.

Sans titre-2
© Mammar Benranou


De Vitry au Nihondaira

Entretien avec Wilson Le Personnic

– Qu’est-ce qui vous a motivé à mettre en scène Les Aveugles de Maurice Maeterlinck ?

C’est une très ancienne histoire. J’ai découvert Maeterlinck adolescent, par une chanson de Julos Beaucarne qui avait mis en musique l’une des « Quinze chansons » (Elle est venue vers le palais). Le poème est magnifique, énigmatique, bouleversant sans que l’on comprenne bien pourquoi. A partir de ce moment j’ai cherché d’autres oeuvres de Maeterlinck. Les Aveugles est peut-être sa pièce la plus radicale, la plus désespérée, la plus violente. J’ai rêvé dès cette époque de la mettre en scène. Ce travail a donc été pour moi la réalisation d’une très ancienne promesse.

– L’idée du dispositif scénique et du brouillard vous est-elle venue dés le départ ?

Le brouillard s’est imposé dans un deuxième temps. L’idée première a été de ne pas différencier les acteurs et les spectateurs, de réunir une communauté unique, anonyme, et sans direction; de placer les spectateurs parmi les aveugles comme s’ils étaient aveugles eux-mêmes (c’est à dire, au fond, d’abolir la notion de handicap). Les acteurs jouent d’ailleurs les yeux ouverts, se regardent les uns les autres, ne miment en rien la cécité. La grande question de cette pièce est le paysage, l’espace extérieur du monde, incompréhensible et inquiétant, infiniment vivant. L’assemblée des spectateur, dans son étendue et sa vie incontrôlable, figurait de la meilleure façon le corps même du paysage, l’étendue du monde. Le brouillard, associé à une lumière crue et forte, nous a permis de produire de l’aveuglement, une obscurité lumineuse, sans avoir besoin d’éteindre la lumière pour faire le noir (ce qui m’a toujours paru un peu bête au fond). Il exempt le spectateur de l’effort de regarder (la plupart fermaient les yeux), le détourne de l’image, le reconduit calmement vers sa capacité de vision (d’avoir des visions).

– Comment s’est déroulé la collaboration avec l’équipe de l’Ircam ? Aviez-vous une idée précise de l’environnement sonore ?

La collaboration avec l’Ircam a été très agréable et stimulante. Je suis venu les voir en leur proposant une sorte de défi, une gageure: comment dépasser, dans la construction d’un paysage sonore, la seule duplication artificielle des sons, afin de susciter la vérité d’une présence… J’ai toujours été frappé par le fait que les réalisations les plus étonnantes de l’Ircam ne nous parviennent la plupart du temps qu’à travers la banalité d’une amplification clairement artificielle. En venant les voir, et avec la collaboration d’Alain Mahé, je voulais littéralement leur confier la réalisation de la scénographie du spectacle, qu’ils suscitent ensemble l’architecture organique et mobile indispensable à la figuration de ce drame immobile… Cela impliquait un grand travail de diffusion, de spatialisation, de recherche sur les niveaux, les nappes sonores, les combinaisons de sons abstraits et de sons réels…

– Vous avez signé les décors de  Régy pendant plus de quinze ans. Il vient également de mettre en scène un texte de Maurice Maeterlinck…

En fait j’ai rencontré Claude Régy par Maeterlinck, quand je suis allé voir en 1986 au TNS à Strasbourg sa première mise en scène d’Intérieur. Plus tard j’ai conçu la scénographie de sa mise en scène de La Mort de Tintagiles (TGP Saint-Denis, 1997). Il se trouve, c’est une drôlerie de la vie, que je vais mettre en scène Les Aveugles au Japon pour le théâtre où il a mis en scène Intérieur. C’est un théâtre (le SPAC à Shizuoka) où j’ai déjà créé deux spectacles (Blasted de Sarah Kane en 2005 et La Ménagerie de verre de Tennessee Williams en 2011). Nous continuons de naviguer dans des eaux proches, même si je pense avoir beaucoup divergé depuis dix ans.

– Le Shizuoka Performing Arts Center vient de vous inviter pour recréer Les Aveugles en plein air dans la forêt de Nihondaira…

C’est une idée merveilleuse: ne pas reproduire le dispositif de la création française, mais chercher la fiction de l’espace dans l’environnement même de leur théâtre, qui se trouve installé dans un magnifique massif de montagnes couvertes de forêts, le Nihondaira. C’est un spectacle que nous ferons sans scénographie, sans lumières et sans costumes, avec un groupe de comédiens amateurs et professionnels comme en France. Sur la base du même principe de non différenciation du public et des acteurs, le travail de l’espace se concentrera sur le son, mais d’une façon moins musicale qu’en France: il s’agira d’inquiéter la forêt, d’accentuer le trouble par l’adjonction, aux mille bruits de la nuit, de sons concrets et plausibles mais peu interprétables… Une sorte de langue étrangère parlée par la nuit et les éléments, quand les humains n’y sont pas. Je suis allé au Japon la semaine dernière, nous avons trouvé le site du spectacle. Je commence les répétitions le 4 mars.

– Une patinoire dans Bulbus, du Brouillard dans Les Aveugles, un sol rocailleux dans Faits, la forêt de Nihondaira semble presque être une suite logique…

Oui c’est vrai. Mais cela a commencé il y a plus longtemps que ça. J’ai souvent eu recours à la matière, c’est à dire à la sensation, pour qualifier mes espaces et les faire dialoguer fortement avec les corps (un bassin rempli de boue pour Jeanne d’Arc au Bûcher, de la poussière de cuir pour Quai Ouest, du béton et du carrelage pour Quatre heures à Chatila, de grandes quantités d’eau pour Pelléas et Mélisande…). Cela en alternant avec des espaces tout à fait abstraits et « propres »… J’aime bien voyager d’un extrême à l’autre.

– Je suis curieux de savoir comment vous allez vous appropriez cette espace en plein air…

Moi aussi, je pense que cela ne va pas être facile, d’autant que le printemps est la saison des pluies au Japon! Mais les japonais vivent les éléments très différemment de nous, et endurent un pays et un climat bien plus violents que les nôtres. S’il pleut, ils n’interrompent pas les spectacles en plein air, et les spectateurs restent. Ils vivent avec la pluie, avec le froid. La vérité de la nature représentera sans doute la plus grande difficulté dans sa confrontation avec nos petits moyens artificiels. Je ne voudrais pas la violenter, mais la subvertir par des interventions subtiles, délicates, discrètes… Trouver assez d’intimité dans le groupe d’humains que nous formerons avec le public pour pouvoir voyager ensemble contre le monde vivant, incontrôlable et parfois hostile qui nous entourera…

entretien réalisé en janvier 2015 pour le site ma culture


Le Shizuoka Performing Arts Centre (SPAC)

Le SPAC est un centre de création théâtrale unique au Japon, et à bien des titres, unique au monde. Il a été créé en 1995 par la volonté du gouvernement local de la préfecture de Shizuoka. Il est l’un des premiers établissements du pays entièrement consacré aux arts du spectacle à bénéficier d’un financement public. Il dispose d’une troupe permanente, de personnels techniques et administratifs qualifiés, et occupe des locaux et des équipements qui lui sont entièrement dévolus. A l’image des centres dramatiques nationaux français, sa mission est la production et la création, mais aussi l’accueil d’artistes étrangers (aussi bien en tournée qu’en résidence de création), ainsi que la promotion des arts de la scène auprès d’un public extrêmement diversifié.

Le SPAC est dirigé depuis 2007 par le metteur en scène Satoshi Miyagi, prenant alors la relève de Tadashi Suzuki, fondateur de l’institution. Metteur en scène de renommée internationale, Satoshi Miyagi a présenté au Festival d’Avignon 2014, dans le cadre prestigieux de la carrière Boulbon, une mise en scène mémorable du « Mahabharata« . Sous son impulsion, le SPAC a établi depuis quelques années une intense relation d’amitié et d’échange avec le monde théâtral français. En 2009, Daniel Jeanneteau a été l’un des premiers metteurs en scènes étrangers à y être invité pour une création. Il s’agissait de la mise en scène de « Blasted » de Sarah Kane. Pascal Rambert, Olivier Py, Omar Porras, Claude Régy, Jean Lambert-Wild, Frédéric Fisbach, Peter Brook… y sont venus présenter ou créer leurs spectacles.

Les installations du SPAC sont divisées en deux parties distinctes :
– le parc des arts de la scène (Butai Geijutsu Koen), dans la proche périphérie de Shizuoka, sur le mont Nihondaira. C’est un ensemble d’équipements offrant les meilleures conditions de création et de résidence : un théâtre en plein air de 400 places, un théâtre ellipsoïde de 100 places, une salle modulable d’une centaine de places, des salles de répétition, des logements, une cantine-cafétéria etc., le tout dans une architecture en bois d’Arata Isozaki, en pleine nature, parmi des plantations de thé.
– un théâtre de 350 places en ville, doté de tout l’équipement nécessaire (bureaux, atelier, cage de scène et cintres…) à l’intérieur du centre de congrès (Granship) construit lui aussi par Arata Isozaki.

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Concert du festival d’automne

REPETITION AU COLLEGE JEAN PHILIPPE RAMEAU -

En 2008 nous avions accueilli un premier concert du Festival d’Automne avec l’ensemble L’Instant Donné, entièrement consacré alors à l’œuvre de Gérard Pesson qui fut longtemps directeur du conservatoire de Vitry. Nous avons retrouvé L’Instant Donné en 2012 pour les répétitions de Criss-Cross, œuvre commandée par le Festival d’Automne à Benedict Mason, avec quarante élèves du Conservatoire de Vitry. C’est à nouveau L’Instant Donné qui créera cette année AMBIDEXTRE de Pierre-Yves Macé, composé pour les trente-deux élèves du Collège Jean-Philippe Rameau de Versailles. Placé sous le signe du jeu et du son, ce concert mettra en regard des œuvres du répertoire (classique et  XXe siècle) et cette nouvelle création prenant pour toile de fond le mythe de Billy the Kid.


samedi 6 décembre 2014 à 16h et 19h*  

* (NAVETTE RETOUR au départ du Studio-Théâtre direction Châtelet)

concert du Festival d’Automne à Paris

AMBIDEXTRE / PIERRE-YVES MACÉ (création)
& STRAVINSKY / BERIO / BACH / PESSON

Igor Stravinsky Trois pièces pour clarinette
Luciano Berio extraits des 34 Duetti pour violons
Johann-Sebastian Bach Chaconne de la Deuxième Partita pour violon
Gérard Pesson Nebenstück, filtrage de la Ballade Opus 10 n°4 de Brahms pour clarinette et quatuor à cordes
Pierre-Yves Macé Ambidextre pour chœur d’enfants, alto et violoncelle – commande du Festival d’Automne à Paris

avec
l’ensemble L’Instant Donné
le Chœur d’enfants Jean-Philippe Rameau de Versailles, direction Christophe Junivart

production Festival d’Automne à Paris, coréalisation Studio-Théâtre de Vitry, avec le concours de la Sacem

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Pierre-Yves Macé a été invité à créer une œuvre pour chœur d’enfant – cette œuvre intitulée AMBIDEXTRE s’inspire d’un texte de Julien d’Abrigeon sur Billy The Kid le mythique hors la loi américain. La légende a toujours voulu que Billy the Kid ait pour surnom « le gaucher », du fait que la seule photographie parue fut certainement tirée à l’envers au moment de son impression et inversa ainsi la position des mains. De cette unique photographie est née la légende de ce jeune homme qui a inspiré des écrits et de nombreux films.

À partir d’un texte de Julien d’Abrigeon (« Pas Billy the Kid », éditions Al Dante, 2005), AMBIDEXTRE narre et déconstruit l’histoire du célèbre Billy the kid, très jeune hors-la-loi américain devenu une véritable icône de la culture pop. Alternant moments de récit, ritournelles, documents, avec un souci du contraste, l’écriture pour voix fera la part belle aux répétitions de mots, jonglera avec le son et le sens. La question longtemps débattue de savoir si Billy the Kid était droitier ou gaucher alimentera ici un jeu stéréophonique sur la droite et la gauche.
Les enfants seront invités à accompagner leur chant de percussions diverses, qui rythmeront la parole et charrieront l’imaginaire du grand Ouest. Placé en stéréophonie face au chœur, un duo violon alto/violoncelle jouera le rôle de soutien instrumental, amenant la composition vers une plus grande complexité.

Pierre-Yves Macé

Concert 2

ENTRETIEN AVEC PIERRE-YVES MACÉ

Ambidextre a été composée “d’après un texte de Julien d’Abrigeon”, Pas Billy the Kid. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Je voulais contourner cette dimension angélique que l’on rattache trop souvent au chœur d’enfants. Je cherchais une image de l’enfance plus âpre, mais aussi plus ludique. C’est pourquoi la figure de Billy the Kid m’a tout de suite intéressé par son ambiguïté. Pas Billy the Kid est une sorte de faux roman – son auteur le qualifie de “roman avorté”. C’est un agencement de fragments textuels, avec des jeux de mises en pages, des éléments qui se répondent, et énormément de références pop, à la musique et au cinéma : un texte très profus, et souvent très drôle, qui “tourne autour” de la figure de Billy the Kid, mais en négatif, en quelque sorte. Avec l’autorisation de l’auteur, je me suis livré à tout un travail de sélection, de réécriture, de recomposition du texte, de manière à obtenir le “livret” d’une espèce de western sonore. C’était un vrai défi car ce n’est pas une langue qui se prête spontanément au chant : contrairement aux autres œuvres de d’Abrigeon qui relèvent plutôt de la “poésie sonore”, c’est un texte graphique, écrit, qui n’est pas, à l’origine, destiné à être performé. Je ne voulais pas d’un texte “prêt à être chanté”.

Pourquoi ce titre d’Ambidextre ?
On a longtemps prétendu que Billy the Kid était gaucher, parce que sur l’unique photo dont on disposait de lui, on le voyait porter son holster du côté gauche. Jusqu’à ce que l’on se rende compte qu’il y avait une inversion du tirage photographique… Parce que l’on ne sait plus vraiment s’il est gaucher ou droitier, Billy the Kid deviendrait ambidextre : de cette idée, qui revient à plusieurs reprises dans le livre, a découlé celle de diviser le chœur en deux, en créant un vrai jeu de stéréophonie entre ses deux parties. Mais aussi de jouer sur les notions d’“endroit” et d’“envers” : dans Song Recycle, on trouvait déjà des voix passées à l’envers, et c’est un procédé que j’ai repris dans Ambidextre, sur certains mots ou passages…
Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant l’histoire de Billy the Kid lui-même que l’histoire de sa postérité. La pièce commence ainsi par la mort du Kid, parce que la mort de l’individu marque l’acte de naissance du mythe. Plus elle avance, plus le thème de l’émancipation, déjà très important dans le livre, se fait présent. Pour Julien d’Abrigeon, l’évasion de Billy the Kid, peu de temps avant sa mort, marque le moment où il s’émancipe du mythe que l’on a créé autour de lui. J’aime l’idée que la pièce s’arrête là- dessus, sur ce geste de l’évasion et de l’émancipation, plutôt que sur la mort du Kid. Les derniers moments devraient ainsi correspondre à un éclatement total du chœur, dont chaque membre s’émanciperait, serait livré à lui-même, et libre par rapport aux autres…

Si vous avez souvent travaillé autour de la voix soliste, Ambidextre est votre première œuvre chorale…
Oui, et c’est ce qui m’a intéressé d’abord : la possibilité de créer des effets de masse avec la voix et la nécessité de limiter mon écriture à des idées simples productrice de résultats riches. Je me suis intéressé notamment à ce qu’avaient pu faire les musiciens expérimentaux américains ou anglais des années 1960. Si l’on prend par exemple The Great Learning de Cornelius Cardew, écrit pour un chœur amateur, on voit que des instructions assez simples peuvent produire des résultats très riches, mais qu’en même temps, il y a toujours une certaine “invariabilité” dans les réactions du chanteur amateur par rapport à ce qu’il entend (certaines règles se reproduisent : il aura tendance ainsi à chanter une note proche de celle qu’il entend). De la même manière, certains passages d’Ambidextre reposent sur des “jeux” qui autorisent une certaine liberté : “Répéter autant de fois que souhaité cette figure”, “Attendre qu’Untel ait chanté ci pour faire ça”, etc. Souvent les hauteurs sont libres, mais le contexte tonal implicite ne manque pas de les orienter. Si le violoncelle et l’alto jouent en do majeur, il sera difficile de chanter spontanément un do dièse, par exemple. J’ai également beaucoup morcelé l’effectif du chœur : les enfants chantent rarement tous ensemble, mais plutôt par petits groupes très éclatés, ou alors à deux, trois ou quatre.

Pourquoi ce choix de leur adjoindre deux instruments, l’alto et le violoncelle ?
Je voulais un duo pour que chaque groupe stéréophonique ait “son” instrument. Il s’agissait bien évidemment d’évoquer le western, mais pas de façon trop directe. Le violoncelle et l’alto offrent une grande plasticité instrumentale : l’alto peut évoquer le violon populaire, le fiddle (souvent joué en doubles cordes) et ce sont deux instruments que je pouvais amener, via divers types de jeu (pizzicatos, bottleneck), vers la guitare ou le banjo. Cet effectif est complété par une multitude d’accessoires joués par les enfants eux-mêmes et qui forment toute une “panoplie” du western et de la musique folk : harmonicas, sifflet de train, washboard… J’aimerais que ma pièce porte la trace, aussi décharnée et “spectrale” soit-elle, de la tradition musicale populaire américaine. C’est une musique que j’écoute beaucoup ces temps-ci, notamment grâce à cette mine d’or qu’est l’Anthology of American Folk Music (1952) de Harry Smith. Dans cette anthologie, il y a beaucoup de ballades qui me touchent notamment par leur caractère prosaïque : à travers l’histoire d’un personnage, elles parlent très simplement de la situation politique et sociale de l’Amérique.

Pouvez-vous revenir sur votre participation au projet de L’Encylopédie de la parole, qui semble avoir exercé une influence déterminante sur votre manière de travailler avec la voix ?
Le projet est né en 2007, aux Laboratoires d’Aubervilliers, à l’initiative d’un collectif d’artistes pluridisciplinaires désireux de travailler sur la parole enregistrée. L’idée était de rapprocher, sur un plan formel, des paroles qui, en termes de contenu, sont totalement étrangères ou hétérogènes. J’ai commencé par faire des pièces sonores qui mettent au jour ces transversalités au moyen du montage. Puis sont apparues plusieurs formes dérivées : des installations sonores d’un côté et de l’autre des formes plus performatives avec un projet comme Parlement (dans lequel je n’étais pas impliqué) et la Chorale de l’Encyclopédie. Pour cette “chorale parlée”, on choisissait un document sonore dans le corpus et on l’interprétait comme si c’était une pièce de musique. La partition n’était pas notée solfégiquement, mais il y avait quand même des indications de hauteurs relatives, des indications de départ pour le chef… Le fait d’avoir dirigé cette chorale m’aide aujourd’hui à envisager la parole comme un élément musical à part entière – il y a beaucoup de voix parlée dans Ambidextre. Autant que mes collaborations dans le domaine de la danse ou du théâtre, L’Encyclopédie de la parole m’a amené à m’intéresser de plus en plus à la dimension visuelle et théâtrale de la présentation scénique. Le simple fait de placer un haut-parleur sur une scène n’est pas innocent. C’est là que j’ai appris l’importance du haut-parleur, qui est devenu une évidence dans mon travail, où il a très souvent une présence scénique.

Si votre musique vocale, à l’image d’ailleurs de toute votre œuvre, peut être dite “contemporaine”, c’est peut-être avant tout au sens où elle est provient de l’ère de la musique enregistrée : que l’on songe à tous vos travaux sur la voix enregistrée et sur le document sonore, mais aussi à la manière dont vous utilisez, fût-ce en les transposant à la voix comme aux instruments, les artifices électroniques de la production de studio. L’une des singularités de votre parcours est ainsi d’avoir composé de la musique spécifiquement destinée au disque…
Après Song Recital – commandée par le Festival d’Automne 2012 –, Ambidextre est ma seconde pièce sans électronique destinée au concert. Il est vrai que je viens du travail du studio et que je m’oriente de plus en plus vers les pièces de concert. Cela n’est pas irréversible, puisque parmi mes projets, il y a celui de refaire un disque “pour le disque”, avec des pièces qui n’existent pas autrement, composées grâce à tous les moyens offerts par le studio. Composer, pour moi, c’est autant écrire des partitions que de réaliser des disques.
Ma façon d’être compositeur, c’est précisément de sortir du cadre : m’ouvrir à d’autres disciplines artistiques, d’autres champs musicaux, cultiver tout ce qu’il y a autour de l’acte même d’écriture. Dans mon cas, jouer avec des musiciens de la scène rock ou électronique, collaborer avec des chorégraphes ou des metteurs en scène, tout cela fait aussi partie de la composition, la nourrit, l’enrichit et la renouvelle. Prenez des compositeurs comme le Néerlandais Dirk Raaijmakers (récemment disparu) ou le Suédois Volker Raabe : ce sont des artistes qui composent aussi bien de la musique instrumentale que des pièces électroacoustiques, qui font des installations sonores… Il semblerait qu’en France, on ait encore du mal à accepter ce type de parcours…

Propos recueillis par David Sanson

Trente-deux enfants menés par Christophe Junivart pour Ambidextre

Les enfants sont assis sagement, les yeux rivés sur les quelques feuillets qu’ils tiennent en main. Ouverte sur la verdure, c’est une salle spacieuse du collège Jean-Philippe Rameau, à Versailles. Ce nom vénérable (celui d’un compositeur que ses contemporains surnommèrent “Euclide-Orphée”), le collège ne l’a nullement usurpé, puisqu’il accueille depuis quelques années ce que l’on appelle des “classes à horaires aménagés musique”. A côté de l’instrument et du solfège qu’ils travaillent assidûment au conservatoire, les élèves complètent leur formation entre ces murs, à travers la pratique du chant choral et l’étude de l’histoire de la musique. En dépit de ce nom vénérable toutefois, l’établissement n’est pas encore sexagénaire, et il a même subi l’an dernier, de la part de l’architecte Bernard Ropa, un lifting contemporain qui l’a transformé en un superbe bâtiment mariant le verre et le vert. Aujourd’hui, dans cette salle de répétition où Simon, Hélène, Faustine, Pablo et les autres (ils sont une trentaine) sont assis sagement – probablement intimidés par la présence d’une caméra chargée d’immortaliser les premiers jours de cette aventure –, c’est à une même collusion temporelle qu’on a l’impression d’assister. Actuellement en classe de 5e, ces enfants tout juste sortis du Gloria de Vivaldi s’apprêtent à participer à la création d’une œuvre nouvelle : les quelques feuillets qu’ils tiennent en main sont en effet extraits de la partition d’Ambidextre, pièce pour chœur et deux instruments (alto et violoncelle) composée par Pierre-Yves Macé au sujet de la figure de Billy The Kid…

“C’est justement l’un des intérêts que je vois dans ce projet : faire découvrir aux enfants d’autres univers – sonores, musicaux, culturels… “ explique Christophe Junivart, le chef de chœur, qui enseigne la musique et le chant choral au collège Rameau depuis près de vingt ans, et s’enthousiasme de cette nouvelle collaboration. “Cette pièce les amène vers beaucoup de choses complètement nouvelles, en termes d’utilisation de la voix (parlée, chantée), de rythme, etc. Des choses qui les surprennent, et par moments les déstabilisent – et c’est chose tout à fait normale, si l’on songe que depuis qu’ils sont petits, leur oreille s’appuie sur la consonance…” Voilà quelques semaines qu’en marge des multiples examens qui s’approchent, les voici immergés dans l’étude de cette partition plus ludique qu’angélique. Ce jour-là, c’est d’un regard tour à tour sceptique et espiègle, toujours curieux, qu’ils écoutent Pierre- Yves Macé, venu en personne leur expliquer les ressorts de sa musique, leur parler aussi de cette figure de Billy The Kid à laquelle il prête une dimension émancipatoire – et dont les petits chanteurs, divisé en deux groupes, vont aujourd’hui épeler le nom légendaire. Un groupe se voit confier les consonnes, l’autre, les voyelles. Ils cherchent la justesse, l’intonation, et puis le dialogue, déjouant la tonalité en un glissando, parfois ponctué d’un “solo de rire” dont Christophe Junivart, habitué à canaliser l’énergie souvent débordante de ses troupes, leur rappelle en souriant qu’il ne figure pas dans la partition.

“J’essaie de les faire sortir du simple “J’aime”/“J’aime pas”. Il faut attendre de l’avoir travaillée, d’avoir vu le résultat sonore une fois que la partition écrite est rendue correctement, pour arriver à s’en faire une idée. Ils sont rentrés dedans maintenant, ils savent dans quoi on est, et ils vont bientôt voir, quand toutes les pièces auront été réunies, quand les musiciens arriveront, vers quoi nous allons. Une fois le travail bien avancé, avec un peu de recul, il nous faudra revenir un peu au sujet : voir à quelle partie de la vie de Billy The Kid correspond tel passage. Il ne faut pas travailler une page pour elle-même, mais toujours en la ramenant à l’histoire, à ce qu’elle raconte. Notre apprentissage se fait de manière relativement traditionnelle – comme on travaillerait le Gloria de Vivaldi, finalement. Il y a beaucoup de difficultés dans cette pièce, mais rien n’est facile à mettre en place quand on veut que cela soit correctement réalisé : on sait bien que même si elle a l’air simple, une partition ne l’est jamais. Ensuite, tout dépend du niveau d’exigence que l’on veut se donner pour obtenir le meilleur des enfants…” On ressent confusément déjà, à l’écoute de ces quelques minutes de musique (l’œuvre en comptera au final une quinzaine), quelque chose de naturel. Peut-être parce qu’à l’image de son titre, Ambidextre, partition à la précision redoutable, convoque une vertu essentielle, qui est justement l’un des privilèges de l’enfance : la souplesse…

Propos recueillis par David Sanson


Pierre-Yves Macé
Née en France en 1980, Pierre-Yves Macé vit et travaille à Paris. Après des études musicales et littéraires, il sort son premier disque Faux-Jumeaux en 2002 sur Tzadik, le label de John Zorn. Suivent Circulations sur Sub Rosa (2005), Crash_test 2 (tensional integrity) sur Orkhestra (2006) et Passagenweg, sur le label Brocoli (2009). Il joue pour les festivals Octobre en Normandie, MIMI, Villette Sonique, Brocoli, Transnumeriques, Santarcan- gelo, Presences Electronique, Akousma… Il collabore avec les musiciens Sylvain Chauveau, That Summer, Louis- ville, les plasticiens Hippolyte Hentgen, Rainier Lericolais, Gaelle Boucand et Clotilde Viannay, les écrivains Mathieu Larnaudie, Philippe Vasset, Christophe Fiat, Joris Lacoste, les chorégraphes Anne Collod et Fabrice Ramalingom. Entre 2007 et 2011, il participe régulièrement aux activités du collectif “l’Encyclopédie de la parole”. Il écrit par ailleurs pour les revues Mouvement, Accents & Accents online, Labyrinthe, La Nouvelle Revue d’esthétique. Soutenu en 2009 a l’Université de Paris 8, son doctorat de musicologie parait aux Presses du réel en 2012 sous le titre Musique et document sonore.
En 2014, il est lauréat de la résidence Hors les murs (Institut Français) pour le projet Contreflux.
www.pierreyvesmace.com

Pierre-Yves Macé au Festival d’Automne à Paris : 2012 Segments et Apostilles / Song Recycle / Song Recital pour ensemble instrumental, piano, voix et bande (Théâtre des Bouffes du Nord / La Scène Watteau)

Ensemble L’Instant Donné
L’Instant Donné est un ensemble instrumental qui se consacre a l’interprétation de la musique de chambre d’aujourd’hui. Dès ses débuts en 2002, le choix d’un fonctionnement collégial et d’une équipe d’interprètes fixes s’impose. Les projets de musique de chambre non dirigée sont privilégiés : jouer sans direction implique un travail différent obligeant à une connaissance plus globale de la partition, à une grande intensité dans l’écoute mutuelle. L’Instant Donné a ainsi su s’imposer au fil des années comme une référence en matière de musique de chambre d’aujourd’hui. L’ensemble est installé a Montreuil (Seine-Saint-Denis). Le répertoire s’étend des œuvres de la fin du XIXème siècle à nos jours avec, suivant l’inspiration, des incursions vers les époques antérieures (baroque, classique, romantique). Toutefois, la programmation est principalement consacrée aux compositeurs d’aujourd’hui (concerts monographiques consacrés à Frederic Pattar, Stefano Gervasoni, Gerard Pesson, Johannes Schollhorn, parmi d’autres…).
L’Instant Donné est l’invité de nombreux festivals français et étrangers ainsi que des salles de premiers plans (Festival d’Automne à Paris, Agora-IRCAM – Paris, Musica– Strasbourg, Wittener Tage – Witten, Allemagne, Musik- protokoll – Graz, Autriche, Manchester International Festival – Royaume-Uni, Opéras de Lille ou Montpellier, Philharmonie de Luxembourg, etc. L’ensemble a été invité au Mexique, Brésil, Pérou, Argentine, Maroc, Afrique du Sud, etc. Depuis 2005, l’ensemble est accueilli régulièrement par le théâtre L’Échangeur à Bagnolet pour de nombreuses créations.
L’Instant Donné est en résidence au Théâtre Garonne (Toulouse) avec l’aide de l’ONDA et reçoit le soutien de la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Ile de France – Ministère de la Culture au titre de l’aide aux ensembles conventionnés, de la SACEM, et de la SPEDI- DAM.

Le Chœur d’enfants Jean Philippe Rameau
Le Chœur d’enfants Jean Philippe Rameau de Versailles est dirigé depuis plus de 15 ans par Christophe Junivart. Il se compose de 32 enfants scolarisés en Classes à Horaires Aménagés Musique (CHAM). Ces enfants étudient au Conservatoire de Versailles (formation musicale et instrumentale) et au Collège Jean-Philippe Rameau de Versailles pour l’enseignement général et musical (histoire de la musique, analyse, chant choral).
Le Chœur Jean Philippe Rameau a donné des concerts au Théâtre Montansier de Versailles, au Stade de France (Carmen), à la Basilica dei Frari à Venise, à la Chapelle Royale du Château de Versailles, à l’UNESCO à Paris en juin 2011. Le chœur participe à des tournées en Europe. Dans le cadre d’ateliers du Rectorat de l’Académie de Versailles, la culture vocale des enfants est assurée, pour partie, par Caroline de Corbiac, professeur de technique vocale au Centre de Musique Baroque de Versailles ainsi qu’au CRR et au Jeune Chœur de Paris.

La Poème

une POEME (3)

Jeanne Mordoj transporte toutes sortes de mondes avec elle. Nous la suivons d’année en année, semant plumes et poils et coquilles d’œuf. Depuis quelques mois elle nous visite régulièrement, accompagnée de ses créatures. Elle s’arrêtera chez nous tout le mois de janvier, y plantera ses tentes de papier, nous accueillera dans ses antres…


vendredi 23 janvier à 20h30
samedi 24 janvier à 20h30
dimanche 25 janvier à 16h
lundi 26 janvier à 20h30

LA POÈME, grand format

conception, dessins, interprétation Jeanne Mordoj
mise en scène Isabelle Vellay
création sonore Isabelle Surel
participation à l’élaboration de la lumière Claire Villard, Julien Poupon, Anne Vaglio
conception et construction du dispositif scénique Mathieu Delangle
costumes Isabelle Pasquier
recherche graphique Camille Sauvage
régie plateau Annabelle Pirlot
régie lumière et régie générale  Marianne Pelcerf
régie son  Raphaëlle Chevalier
collaboration artistique Hervé Pierre, Daniel Jeanneteau

production Compagnie Bal, co-production Studio-Théâtre de Vitry, La Brèche-pôle national des arts du cirque, Les Subsistances-Laboratoire international de création artistique à Lyon, La Scène nationale de Besançon, Le Merlan – scène nationale à Marseille. La Poème, grand format a reçu l’aide à la production dramatique de la DRAC Franche-Comté, le soutien du Conseil Général du Doubs, de la Région Franche-Comté et de la SPEDIDAM. Avec le soutien des Transversales / Verdun, du Centre Culturel Pablo Picasso / Homécourt, de l’Espace Pierre Jeliote / Oloron-Sainte-Marie, des Treize Arches – scène conventionnée de Brive, de CirQ’ônflex / Dijon. LA POÈME, grand format a bénéficié d’une résidence de création à La Brèche – pôle national des arts du cirque, à l’Espace Germinal / Fosses, aux Subsistances – Laboratoire international de création artistique à Lyon et au Studio-Théâtre de Vitry. 


LA POÈME, grand format - photo 2

© Réjane Michel

LA POÈME, grand format, est un agrandissement, un déploiement de LA POÈME, pièce courte. Apporter une nouvelle dimension en habitant une scénographie vivante, grotte ou forêt peuplée de dessins, représentations de corps de femmes en mouvement. Porter un masque naïf et goulu et donner vie à ces figures en se jouant intensément des transformations. LA POÈME est un hommage au monde sauvage et archaïque, une rêverie sur la beauté et la liberté du féminin dans ses états de transformation. Le corps est à l’œuvre, en prise avec des forces qui l’emportent et le débordent, le possèdent et le libèrent tout à la fois. La voix cherche ses mots, en chemin ça chante, ça grogne, ça borborise, ça barbaracte, ça ventripote, ça se joue des formes, ça dessine des figures. On est dans le conte, on est dans la peau, dans le mystère et le résolument vivant, on est en route vers la femme contemporaine en quête de sa parole.

Dessins La Poème, grand format
La féminité, le féminin, continuer à labourer ce champ de mystère, ce lieu si proche de moi et si secret, sans cesse en mouvement, en interrogation. Poursuivre le tissage de ce lien avec cette puissance créative et archaïque.

En 2012, à l’occasion du festival Mode d’Emploi, Les Subsistances de Lyon me proposent une carte blanche. C’est l’occasion d’élaborer une première étape de La Poème.
Cette première proposition est une pièce courte de 30 minutes, dense et organique. Je suis partie de cette question, moi femme de 43 ans, qu’est-ce-qui m’habite, comment j’habite ce corps, comment je le célèbre et je l’interroge.
En observant comment cet âge, ce corps est perçu dans notre société.
Désir de donner à voir et à sentir, la puissance de liberté du vivant à travers ce corps de femme, corps à la fois jeune et vieux, joueur, tendu, sensuel, drôle, sombre, beau, laid, sauvage, possédé, libre de l’image donnée.

L’œuf comme fil conducteur.
En prenant appui sur des sensations, des qualités d’urgence, d’intériorité, d’émotions, je suis transportée d’un lieu à un autre, je me transforme sans cesse, de ma bouche sortent des œufs, puis j’en ingurgite jusqu’au gavage et je continue à ingurgiter des œufs tout en semant des coquilles. Équilibre entre drame et drôlerie. Donner à ressentir dans le corps du spectateur.
Le ventre prend vie, ondule, à la fois beau et monstrueux, lieu de transformation, de gestation. Les seins se mettent à danser, débordent, comme emportés par leur vie propre, des œufs encore. Puis la femme plus sombre entre dans une transe, invitation dans un lieu secret, l’œuf est là toujours, son jaune s’étale sur le visage, se recouvre de coquilles d’œufs, pour aller vers une danse sauvage, chamanique. C’est un voyage à travers le féminin, le vivant, des états de corps.

J’éprouve maintenant la nécessité d’agrandir la pièce courte, en lui apportant une autre dimension, en approfondissant la dramaturgie et le jeu, l’intensité de la présence. En mettant en résonance le personnage féminin et ses métamorphoses avec des dessins grandeur nature, qui lui ressemblent, tel un prolongement, visages et corps de femmes en mouvement, intenses, expressifs, drôles, tordus, sombres, monstrueux, autoportraits en noir et blanc réalisés les yeux fermés. Un travail d’accumulation en mouvement, une façon de convoquer, sans la maîtriser, mon image, mes différents visages, en étant à l’écoute des mouvements intérieurs.
C’est une autre approche de mon exploration du féminin et c’est intimement lié.
Chaque dessin est sur un portant autonome et mobile. Par leur nombre, une trentaine, et par leur présence singulière, ils ouvrent des espaces oniriques. Ils sont une multitude face à la solitude du personnage féminin, elle pourrait tout à fait sortir de l’un d’eux, elle est du même moule.
Naissance de la première femme.
Rendre hommage à la nature et aux mystères des origines qui sont à chaque instant intimement vivants en chacune de nos cellules.
En quête de retrouvailles, les personnages sont ici en lien avec la source de leur animalité, tantôt à l’origine de celle-ci tantôt débordés par elle.
Donner à ressentir quelque chose d’enfoui, d’oublié.

Notes sur l’espace du jeu
L’espace est sobre, il va être habité par la présence des dessins, des coquilles d’œufs, des miettes de coquilles d’œuf, des morceaux de dessins, qui au fil su spectacle vont vider le costume, comme un déshabillage, une mise à nu progressive. Les dessins vont se déplacer en direct, manipulé par une accessoiriste plateau, une ombre accompagnante. Une circulation va se dérouler à la fois de façon artisanale et magique pour donner vie et bruissement au papier, aux corps dessinés.
La présence de ces grands formats apporte une dimension d’intranquilité et de mystère.

La lumière soutient ce mystère, le son est très présent, à la fois subtil et enveloppant.
Nous poursuivons la collaboration avec Isabelle Surel créatrice de son et Claire Villard pour la lumière, Mathieu Delangle pour la conception et la construction du décor. Hervé Pierre, Daniel Jeanneteau et Isabelle Vellay dans un rôle de compagnonnage.
Jeanne Mordoj – décembre 2014

LA POÈME, grand format - dessin

«L’avez-vous vu danser ? L’avez-vous entendu grogner, geindre, haleter, c’est la poème!
Elle est l’origine de l’humanité quelque part en Afrique. Elle est secoué par des forces redoutables.
Elle est la Vénus Hottentote.

Un corps exhibé, fantasmé, tatoué. C’est l’origine du monde.
Une pondeuse qui desquame des coquilles d’œufs.

Une magicienne, maîtresse du désordre et de la création .

Le trouble et la joie de voir Jeanne entreprendre ce voyage, l’accompagner dans cette transformation sensuelle et vitale , rien d’autre.»

Hervé Pierre – octobre 2013

 

« …. Ainsi sommes-nous façonnés par l’initiale perfection
Par cet état de prodigieux bien être
Qui pendant quelques mois a imprégné le non encore né en chacune de ses fibres
Ainsi est il probable que subsiste en notre part la plus enfouie
L’obscur souvenir de cet état
Un souvenir parfaitement insaisissable
Qui ne renvoie à aucun vécu particulier à aucune circonstance précise
Rien qui puisse être remémoré
Mais qui n’en continue pas moins d’entretenir en nous la brûlure d’un manque
La lancinante sensation que nous sommes jetés dans un monde et une vie qui ne nous conviennent pas
Que nous sommes définitivement maintenus au dehors
A jamais coupés de ce dedans vers lequel nous ne pouvons pas ne pas tenter de revenir
Combler ce manque, retrouver la jouissance première
D’où cette inlassable et avide et aveugle recherche de plaisirs
De tout ce qui va permettre de réinsérer l’être dans la joie
De tout ce qui va lui donner l’illusion qu’il se trouve à nouveau porté, baigné,bercé
Réchauffé nourrit par les riches eaux de l’origine… »

Charles Juliet
extrait de Pouvoirs du Poème / Thélème 2003


JEANNE MORDOJ par JEANNE MORDOJ
De la femme sujette aux objets dans mon travail

Naissance à Paris en 1970, enfance à la campagne, parents sculpteurs recyclés dans l’élevage de chèvres.
Depuis toujours, une relation toute particulière avec les objets, attachements étranges, rituels, collections de pierres triées sur le volet mises en sachets avec étiquettes, fabrication de petites sculptures, lien fort avec la matière peinture, le trait, le mot. Puis les objets de jonglage, les balles cousues mains.
Découvre le cirque à 13 ans, à l’école des Saltimbanques de Chenôve.
Passion immédiate, 4 ans de pratique amateur au sein de cette école ; acrobatie, contorsion et jonglage.
A 17 ans entre à l’école de Chalons en Champagne, mise à la porte après une année rude. Débute l’apprentissage sur le tas et les expériences diverses ; petits rôles dans le cinéma, l’opéra, le théâtre. Il y a les rencontres qui vont compter dans le temps comme Lan N’Guyen, pédagogue, alors professeur à l’école du Cirque Plume, qui m’enseigne la contorsion par le jeu et la créativité, Jérôme Thomas qui influence mon travail et m’encourage dans mes projets.
Il y a les stages marquants, avec Marc Michel Georges, Yoshi Oida et Guy Alloucherie pour le théâtre ; la pratique du dessin, du BMC (Boby Mind Centering) avec Lula Chourlin et Janet Amato.
Et plus récemment, la formation Transmettre avec Bénédicte Pavelak.

Les spectacles en compagnies

Les premières tournées, à 18 ans, c’est avec le Cirque Bidon – 300 spectacles – en roulottes et chevaux sur les routes d’Italie. Avec la compagnie de rue La Salamandre, spectacles et évènementiels entre 1990 et 1998, j’expérimente là cette qualité propre à la rue : apprendre à s’adapter à toutes sortes de lieux. Pratique de l’improvisation et création du spectacle Ça Roule avec les musiciens Matthieu Léon et Patrick Sapin. Avec la compagnie Jérôme Thomas je participe entre 1995 et 1997 au groupe de recherche le GR12, et joue dans Le Banquet, pièce pour 10 acteurs, jongleurs, danseurs.
En 1993, avec le jongleur Vincent Filliozat – membre fondateur du Cirque Plume – et le musicien Bertrand Boss, nous créons le Trio Maracassé. Bal jouera 300 fois dans le monde entier, cinq ans de tournées, de voyages. Entre 2002 et 2006 avec la compagnie Cahin Caha, il y a le cabaret Imprudent avec Arthur H, puis la création du spectacle Grimm sous chapiteau.

Les solos

En 2000, premier solo, 3 p’tits sous, solo de femmes , mis en scène par Vincent Lorimy et Jérôme Thomas. Portraits de femmes fortement inspirés des voyages.
En 2001, deuxième solo, Chez moi, pièce d’extérieur pour une femme et une caravane, mis en scène par Vincent Lorimy et Gulko, commande du centre des Arts du Cirque de Cherbourg et de la Grande Halle de La Villette dans le cadre du projet « les baraques ». J’aborde avec ces deux solos ma poétique propre et, de façon plus intimes, mes interrogations autour de la féminité et du sens.

2007, je continue de creuser avec Éloge du poil, troisième solo, mis en scène par Pierre Meunier. Cette création a bénéficié d’une aide à la recherche de l’AFAA – Villa Medicis Hors les Murs 2006 – 3 mois de recherche sur la femme à barbe, à parcourir les pays de l’Est. Ce spectacle est au répertoire de la compagnie, il a joué plus de 200 fois en France et à l’étranger.

En 2010, après Éloge du poil qui a été une sorte d’aboutissement de 10 ans de travail ; je crée Adieu Poupée , co-écrit et mise en scène par Julie Denisse. Avec ce quatrième solo, il y a un besoin de rompre assez radicalement avec les matières de cirque, je passe commande d’un texte à François Cervantes et choisi d’aller vers le jeu et la parole.
Pour la première fois, je fabrique mes objets compagnons, ici, des poupées de chiffons.

En 2012, à l’occasion d’une carte blanche aux Subsistances à Lyon, je crée La Poème, pièce courte et évolutive, travaille ici joyeusement autour du corps féminin. Renouer avec là d’où je viens tout en abordant de nouveaux langages, ici la voix chantée pour la première fois.

Isabelle Surel – création son

Après une licence de musiques vivantes à Paris VIII, dans un premier temps, elle s’intéresse à l’électro-acoustique pour s’orienter ensuite vers la création sonore au théâtre pour lequel elle travaille depuis plus de 20 ans. Elle a collaboré pendant 14 ans avec la compagnie La Rumeur / Patrice Bigel et a aussi travaillé avec Anne-Marie Lazarini, Alain Bézu, Claude Yersin, Ricardo Lopez-Munoz et plus récemment avec Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma, pour la danse avec la cie Fatoumi/Lamoureux et Brigitte Seth/Roser Montllo-Guberna.
Elle a travaillé au cinéma avec Christophe Loizillon et Eric Guirado.

Claire Villard – création lumières

Elle entre en 2007 à l’ENSATT (Ecole Nationale Supérieure des Arts et Technique du Théâtre) en département Réalisation Lumière. Durant 3 ans elle apprend le métier de régisseur lumière et aiguise sa sensibilité à la lumière. Elle travaille entre autre avec Mathias Langhoff, Christian Schiaretti et Jean-Pierre Vincent.
En 2011, sortant de l’école, elle commence à travailler pour Jeanne Mordoj en tant que régisseuse lumière pour Adieu Poupée. Après une saison de tournée, elle continue cette collaboration pour Éloge du poil pendant 2 ans de tournée tant en France qu’à l’étranger. En 2012, elle crée la lumière pour La Poème pièce courte.
Elle travaille également pour d’autres compagnies: création lumière, régie générale et régie lumière de 2011 à 2013 pour la compagnie de marionnettes La Pendue. En 2011 et 2012 en tant que régisseuse lumière pour la pièce La Petite d’Anna Nozières.
Elle se tourne également vers la régie générale et l’organisation logistique en travaillant pour différents festivals et évènements: régisseuse de site pour la biennale de la danse (2010 et 2012), responsable logistique pour Chalon dans la rue (2012), régisseuse de site off de Chalon dans la rue (2013), assistante de direction technique festival Cully Classique en Suisse (2011), co-régisseuse générale festival de la marionnette de Grenoble (2008 à 2010).

 

La dispute

la dispute

A Strasbourg, en janvier 2013, nous avions été impressionnés par la beauté de ce travail sans concession, mettant le texte de Marivaux en vie par le corps autant que par la voix. Nous avons alors proposé à Grégoire Strecker et son équipe de venir en résidence à Vitry, pour continuer leur recherche et la présenter en région parisienne sous une forme plus accomplie. Le CENTQUATRE – PARIS s’est associé au Studio-Théâtre pour la programmation commune d’une série exceptionnelle de huit représentations, au Studio-Théâtre.


vendredi 3 octobre à 20h *
samedi 4 octobre à 20h *
dimanche 5 octobre à 16h
lundi 6 octobre à 20h *
vendredi 10 octobre à 20h *
samedi 11 octobre à 20h *
dimanche 12 octobre à 16h
lundi 13 octobre à 20h *

 au Studio-Théâtre de Vitry, en collaboration avec le CENTQUATRE – PARIS

(* NAVETTE RETOUR au départ du Studio-Théâtre direction Châtelet)

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CIE CHAMP 719

C’EST SEULEMENT QUE JE NE VEUX RIEN PERDRE / LA DISPUTE

de Marivaux
théâtre-performance (à partir de 16 ans)

mise en scène Grégoire Strecker
dramaturgie Julie Sermon
création lumière Nicolas Ameil
création sonore Thomas Prulière
production / diffusion Mara TeboulL’œil écoute

avec
Quentin Bouissou, Benjamin Candotti-Besson, Alban Laval, Béatrice Venet, Charlotte Van Bervesselès, Charles Zevaco

Le Studio-Théâtre de Vitry et le CENTQUATRE – PARIS sont partenaires pour l’accueil d’équipes artistiques en résidence de création

production Cie Champ 719, reprise Studio-Théâtre de Vitry, en collaboration avec le CENTQUATRE – PARIS, avec le soutien du ministère de la culture et de la communication- DRAC ALSACE, avec la participation de la Région Alsace, avec la participation artistique du Jeune Théâtre National, avec le soutien du DIESE # Rhône Alpes, résidence d’essai Ferme du Buisson / Scène Nationale de Marne la Vallée
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la dispute 2

© Antoine Strecker

« C’est la nature elle-même que nous allons interroger. »

Un prince et une femme, une dispute.

Une dispute, d’où nait une fête, une comédie, une expérience qui doit déterminer l’origine de la première inconstance, infidélité. L’homme ou la femme ? Adam ou Eve ?

Quatre adolescents séquestrés depuis leur naissance, qui n’ont jamais vu d’autres humains que leurs nourriciers, sont lâchés afin de rejouer « les premières amours tel qu’ils étaient » sous les yeux de ce prince et de cette femme.

La dispute 3

© Antoine Strecker

« L’image dans la mesure où elle exprime un être nu est un médium parfait entre l’objet dans l’esprit et la chose réelle, et comme telle, elle n’est pas simple objet logique ni entité réelle : elle est quelque chose de vivant (« une vie »).
Elle est le tremblement de la chose, elle est ce frémissement dans lequel elle se donne à connaître. « Les formes qui existent dans la matière, écrit un élève d’Eckhart, ne cessent de trembler comme dans un détroit de mer en ébullition. C’est pourquoi on ne peut rien concevoir de stable à leur sujet. »
La nudité du corps humain est son image, c’est-à-dire le tremblement qui le rend connaissable, mais qui reste en soi insaisissable. »
Nudités, Giorgio Agamben.

« Si de même que nos corps sont habillés, nos âmes à présent le sont aussi à leur manière. Le temps du dépouillement des âmes arrivera, comme le temps du dépouillement de nos corps arrive quand nous mourons. »
Le cabinet philosophe, Marivaux

D’une dispute sur les lois du désir à l’affirmation d’un désir sans bornes. C’est ce que suggère la phrase-titre retenue par Grégoire Strecker pour répondre à la question posée par Marivaux : « Qui, des deux sexes, a trahi le premier ? » A défaut d’avoir assisté « au commencement du monde et de la société », un prince fait élever, dans des enclos séparés, des cobayes humains, mâles et femelles, pour les plonger, à l’âge adéquat, face à eux-mêmes et à l’autre sexe, et observer les oscillations du désir amoureux. Entre prophéties auto-réalisatrices et dérapages contrôlés, c’est à une expérience in vivo que sont livrés les êtres, manipulés par un pouvoir qui entend, à travers eux, disséquer les sentiments. Le jeune metteur en scène a repoussé le monarque hors de scène, dans un futur de science-fiction d’où l’amour rejaillirait des brusqueries d’enfants sauvages et des mots déplacés. La Dispute ne ferait plus théâtre de son texte mais des corps qui paraissent le contenir, comme rentré dans les mouvements d’une animalité en cage. Des êtres nus, non policés, pleinement exposés, tour à tour incandescents, inquiétants ou cocasses dans l’expression de leurs désirs. Le tableau évoquerait les créatures de Bosch (Jérôme) plus que les marquises de Boucher (François). La composition de Marivaux, toute de symétrie hétérosexuée, serait cassée, pour trouer les miroirs et écorcher les peaux, atteindre aux organes vitaux, s’en remettant à « l’intelligence d’un non-savoir » chez les comédiens pour répondre au non-savoir des personnages sur leur origine et destination. La « dispute » serait ainsi une guerre sans merci entre verbe et chair, dans laquelle le corps, l’écoute et le regard du spectateur sont confrontés aux pulsations intimes du désir.


Compagnie CHAMP 719

La compagnie se veut être un espace, un temps, un champ toujours à réinventer, à re-labourer si l’on peut dire, en vue d’une création. Une mise à disposition commune de temps et de moyens pour faire émerger un «quelque chose». Un «quelque chose» qui ne peut que résulter de l’accident, de l’instinct, du hasard, de tout ce qui n’est pas déjà prédéfini, «pré-théâtral», un «quelque chose» qu’on désire non achevé et pourtant comme une ligne dont le point de fuite ne nous appartient plus, un «quelque chose» comme avant tout résultat d’une expérience humaine, une mise en danger pour nous et pour vous. Car nous désirons partir de ce point invisible, à la fois physique et psychique, d’où une écriture semble jaillir, où le sens d’une œuvre semble se cacher. Chercher, traquer ce point afin qu’il en découle une poétique de la scène…

2009 : Des couteaux dans des poules de David Harrower, mise en scène Grégoire Strecker – Théâtre de l’Aktéon / Centre d’Animation des Halles. Création de la compagnie Champ 719 par Grégoire Strecker.
2010 / 2011 : diptyque Des couteaux dans les poules (Harrower) / Intérieur (Maeterlinck) – CENTQUATRE / Anis Gras. Des couteaux dans les poules – TAPS de Strasbourg, coup de pouce / Théâtre de l’Odéon, Festival Impatience. Fiction d’hiver de Noëlle Renaude – Centre d’Animation des Halles.
2011 / 2012 : Fiction d’hiver de Noëlle Renaude – Centre d’Animation des Halles / Théâtre de l’Aquarium. Je te peindrai pour effacer ton visage – Mélancholia de Jon Fosse – Galerie Lebenson, Paris.
2012 / 2013 : C’est seulement que je ne veux rien perdre – La Dispute de Marivaux – résidence d’essai à la Ferme du Buisson / CENTQUATRE / TAPS de Strasbourg.
2013 / 2014 : En Série – sérigraphie de portraits : Si d’Hélène Bessette, Zones de Jean Rolin, Mauvais sang d’Arthur Rimbaud, De tant en temps de Noëlle Renaude – résidence d’essai au CENTQUATRE et à la Ferme du Buisson, squat Le Shakirail, Galerie Lebenson, La Loge.


Grégoire Strecker, mise en scène, scénographie/responsable artistique.

Né en 1984, il se forme au conservatoire de Strasbourg dans la classe de J. Bachelier, à partir de 2000, tout en intégrant la compagnie La Mesnie H, où il joue divers rôles. Parallèlement, il étudie à l’université les lettres modernes. En 2007, il intègre La compagnie Luc Amoros, où il joue le rôle titre dans L’éternel tournage (les festivals in de rue). En 2008, il fonde la Compagnie champ 719, au sein de laquelle il assure la direction artistique et les mises en scènes. Dans le même temps, il donne des cours amateurs pour adultes et enfants à L’école Mélodie 7. Il joue dans le L-M Amour de jeunesse de Mia Hansen Love, fait des doublages et participe à divers stages.

Nicolas Ameil, créateur lumière/responsable technique.

Formé à la régie lumière au City of Wesminster College à Londres, il a travaillé avec The English Pocket Opera pour des opéras comme Les Clowns ou La Flute enchantée, ainsi qu’avec l’Institut Français de Londres, accueillant, à l’occasion des fêtes de la musique, de nombreux artistes francophones tels que Alexis HK, L’Attirail, Les Orientales, Lo*Jo ou Dominique A. A Paris, il multiplie les expériences dans l’événementiel ou le théâtre, notamment au Palais des Congrès de Paris et au théâtre des Bouffes du Nord. Installé en résidence depuis septembre 2008 au Centre d’animation les Halles le Marais du forum des halles en tant que régisseur de la salle de spectacle, il est régulièrement sollicité par de jeunes compagnies pour faire la création lumière de leurs spectacles. Il met notamment en lumières les spectacles de la compagnie Ose et de la compagnie Abréactives Zones ainsi que les spectacles de la compagnie de la Porte au Trèfle et de la compagnie le Don des Nues pour le théâtre et crée en 2011 les lumières pour le spectacle Les forces contraires présenté à Paris à la Loge. Depuis 2008 il travaille sur les créations lumière de la Compagnie champ 719.

Julie Sermon, dramaturge.

Née en 1978, elle mène une thèse intitulée L’effet-figure, états troublés du personnage contemporain (Jean-Luc Lagarce, Philippe Minyana, Valère Novarina, Noëlle Renaude), qu’elle soutient en 2004 à l’université Paris 3-Sorbonne Nouvelle. Enseignant-chercheur à l’université Lyon 2 depuis 2008, elle consacre ses recherches aux écritures textuelles et scéniques contemporaines. Auteure de divers articles publiés dans les revues Agôn [en ligne], Frictions, Ligéia, Registres, Théâtre / Public, elle a co-signé, avec Jean-Pierre Ryngaert, Le personnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition (Éd. Théâtrales, 2006), et a dirigé, en 2009, le n°193 de la revue Théâtre / Public, « La marionnette ? Traditions, croisements, décloisonnements ». Parallèlement, elle travaille comme dramaturge avec Johanny Bert, Frédéric Maragnani Robert Cantarella, Michel Didym, Joan Ollé (Barcelone).

Thomas Prullière, créateur sonore.

Formé à l’école de la Fémis en section son, il travaille notamment comme monteur son/ compositeur de musique/ créateur son et vidéo à la fois pour le cinéma, la danse, la publicité ou le théâtre.En 2011, Il travaille notamment dans Drari de Kamal Lazraq (deuxième prix de la cinéfondation, festival de Cannes), un moyen métrage de Nicolas Maury, Sous les arbres de Frédéric Maragnani. Avant, il a travaillé avec Albert Hoffman pour Perceptions, TSR Suisse, a fait le montage son pour Nuevo baile (Festival de Clermont Ferrand en 2011), pour la Compagnie “Das Plateau” à Main d’oeuvre (”Sig Pauer Pro”) et le film Blanck (Arte). Sinon en 2003, pendant un mois il était bibliothécaire et depuis qu’il est tout petit il est passionné de cuisine, notamment végétarienne.

Quentin Bouissou, comédien.

Avant de suivre les cours de Bruno Wacrenier au conservatoire du 5ème arrondissement de Paris, il se forme à L’ENMAD. Il joue dans Beaucoup de Bruit pour rien de Shakespeare, dans La petite Molière d’Anouilh à Ciel Ouvert en 2008, dans Je suis le peuple qui manque au sein de La compagnie Hirsute au Théâtre Pierre Tabard, dans La prise de la Bastide avec Les Tistics, dans Un caillou dans la semoule mis en scène de J. Lepers au Théâtre du Rond Point en 2009. En 2010, il intègre La compagnie champ 719.

Benjamin Candotti-Besson, comédien.

Titulaire d’un DET obtenu dans le cycle spécialisé de L’ESAD dirrigé par J-C Cotillard, il obtient également un master d’étude théâtrale à Paris 3. Il suit les cours du conservatoire du 18ème arrondissement avec J-L Galmiche, puis du 5ème arrondissement de Paris avec Bruno Wacrenier. Il travaille notamment avec Caroline Erhardt, Rod Godall, Christian Esnais au CDN d’Orléans, Patrick Haggiag au CDN de Gennevilliers. Depuis 2004, il partipe aux créations de la compagnie Uburik. En 2010, il intègre la Compagnie champ719.

Alban Laval, comédien.

Né en 1980, il fait ses premiers pas en 2003 avec Les productions de la fabrique, où il joue notamment Les cancans de Goldoni. En 2006, il intègre le conservatoire du 10ème arrondissement dans la classe de M. Garay. Il joue en 2008 Le bohneur à portée de main au Théâtre du Rond Point. En 2008, il joue dans Des couteaux dans les poule” au sein de la Compagnie champ 719 et il intègre la formation professionnelle d’art dramatique du conservatoire du val Maubuée, il y travaille avec Mourad MANSOURI, Michel ARCHIMBAUD, Laurent GUTMANN, Guy FRECKS, Adel HAKIM, Michel CERDA, Jean-François AUGUSTE et Cyril TESTE. En 2010, il adapte et interprète le roman de science-fictionSubstance Mort de Filip K. DICK sous le nom Il devient quoi Charles FRECK?, présentée à la Ferme du Buisson et obtient le Diplôme d’Etude Théâtrale (D.E.T.). En 2011/2012, il joue dans Fiction d’hiver au sein de la Compagnie champ 719.

Béatrice Venet, comédienne.

Après des études littéraires à Strasbourg, Berlin puis Paris (Master d’Allemand et licence de Lettres modernes), elle se forme à l’art dramatique aux conservatoires du 16e arrondissement (Stéphane Auvray-Nauroy) et 8e arrondissement (Marc Ernotte). En 2009 elle intègre la promotion X de l’école supérieure de la Comédie de Saint-Etienne et au cours de ses 3 ans de cursus elle travaille sous la direction notamment de Michel Raskine, Gwenaël Morin, Olivier Py, Laurent Hatat et Robert Cantarella avec lequel elle joue au printemps 2013 dans une adaptation de Faust à la ménagerie de verre. Parallèlement à son métier de comédienne, elle suit une formation de clown au CNAC dirigée par Cédric Paga en 2013. La même année, elle participe à la création du Collectif X  et joue sous la direction d’Arthur Fourcade dans Villes#1-Saint-Etienne  et met en scène L’histoire de Pelléas et Mélisande, une adaptation de la pièce de Maeterlinck. En 2009 elle joue au sein de La compagnie champ 719 dans Des couteaux dans les poules de David Harrower et en 2013 Portrait 1: Si de Hélène Bessette, au Théâtre de La loge et qui a été présenté au Centquatre suite à une résidence.

Charlotte Van Bervesselès, comédienne.

Née à Charleville-Mézières en 1989, elle intègre la Classe de la Comédie de Reims en 2007 (direction Emmanuel Demarcy-Mota). Elle travaille entre autres avec Jean- Pierre Garnier, Cyril Anrep, François Regnault, Laurence Roy, Joséphine Derenne, Victor Gauthier Martin. Au sein de cette Classe, elle joue dans L’Eveil du printemps de Frank Wedekind, Léonce et Léna de Georg Büchner, mis en scène de Jean-Pierre Garnier, dans Atteintes à sa vie de Martin Crimp mise en scène d’Emilie Rousset. Elle se forme ensuite au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris à partir de 2009, aux côtés de Phillipe Torreton, Daniel Mesguich, Phillipe Duclos et Nada Strancar. Parallèlement elle participe à plusieurs stages de marionnettes en France et en Allemagne, pratique le chant, la danse et le masque.

Charles ZEVACO, comédien.

Parallèlement à des études universitaires (Histoire – Paris IV-La Sorbonne), il suit les enseignants de Daniel Berlioux et de Bruno Wacrenier, successivement aux conservatoires d’art dramatique des 7e et 5e arrondissements de Paris. Il intègre l’école du TNS en 2008, et se forme auprès de Julie Brochen, Claude Régy, Jean-Pierre Vincent, Krystian Lupa, Gildas Milin, Bruno Meyssat, Laurence Mayor, Caroline Marcadé et Marc Proulx. Depuis, il travaille avec Yves-Noël Genod (Chic by accident, Ménagerie de Verre, mars 2012) et Amélie Enon (Et la nuit sera calme, festival Premières Strasbourg). En septembre il rejoindra IngridRekowski (Limbus limbo, TNS, Opéra Comique de Paris), retrouvera Amélie Enon en 2013 au Théâtre de la Bastille, puis au NEST-Théâtre (CDN de Thionville), et participera à la création de Maxime Kurvers, Spielraum. Il travaille également au sein du collectif Notre cairn (Strasbourg), pour lequel il créé Sur la grand route d’ Anton Tchekhov, dans le cadre d’une tournée itinérante en Alsace, durant l’été 2012.

 

CRIMP

Martin Crimp est l’un des auteurs de théâtre européens parmi les plus importants de notre époque. En novembre 2011, nous avions accueilli la création de sa pièce LA VILLE par le jeune metteur en scène Rémy Barché. Aujourd’hui associé à la Comédie de Reims, Rémy a poursuivi son exploration de l’œuvre de Crimp en traduisant et en mettant en scène PLAYHOUSE, pièce inédite en français que Martin nous avait confiée en pensant à lui. Nous retrouvons donc Rémy Barché et Martin Crimp pour une série de représentations et de lectures au Studio-Théâtre et hors les murs dans Vitry, en amont de la reprise prochaine de LA VILLE à La Colline – théâtre national.

HORS LES MURS DANS VITRY
mercredi 19 novembre : PLAYHOUSEMairie de Vitry 12h15 / Microlycée 16h
jeudi 20 novembre : PLAYHOUSELycée Jean Macé 14h / Centre social Balzac 19h

AU STUDIO-THÉÂTRE
samedi 22 novembre : 18h PLAYHOUSE – 20h LA VILLE *
dimanche 23 novembre : 16h PLAYHOUSE – 17h30 LA CAMPAGNE
lundi 24 novembre : 20H RENCONTRE AVEC MARTIN CRIMP *

* NAVETTE RETOUR au départ du Studio-Théâtre direction Châtelet


PLAYHOUSE – LA VILLE – LA CAMPAGNE 

JOURNÉES MARTIN CRIMP

traductions Philippe Djian (La ville ; La campagne), Rémy Barché et Adèle Chaniolleau (Playhouse)
mises en scène et en lecture Rémy Barché
dramaturgie Adèle Chaniolleau
scénographie et lumière Nicolas Marie
son Michaël Schaller
costumes Marie Larocca

avec
Marion Barché, Myrtille Bordier, Louise Dupuis, Alexandre Pallu, Tom Politano

production La Comédie de Reims-CDN, Cie Le ciel Mon amour Ma proie mourante, coproduction Studio-Théâtre de Vitry, avec le soutien du Fonds d’Insertion pour les Jeunes Artistes Dramatiques de la DRAC et de la Région Provence Alpes-Côte d’Azur ; L’Arche est éditeur et agent théâtral des textes représentés – www.arche-editeur.com


samedi 22 à 18h, dimanche 23 à 16h PLAYHOUSE

spectacle, création française, durée 50 minutes
traduction Rémy Barché, Adèle Chaniolleau

avec Tom Politano et Myrtille Bordier

Rentrez dans l’intimité d’un jeune couple, Simon et Katrina, qui vient d’emménager dans un appartement. Treize mini-scènes en kaléidoscope pour raconter avec humour et tendresse un grand amour qui se transforme en routine. « Se brosser les dents », « Nettoyer le réfrigérateur », « Post-coïtum »… : autant de situations apparemment banales et connues de tous. Le talent de l’auteur consiste à trouer cette réalité ordinaire d’inquiétudes soudaines ou de moments de grâce. Comment faire pour vivre une vie qui ne soit pas en « kit », comme tous les meubles que l’on a chez soi ? Comment empêcher l’amour de moisir comme les yaourts qui dépassent la date de péremption ou les sacs poubelle que l’on oublie de sortir ? Qu’est-ce que partager sa vie avec quelqu’un d’autre ?

Playhouse 2


samedi 22 à 20h LA VILLE

spectacle, version unplugged, durée 1h50
traduction Philippe Djian

avec Marion Barché, Alexandre Pallu, Louise Dupuis et Myrtille Bordier

Clair est traductrice, Christopher est informaticien. Elle rencontre un auteur, il perd son travail. Une série d’évènements étranges vont alors se produire, et la violence du monde va s’infiltrer dans le quotidien de ce couple jusqu’ici à l’abri. Une voisine infirmière vient pour se plaindre du bruit que font les enfants dans le jardin ; elle n’arrive pas à dormir à cause des images traumatiques qui la hantent depuis que son mari est parti à la guerre. Les enfants deviennent progressivement incontrôlables, jouant à des jeux atroces et sadiques. Clair et Chris se comprennent de moins en moins. En même temps que les éléments de la fiction sont déroulés, on commence à comprendre qu’ils sont peut-être inventés au moment où ils se produisent. Peut-être que ce que l’on voit, c’est le roman que Clair essaye d’écrire à partir de sa propre vie, de sa ville intérieure.

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dimanche 23 à 17h30 LA CAMPAGNE

lecture, durée 1h30

avec Marion Barché, Myrtille Bordier et Alexandre Pallu

Comme dans La Ville, Crimp procède ici avec une précision et un humour implacables à la dissection d’un couple. Richard et Corinne, anciens Londoniens, se sont retirés à la campagne. Richard est médecin, il vient de recueillir une jeune femme, Rebecca, qu’il prétend avoir trouvée évanouie au bord de la route. Plusieurs éléments ne tardent pas à instiller le doute dans l’esprit de sa femme et dans celui du spectateur.

La force de la pièce, qui se déroule presque intégralement la nuit, réside dans le mystère qu’elle laisse planer en permanence. C’est l’ambiguïté de ses personnages qui intéresse Crimp. Richard et Corinne se battent pour maintenir la stabilité de leur situation. Ils ont fui la ville comme on entreprendrait une cure de désintoxication. Mais le personnage de Rebecca sème un tel trouble chez eux qu’on comprend vite qu’ils ont trimballé leurs problèmes avec eux. Le couple ne se connaît pas si bien que ça, et l’on en vient à se demander si l’homme que Corinne prenait pour un père de famille respectable n’est pas un dangereux pervers, profitant de son autorité de médecin pour abuser de ses patientes. A-t-il amené Rebecca au domicile conjugal parce qu’elle était en détresse, ou s’agit-il d’un jeu malsain ?

La pièce est découpée en cinq longues scènes, dans lesquelles à chaque fois deux personnages s’affrontent. « J’aime entendre les gens parler, j’aime les voix, le mot parlé dans l’espace. C’est la raison pour laquelle je me suis mis à écrire pour le théâtre » explique Crimp, qui propose ici une partition extraordinaire pour les acteurs.


lundi 24 à 20h RENCONTRE AVEC MARTIN CRIMP

lecture-débat, durée 1h30 – entrée libre sur réservation

«Les règles du jeu». Pour chaque pièce, Martin Crimp établit de nouvelles règles dramaturgiques présidant au processus d’écriture. Nous nous entretiendrons avec lui au sujet de ces règles, de leur façon d’inquiéter le récit et, par ce questionnement de la forme, nous tenterons de voir comment ce théâtre opère pour troubler le monde qu’il reflète.

avec Martin Crimp, Élisabeth Angel-Perez, Rémy Barché, Daniel Jeanneteau

« J’ai une relation d’amour-haine avec le théâtre conventionnel. Je détruis la pièce à mesure que je la construis. L’étrangeté gagne aussi parce que je me laisse tirer par le fil de l’inconscient. »

« Je n’écris pas sur la violence. Ce n’est pas mon sujet. Je la laisse affleurer, tout comme elle cogne sous la surface de nos vies. »

Martin Crimp


Martin Crimp – auteur

Martin Crimp est né en 1956 dans le Kent. Il commence à s’intéresser au théâtre pendant ses études à Cambridge et écrit Clang, une pièce sur la manière dont les désordres psychologiques influent sur le langage. Pendant les premières années qui suivent l’obtention de son diplôme, il se consacre à une carrière d’écrivain peu couronnée de succès (il écrit deux romans qui ne trouvent pas d’éditeur) et pour réussir à vivre accumule les petits boulots que l’on retrouvera ensuite au fil de ses pièces (sondages marketing dans la rue, travailleur en usine…). Il est également musicien professionnel (piano, clavecin) ce qui influence considérablement sa vision du texte comme d’une partition où les pauses et les rythmes doivent être scrupuleusement respectés.

Ses premières pièces sont produites et montées par l’Orange Tree Theatre à Richmond, dans la banlieue londonienne où il habite, et comportent : Living Remains (1982), Four Attempted Acts (1984), Probablement les Bahamas (1987), Claire en affaires (1998), Play With Repeats (1989).

Bien que se présentant sous des formes différentes, très influencées par Beckett pour les premières puis davantage par Pinter ou Caryl Churchill, ses pièces traitent des thèmes récurrents parmi lesquels les rapports conjugaux, l’ambivalence du statut de bourreau ou de victime, et l’exploitation de l’être humain par ses pairs ou par son époque dominée par la technique, occupent une large place. Pourtant Crimp n’est pas, comme ont pu le croire au départ les critiques, un adepte du réalisme trash britannique (Kitchen sink drama), ni de l’ultra violence poético-politique de l’In-Yer-Face Theatre. Il constitue un auteur à part sur la scène anglaise, au sens où ses intérêts et ses références sont ce que ses compatriotes appelleraient « continentaux » ou « européens ».

Il avoue une passion pour Marguerite Duras, traduit Koltès, Molière, Genet, Ionesco. Depuis Cambridge, il lit le latin et le grec, ce qui veut dire qu’il dévore les tragédies antiques. De ces lectures, naîtra Tendre et Cruel, sa réécriture des Trachiniennes de Sophocle, et plus récemment Le reste vous sera familier à travers le cinéma d’après Les Phéniciennes d’Euripide.

Dans les années 1990, ses pièces commencent à être connues au-delà des frontières britanniques. En 1991, il effectue une résidence à New York durant laquelle il écrit Le Traitement, qui est clairement un hommage à l’esthétique du cinéma américain en même temps qu’une violente critique de la manière dont celui-ci utilise les gens et falsifie leurs histoires personnelles.

Il devient par la suite artiste associé au Royal Court, à Londres, et écrit notamment Personne ne voit la vidéo (1990), Getting Attention (1991), Atteintes à sa vie (1997), La Campagne (2000), Face au mur (2002), Tendre et Cruel (2004), Dans la République du bonheur (2012) ou encore Play House. Il a également collaboré avec le compositeur George Benjamin en écrivant le texte de deux opéras: Into the Little Hill (2006) et Written on Skin (2012).

Rémy Barché

Parallèlement à sa formation en arts du spectacle à l’université Bordeaux III, Rémy Barché monte La Semeuse de F.Melquiot et Fairy Queen de O.Cadiot ; réalise un spectacle acoustique à partir de 4.48 psychose de S. Kane dans le cadre du festival Novart. En 2005, il intègre l’École supérieure d’art dramatique du TNS, section mise en scène. Il travaille avec S.Braunschweig, K.Lupa, B.Sobel, F.Fisbach… Il monte Le Cas Blanche-Neigede H. Barker et réalise une adaptation de Cris et Chuchotements de I. Bergman pour son spectacle de fin d’études.

À sa sortie en 2008, il assiste L. Lagarde pour Un nid pour quoi faire de O. Cadiot ainsi que D.Jeanneteau et M.-C. Soma pour L’Affaire de la rue de Lourcine de Labiche

Il est metteur en scène associé au Festival Les Nuits de Joux (Haut-Doubs) où il a déjà mis en scène La Tempête de Shakespeare (été 2009), Amphitryon de Kleist (été 2010), Hamletde Shakespeare (été 2011) et La Campagne de M. Crimp (été 2012). Il a mis en scène La Ville de M. Crimp, présenté au 104 et au Studio-Théâtre de Vitry, ainsi que Blanc (trois pièces courtes de T. Williams) présenté au Théâtre de la Loge à Paris (automne 2011).

Il collabore régulièrement avec des Écoles de théâtre : avec les élèves comédiens de l’ERAC, il présente L’Epreuve du feu de M.Dahlström au festival Reims Scènes d’Europe 2011 ; il a mis en scène les spectacles de sortie des élèves de la Comédie de Reims promotion 2011 (Extermination du peuple de Schwab) ; 2013 (Dans la république du bonheur de Crimp) ; et intervient régulièrement à l’université de Besançon en arts du spectacle.

À l’automne 2012, il présente Les Boulingrin de Courteline, dans le cadre de la programmation hors les murs de la Comédie de Reims, dont il est metteur en scène associé. Il y crée quatre spectacles : Play House (hors-les-murs) et La Ville de M.Crimp et Le Ciel mon amour ma proie mourante et Les Présidentes (hors-les-murs) de Werner Schwab.

En mars 2015, il créera La folle journée ou Le Mariage de Figaro de Beaumarchais à la Comédie de Reims, puis L’amant d’Harold Pinter en avril, spectacle conçu pour être joué en appartement.

Elisabeth Angel-Perez

Elle est Professeur de littérature anglaise à l’université de Paris-Sorbonne. Son domaine de spécialité est le théâtre anglais contemporain. Ses publications incluent notamment Voyages au bout du possible : Les théâtres du traumatisme de Samuel Beckett à Sarah Kane (Klincksieck/Les Belles Lettres, 2006), Endgame : Le théâtre mis en pièces (PUF, 2009) ainsi que de nombreux volumes collectifs sur Howard Barker et le théâtre de la Catastrophe, Tom Stoppard, Tennessee Williams ou encore la faim sur la scène et les métamorphoses de la voix au théâtre. Elle est également traductrice de théâtre (Crimp, Barker, Churchill, Gill, Greig).

Marion Barché

Elle a commencé sa formation à l’école d’acteur Claude Mathieu (Paris 18ème) puis à l’École supérieure d’art dramatique du Théâtre national de Strasbourg, d’où elle sort en 2008. Elle y rencontre Rémy Barché, avec qui ils fondent la compagnie Le Ciel Mon amour Ma proie mourante, et collaborent ensemble sur plusieurs spectacles, notamment Cris et chuchotements adapté du scénario d’Ingmar Bergman (théâtre de l’Université Paul Valery à Montpellier, festival Premières au TNS), La Ville de Martin Crimp (2013) et Le Ciel mon amour ma proie mourante de Werner Schwab (2014). En parallèle, Marion Barché a aussi travaillé avec Daniel Jeanneteau dans L’Affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche (Théâtre de la Cité Internationale), et dans une mise en scène de Marie-Christine Soma Les Vagues adaptée du roman de Virginia Woolf (Théâtre National de la Colline, Studio Théâtre de Vitry). Elle a joué dans 100 ans dans les champs !, spectacle écrit et mis en scène par Hélène Mathon autour de l’agriculture française (Théâtre de l’Echangeur à Paris, Comédie de Béthune, Les Subsistances à Lyon), et enfin dans un spectacle écrit et mis en scène par Carole Thibault L’Enfant (Théâtre de la Tempête à Paris).

Elle est aujourd’hui comédienne permanente à la Comédie de Reims, et enseigne auprès des élèves de la classe de la Comédie. Au cours de la saison 2014/2015, elle joue dans L’Avare de Molière, mis en scène par Ludovic Lagarde et dans La Folle journée ou Le Mariage de Figaro mis en scène par Rémy Barché.

Alexandre Pallu

Il a suivi le cursus professionnel de l’École nationale de musique, de danse et d’art dramatique (ENMDAD) du Val Maubuée (77) avant de rentrer à l’École supérieure d’art dramatique du TNS en 2005, sous la direction de Stéphane Braunschweig. Il y a travaillé avec Martine Schambacher, Pierre Alain Chapuis, Arthur Nauzyciel, Michel Cerda, Marie Vayssière, Claude Duparfait, Benoit Lambert, Richard Brunel, Philippe Garrel, Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma. Depuis sa sortie en 2008, il a travaillé avec Cédric Gourmelon (Edouard II de Marlowe au festival Mettre en scène au Théâtre national de Bretagne) ; Guillaume Dujardin au festival des Nuits de Joux sur Marivaux, Shakespeare, Levin et Lagarce ; Caroline Guiela pour la reprise de Macbeth : inquiétudes d’après Shakespeare, Muller et Kadaré ; Julien Fisera pour Le Projet Roméo et Juliette d’après Shakespeare et Jacques Albert et la pièce Belgrade d’Angelica Liddell, joué notamment au festival international Bitef de Belgrade ; Daniel Jeanneteau dans L’Affaire de rue de Lourcine de Eugène Labiche ; Marie-Christine Soma dans une adaptation du roman Les Vagues de Virginia Woolf (Studio Théâtre de Vitry, La Colline). Il joue en 2010 au Festival d’Avignon dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes La Tragédie du roi Richard II mis en scène par Jean-Baptiste Sastre.

Il poursuit sa collaboration avec le metteur en scène Rémy Barché : Le Cas Blanche Neige de Barker, Cris et chuchotements d’après Bergman, La Tempête de Shakespeare, La Ville de Martin Crimp (2013) et Le Ciel mon amour ma proie mourante de Werner Schwab (2014).

En 2012, lors d’un voyage d’étude sur le théâtre argentin à Buenos Aires, il travaille avec Federico Léon pour son spectacle Multitudes créé au Théâtre San Martin. Il collabore également avec Sacha Amaral comme acteur, co-scénariste, traducteur et réalisateur. Merci Lucie, Un morceau de chacune avec moi et Tarte à la ricotta sont ses trois premiers courts métrages réalisés cette même année. Il travaille également avec le trio jazz expérimental Bridge Art.

Il est aujourd’hui comédien permanent à la Comédie de Reims. Au cours de la saison 2014/2015, il joue dans L’Avare de Molière, mis en scène par Ludovic Lagarde et dans La Folle journée ou Le Mariage de Figaro mis en scène par Rémy Barché.

Louise Dupuis

Elle commence sa formation théâtrale en 2007 au conservatoire du 20e arrondissement de Paris. En 2009, elle suit aussi des cours à l’école de clown Le Samovar. Elle rentre à l’École Régionale d’Acteurs de Cannes en 2010 où elle travaille notamment avec Hubert Colas, Ludovic Lagarde, Guillaume Lévèque, Rémy Barché, Laurent Gutman ainsi que Catherine Germain sur le clown. En 2012, elle participe à un stage de physical theatre à la LAMDA à Londres avec Yorgos Karamelegos du Tmesis theatre. En juillet 2013, elle joue à sa sortie d’école au Festival d’Avignon dans Europia, fable géo-poétique, un spectacle écrit et mis en scène par Gérard Watkins, présenté dans Reims Scènes d’Europe en décembre 2013.

Depuis septembre 2013, elle est comédienne permanente à la Comédie de Reims. Elle joue dans les pièces La Ville de M. Crimp et Le Ciel mon amour ma proie mourante et Les Présidentes de Werner Schwab sous la direction de Rémy Barché. Au cours de la saison 2014/2015, elle joue dans L’Avare de Molière, mis en scène par Ludovic Lagarde et dans La Folle journée ou Le Mariage de Figaro mis en scène par Rémy Barché.

Myrtille Bordier

En parallèle de ses études au Conservatoire de Besançon, elle travaille avec la Compagnie du Sablier à Dijon (sous la direction de Brendan Burke) et sur une création d’Hélène Polette (Théâtre de la Manivelle) en tant que comédienne et costumière (Comme il vous plaira de Shakespeare). Elle suit de nombreux stages avec notamment Jérôme Thomas, Robert Cantarella, Hélène Cinque. Elle intègre ensuite la Classe Professionnelle du Conservatoire d’Avignon sous la direction de Jean-Yves Picq avant d’intégrer en 2010 l’École Régionale des Acteurs de Cannes où elle travaille notamment avec Hubert Colas, Ludovic Lagarde, Gérard Watkins, Richard Sammut, Rémy Barché, Catherine Germain (clown). Elle joue également sous la direction de Cyril Cotinaut dans Électre de Sophocle (2009) et Oreste d’Euripide (2011). En juillet 2013, elle joue à sa sortie de l’ERAC au Festival d’Avignon dans Europia, fable géo-poétique, un spectacle écrit et mis en scène par Gérard Watkins, présenté dans Reims Scènes d’Europe en décembre 2013.

En 2013, elle devient comédienne permanente à la Comédie de Reims. Elle joue dans les pièces Play House, La Ville de M. Crimp et Le Ciel mon amour ma proie mourante et Les Présidentes de Werner Schwab sous la direction de Rémy Barché. Au cours de la saison 2014/2015, elle joue dans L’Avare de Molière, mis en scène par Ludovic Lagarde et dans La Folle journée ou Le Mariage de Figaro mis en scène par Rémy Barché.

Tom Politano

Après une formation au Conservatoire national à rayonnement régional de Toulon, il intègre l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes en 2010 où il travaille avec Gérard Watkins, Richard Sammut, Hubert Colas, Ludovic Lagarde, Sonia Chiambretto, Laurent Gutmann, Guillaume Lévêque, Alain Zaepffel, Catherine Germain et Jean-François Peyret.

En 2011, il joue dans L’Epreuve du feu de Magnus Dahlström mis en espace par Rémy Barché à la Comédie de Reims dans le cadre des Ateliers d’écriture contemporaine ERAC/Université d’Aix Marseille. En 2012, il joue sous la direction de Véronique Dietschy dans Cabaret Brecht à la Friche Belle de mai et sous la direction de Ferdinand Barbet dans À des temps meilleurs d’après Lorenzaccio de Musset dans le cadre des Soirées Estivales du Conseil Général des Alpes-Maritimes. En juillet 2013, il joue à sa sortie de l’ERAC au Festival d’Avignon dans Europia, fable géo-poétique, unspectacle écrit et mis en scène par Gérard Watkins, présenté dans Reims Scènes d’Europe en décembre 2013.

En 2013, il devient comédien permanent à la Comédie de Reims. Il joue dans les pièces Play House de M. Crimp et Le Ciel mon amour ma proie mourante de Werner Schwabsous la direction de Rémy Barché. Au cours de la saison 2014/2015, il joue dans L’Avare de Molière, mis en scène par Ludovic Lagarde et dans La Folle journée ou Le Mariage de Figaro mis en scène par Rémy Barché.

 

PLAY HOUSE hors les murs dans Vitry

 

 

 

 

faits (fragments de l’Iliade)

Iliade3

 

© Daniel Jeanneteau

A l’invitation des Subsistances et dans le cadre de la Biennale de la danse de Lyon, Daniel Jeanneteau va créer en septembre 2014 FAITS, une installation-performance conçue à partir de fragments de l’Iliade, réunissant les interprètes Laurent Poitrenaux, Thibault Lac et Gilbert Caillat. Au croisement du théâtre, de la danse et des arts plastiques, une vision très intimiste du dernier chapitre de l’Iliade.


Représentations les 8, 9, 10 et 11 septembre aux Subsistances

faits (fragments de l’Iliade)

d’après la traduction de l’Iliade par Frédéric Mugler, éditions Babel – Actes Sud

Installation-performance conçue par Daniel Jeanneteau
Lumières Anne Vaglio
Son Isabelle Surel
Assistant Damien Schahmaneche

Avec Gilbert CaillatManuel Guiyoule, Thibault Lac, Laurent Poitrenaux et l’âne Gribouille

Production Les Subsistances, coproduction Biennale de la danse de Lyon, Studio-Théâtre de Vitry

REVUE DE PRESSE


A la toute fin de l’Iliade, Homère fait se rencontrer Priam et Achille. Un vieillard et un jeune homme. Les deux ennemis maximums. C’est la tombée du jour, Priam traverse le paysage avec un âne. Il vient chercher le corps de son fils dans la tente d’Achille. Nul ne le voit venir, à l’abri de son âge, insignifiant. Il n’a pas mangé depuis la mort d’Hector. Il n’a pas dormi non plus. Cela fait onze jours. Achille le découvre à ses genoux, le relève avec stupeur. Pendant un instant, protégés par le sommeil de toute une armée, deux êtres se regardent. Rien ne les rattache plus aux lois extérieures, aux haines apprises. Ils inventent un moment qui n’est qu’à eux, fait d’admiration et de larmes. Des siècles de fureur machinale se précipitent dans leurs regards brûlés, et s’éteignent : en eux, l’espèce se reconnaît. Ils se taisent, se regardent, mangent, dorment. Leur insignifiance commune représente l’exact contrepoids de tout le tumulte qui a précédé.

Daniel Jeanneteau


Entretien avec Daniel Jeanneteau

Comment est né ce projet ?
C’est une commande. Le projet est né d’une proposition des Subsistances, très précise et très indéfinie : faire quelque chose avec l’Iliade et l’Odyssée, Homère. Je n’avais jamais abordé un projet de cette façon, et j’y découvre une liberté inattendue.
A commencer par la liberté de puiser, dans cette œuvre immense et multiple, la matière d’une action, d’un rêve. La liberté aussi de ne pas penser une forme à l’avance, selon son appartenance supposée à tel ou tel registre d’expression. Il ne m’ont pas demandé d’en faire un spectacle de théâtre, il ne m’ont pas même parlé de danse, ils ont ouvert un espace d’apparition, en moi pour commencer, où des figures, du temps, des émotions peut-être pouvaient s’agencer calmement.

Il se trouve que j’aime particulièrement l’Iliade, depuis longtemps. Et si je pense à cette œuvre, la première chose qui me vient à l’esprit, qui m’a stupéfié à la première lecture et qui me bouleverse encore, c’est la rencontre, dans le dernier chant, de Priam et d’Achille. C’est à dire des deux pôles d’antagonisme, des deux opposés, des deux ennemis maximums. Cela se passe la nuit, à l’insu de tout le camp Grec endormi, à l’insu de l’humanité entière, dans le silence et la douceur : trahison inouïe des ordres violents, des rancunes apprises, pure anomalie, pur geste de liberté aussi.

Ils se rencontrent dans des circonstances absolument étranges et exceptionnelles. Priam a déjà quasiment perdu la guerre, il aura bientôt tout perdu ; il quitte son palais seul, après avoir jeûné sans dormir durant onze jours, depuis la mort d’Hector ; il traverse avec un âne le paysage qui sépare les remparts de Troie du camp Grec, et s’introduit avec une mystérieuse facilité au cœur de l’ennemi. Avec stupeur Achille le découvre à ses genoux, implorant, mutique. A partir de ce moment-là commencent quelques unes des pages les plus étonnantes de la littérature mondiale.

Ce spectacle va prendre place dans la Biennale de la danse. Quels sont les rapports entre ce motif de l’Iliade et la danse ?
Je ne sais pas en quoi l’Iliade concerne strictement la danse, mais il me semble qu’il s’agit d’abord d’une histoire de corps. L’Iliade, avant la parenthèse de nuit dont je viens de parler, ce sont des corps en plein soleil qui s’agitent, se battent, se courent les uns après les autres, se désirent. Ce sont des rapports, des distances, des lignes. La guerre dure depuis si longtemps qu’elle en devient abstraite. C’est un ensemble de mouvements mécaniques, une machine vivante où le corps percé, tranché, démembré apparaît dans sa plus grande et triviale matérialité.

J’ai travaillé à extraire de l’ensemble du texte tous les passages qui décrivent l’action des armes sur les corps, en retirant les adjectifs, en calcinant les attributs qui fleurissent le récit. Reste un foisonnement de fragments lacunaires, à la violence objective et si crue qu’elle en devient presque insoutenable. Le résultat est dur, effrayant, mais conserve étrangement sa qualité de poème.

Je voudrais faire entendre cela, cette matière purifiée comme un grand bloc de lumière. Laurent Poitrenaux, avec sa précision de chirurgien, la déposera sur le corps de Thibault Lac. Puis, comme le contrepoids exact de ce qui compose la presque totalité de l’œuvre, l’instant minuscule et nocturne de la rencontre entre le vieillard et le très jeune homme, dans une succession d’actions silencieuses, un poème à l’insignifiance.

C’est dans ce rapport, dans cet échange complexe de gestes et de mots qu’apparaîtra peut-être quelque chose comme de la danse…

Il y a aussi une action de la scénographie sur le corps, puisque celle-ci sera très particulière. Comment est pensée cette scénographie ?
La grande question scénographique de l’Iliade est celle du paysage, et plus précisément celle de l’entre-deux, du non-lieu, de la zone. Tout se passe dans l’étendue qui sépare la ville retranchée de Troie et le camp des grecs sur le rivage. Il y a là une plaine sur laquelle ont lieu les combats, où coule un fleuve. C’est aussi une étendue jonchée de corps, dormants, affrontés, morts, aimants. Le travail sur l’espace portera sur les spectateurs en premier lieu, puisqu’il n’y aura pas de gradins et le public circulera librement dans l’étendue du hangar, dans lequel nous aurons répandu une grande quantité de gravats, de blocs de béton. Un espace minéral parlant de destruction, de vestiges, de disparition. Sans direction prédéfinie, sans centre repérable, le spectacle pourra venir de partout. Mais surtout il s’agira de faire sentir, dans cette banalité horizontale, la tension magnétique d’un espace inhabitable et hanté par la violence. Et de redonner, par une sorte de renversement de proportions, la mesure du miracle qui s’est produit, ce soir-là, entre Achille et Priam.


Laurent Poitrenaux / comédien
Laurent Poitrenaux est né à Vierzon en 1967. Il se forme à l’École Théâtre en Actes à Paris, dirigée par Lucien Marchal. Il a joué sous la direction de nombreux metteurs en scène dont Christian Schiaretti, Éric Vigner, Daniel Jeanneteau, Arthur Nauzyciel et François Berreur. Collaborateur régulier de Ludovic Lagarde, il a joué dans pratiquement tous ses spectacles depuis 1992, et notamment Un nid pour quoi faire et Un mage en été d’Olivier Cadiot créés pour le festival d’Avignon 2010, une trilogie Büchner présenté au Théâtre de la Ville et Lear is in Town de Frédéric Boyer et Olivier Cadiot, créé au festival d’Avignon 2013. Il a récemment joué sous la direction de Marcial Di Fonzo Bo pour Une Femme de Philippe Minyana au Théâtre National de la Colline. Au cinéma, il a travaillé avec Claude Mouriéras, Sigried Alnoy, Christine Dory, Patrick Mille, Gilles Bourdos, Christian Vincent, Sophie Fillières et plus récemment avec Agnès Jaoui dans Au bout du conte (2013), Isabelle Czajka dans D’Amour et d’eau fraîche (2010) et La vie Domestique (2013), et Mathieu Amalric dans La Chambre bleue (2014).

Thibault Lac / danseur
Thibault Lac a étudié à l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux, puis à P.A.R.T.S. à Bruxelles de 2006 à 2010. Parallèlement à ses études, il a dansé dans The Show Must Go On de Jérôme Bel (2009), et a assisté Tino Sehgal à l’occasion de son exposition au Musée Guggenheim (New York, 2010). Interprète dans Little Perceptions de Noé Soulier, A Dance For The Newest Age d’Eleanor Bauer et Zombie Aporia de Daniel Linehan, il a récemment dansé dans la pièce de Mathilde Monnier : Twin Paradox. Sur scène aux côtés de Trajal Harrel dans différents formats du projet 20 Looks or Paris is Burning at the Judson Church, ainsi que rédacteur en chef de la publication (20 Looks : XL), il a également joué en 2013 dans la pièce de Harrell pour le MoMA : Used, Abused and Hung out to Dry.

Gilbert Caillat / comédien
Professeur de Lettres dans la région lyonnaise, chargé d’éducation artistique à la DRAC Rhône-Alpes, membre du comité d’experts danse et théâtre de la DRAC et spectateur de théâtre de longue date, Gilbert Caillat a déjà joué aux Subsistances sous la direction de Karelle Prugnaud pour le spectacle Kawaï Hentaï, en 2010.

 

 

 

Thibaud Croisy

 Photo Rencontre avec le public

En décembre, nous retrouvons Thibaud Croisy que nous avions déjà accueilli en 2012 pour la création de Je pensais vierge mais en fait non et Soustraction du monde. Il revient au Studio-Théâtre du 18 au 21 décembre pour présenter la performance RENCONTRE AVEC LE PUBLIC.


jeudi 18 décembre à 20h30
vendredi 19 décembre à 20h30
samedi 20 décembre à 20h30
dimanche 21 décembre à 16h

RENCONTRE AVEC LE PUBLIC

de Thibaud Croisy
lumières et images Emmanuel Valette

avec
Véronique Alain, Sophie Demeyer, Léo Gobin

coproduction Ménagerie de Verre, Studio-Théâtre de Vitry


Véronique Alain dans "Rencontre avec le public" de Thibaud Croisy - © Emmanuel Valette
Et là, pile au moment où l’on ne s’y attendait plus, revoici la meilleure pièce de la saison 2013, 2014, 2015 et suivantes, l’œuvre emblématique des années 70, 80 et 90, celle qui n’a pas peur de passer le périph et de prendre le RER C pour accomplir un grand acte de démocratisation culturelle. C’est Noël en France, et voilà que Rencontre avec le public atterrit soudain dans la ville de Vitry et vient vous mettre le cœur en fête, parader dans les rues, parler aux géraniums, distribuer des boîtes de chocolats municipales et faire office d’étoile brillante au sommet du sapin artistique. Alors une fois de plus, au nom de la solidarité théâtrale et de l’amour du prochain, nous sommes heureux de lever notre grand rideau rouge devant vos yeux ébahis, de vous offrir enfin un spectacle chrétien digne de ce nom et de redire encore une fois pour les siècles des siècles : « venez, venez, nous sommes heureux de vous rencontrer ».

Thibaud Croisy

Extrait de l’entretien avec Sophie Grappin-Schmitt

Le communiqué de presse diffusé par la Ménagerie de Verre est particulièrement mystérieux et creux : il ne dévoile rien du spectacle qui va avoir lieu et s’offre à lire comme un exercice d’annonce. Pourquoi ce texte?
Thibaud Croisy : D’abord, ce n’est pas vraiment un communiqué de presse, c’est un texte de présentation ou de communication que les théâtres demandent. Du coup, on écrit toujours un texte avant même que la pièce soit créée et parfois avant que les répétitions aient commencé. C’est comme ça, c’est un état de fait. Ça ne me dérange pas forcément plus que ça, si ce n’est que ça met toujours le beau discours au centre. Mais j’aimerais bien savoir pourquoi vous dîtes que ce texte est «creux»…

Peut-être parce qu’il semble dire ce que disent tous les textes de communication : «Venez! Cela va être génial! C’est le spectacle que vous attendiez et qui vous attend». Le creux, ça résonne… Ou plutôt que creux, il serait dégraissé, à l’os même de l’exercice.
Ah oui, je ne l’avais pas entendu dans ce sens-là. Dégraissé, sans doute. En tout cas, il ne faut pas se voiler la face, c’est l’enjeu d’un texte de communication : communiquer, faire venir les gens, défendre son bout de gras. Il ne faut pas oublier que cet exercice part tout de même d’une contrainte car si ça ne tenait qu’à moi, je m’en passerais bien. Sauf que maintenant, il faut le faire et à tout prendre, je le fais parce que je n’ai pas envie que le premier venu écrive une connerie sur mon travail, je préfère encore écrire mes propres conneries moi-même. Après, je ne crache pas non plus dans la soupe parce qu’un texte de communication, ça amorce un dispositif, ça suscite des attentes et ça joue aussi, bien sûr, avec le désir du spectateur. Et jouer avec le désir, faire bouger le corps du lecteur pour qu’il aille jusqu’à son téléphone et qu’il fasse une réservation, ça m’intéresse assez. Finalement, j’ai toujours envie de réinventer ce texte de communication, cette adresse au public qui viendra ou qui ne viendra pas et à chaque fois, je me dis que c’est déjà là que la pièce commence.

Votre pièce s’intitule Rencontre avec le public comme si le spectacle avait déjà eu lieu. On a l’impression que vous nous conviez à l’étape suivante. À quoi va-t-on assister?
C’est vrai, le titre de cette création, Rencontre avec le public, peut donner le sentiment que le spectacle a déjà eu lieu car généralement, la convention de la rencontre avec le public se fait une fois la représentation terminée. Ici, on propose au public de se déplacer pour voir une forme qui s’intitule précisément Rencontre avec le public donc d’une certaine manière, la temporalité de la rencontre est déplacée, anticipée. Il ne s’agit plus d’un bonus, d’un supplément auquel on pourrait assister après le spectacle (car le rituel de la rencontre est toujours facultatif) mais il s’agit au contraire de la pièce même, de ce qui est imposé – ou posé, du moins. C’est vrai que c’est comme si la pièce était déjà passée, comme si elle n’était plus là, comme si on en avait fini avec le spectacle, qu’on l’avait enterré, et en même temps, ce titre littéralise aussi ce qui se joue dans toute forme d’art vivant : deux instances se rencontrent. Les artistes, sur scène, et les spectateurs, dans la salle. Deux instances se donnent rendez-vous à un horaire donné et tentent d’établir un contact. C’est le principe du théâtre.

Est-ce une façon de mettre à mal ou de questionner le temps de la représentation?
Sans doute les deux. Ce qui m’intéresse quand je crée une forme vivante, ce n’est pas simplement d’élaborer une représentation mais de penser à son antithèse, à ce que pourrait être aussi une non-représentation – tout en sachant que cela n’existe pas, nulle part – et de songer aussi à l’au-delà de la représentation ou à son en-deçà, c’est selon. Élaborer des représentations, c’est un truc assez fatiguant, assez chiant, assez facile à mettre en route, d’ailleurs : on passe son temps à en construire, tous les jours. Alors que tenter d’écraser un peu la représentation ou les représentations des autres et les siennes propres, c’est déjà plus excitant.

Suite de l’entretien

Entretien de Marie Richeux (France Culture)


Thibaud Croisy met en scène des textes de théâtre (Jean-Claude Grumberg, Copi, Thomas Bernhard) et crée des performances (Je pensais vierge mais en fait non, Soustraction du monde, Gymnase nihiliste, Rencontre avec le public) dans des théâtres ou des centres d’art (Ménagerie de Verre, Théâtre de Vanves, Studio-Théâtre de Vitry, CAC Brétigny). Il travaille également en tant que dramaturge avec Hauke Lanz, Olivier Normand mais aussi comme interprète avec les chorégraphes Annie Vigier et Franck Apertet (les gens d’Uterpan). Ancien élève du département de théâtre de l’École normale supérieure et de l’Université Paris-X, il mène parallèlement des recherches sur les dramaturgies autrichiennes contemporaines (Werner Schwab) et publie régulièrement des textes dans des revues, dans la presse ou des ouvrages collectifs.

Prochaine création au Théâtre de Vanves : Tentative de fuite (plomberie)

MEDEALAND

visuel site

En février nous accueillons MEDEALAND de Sara Stridsberg, dans une mise en scène de Jacques Osinski créée cette année à Grenoble. Figure importante de la littérature suédoise contemporaine, inspirée par Louise Bourgeois, Marguerite Duras ou Sarah Kane, Sara Stridsberg explore les figures féminines de la radicalité dans des œuvres violentes et puissamment poétiques.


vendredi 13 février à 20h30
samedi 14 février à 20h30
dimanche 15 février à 16h
lundi 16 février à 20h30

MEDEALAND

de Sara Stridsberg
traduit du suédois par Marianne Ségol Samoy

mise en scène Jacques Osinski
dramaturgie Marie Potonet
scénographie Christophe Ouvrard
lumière Catherine Verheyde
costumes Hélène Kritikos
musique Dayan Korolic

avec
Caroline Chaniolleau, Grétel Delattre, Noémie Develay Ressiguier, Julien Drion, Jean Claude Frissung, Delphine Hecquet, Maud Le Grévellec et Dayan Korolic (musicien)

production Compagnie L’aurore boréale – coproduction MC2: Grenoble
avec le soutien artistique du Jeune Théâtre National
jtn-logo
construction du décor et réalisation des costumes par les Ateliers de la MC2


MEDEALAND
© Pierre Grosbois

MEDEALAND. Le pays de Médée… En nommant ainsi sa pièce, Sara Stridsberg désigne d’emblée ce qui en fait le cœur. Le pays de Médée, c’est un univers mental, l’espace clos dans lequel elle est enfermée. « L’espace est d’une blancheur éblouissante, une sorte de non-espace. Un lieu d’attente, de l’après, de l’éternité. La salle d’attente d’un hôpital. Un royaume des morts stérile. La salle d’attente du néant, un espace conscient ou peut-être rêvé. » écrit Sara Stridsberg dans cette belle langue à la fois concise et tumultueuse qui la caractérise. On peut voir la pièce comme un immense flash-back, le lieu de « l’après » étant celui de l’après meurtre de ses enfants par Médée. Le pays de Médée, c’est celui de la souffrance, celui du manque.
Le pays de Médée, c’est aussi le pays perdu, « le pays abandonné, oublié, celui dont rêve l’exilé ». C’est la « matrie » évoquée au début de la pièce, telle une mer. Cette mer qui, dans la pièce d’Euripide, sépare les deux pays, celui de l’enfance et celui de l’âge adulte dans lequel Jason a emmené Médée. Le pays de Médée, c’est cet entre-deux, passionnant à rendre scénographiquement, un espace sans contour, à la fois brumeux et tout en angles, pays du rêve dans lequel le concret de la réalité frappe, pays où l’esprit de Médée se fracasse contre la réalité des murs d’un hôpital. Ayant trahi son père pour Jason, Médée n’a plus de pays que celui qu’elle porte dans sa tête. Elle est désormais une étrangère, une sans asile, une sans domicile fixe. Et peut-être que plus encore que l’amour, c’est la violence de ce statut que Sara Stridsberg interroge.
Plein d’une évidente modernité, MEDEALAND s’inscrit dans une lignée littéraire. D’Euripide (dont la pièce porte de nombreux échos) à Sarah Kane, c’est aussi toute une histoire du théâtre que revisite Stridsberg et que j’ai envie de revisiter avec elle. Comme Le Chemin de Damas, comme Le Songe de Strindberg, comme Dehors devant la porte de Borchert, Medealand est un drame à stations. C’est un type de pièces qui me touche et que j’ai souvent montées. « Le corps disloqué/Avec sur le visage tous les signes de la fureur », pour reprendre les termes de Sénèque traduit par Florence Dupont, l’esprit de Médée erre. Des figures viennent à sa rencontre : la déesse (qui peut aussi être médecin), la mère, la nourrice, le roi Créon, Jason lui-même… Une à une, Médée franchit les étapes qui la mèneront au meurtre de ses enfants et à un étrange apaisement : « J’ai enfin arrêté de pleurer. Médée a enfin arrêté de pleurer ».
Souffre-t-elle plus de son amour bafoué ou de son statut d’étrangère ? Quelle est l’aliénation la pire, celle d’aimer ou celle de n’être pas d’ici ? La colère de Médée vient du rejet, rejet par Jason mais aussi rejet par un pays qui ne veut plus d’elle. Sara Stridsberg dit alors la vérité nue avec une absence de pathos qui oblige le spectateur à affronter la vérité du monde : « Après un temps dans le service, il apparaît qu’une décision d’expulsion a été prise concernant la jeune femme en question. Les renseignements ont été donnés par son ex-mari et, après vérification, ont été avérés. La jeune femme se trouve donc depuis plusieurs jours illégalement à Corinthe. Par conséquent, elle ne peut bénéficier de soins médicaux. Les services de police en ont été informés et il a été décidé que la femme devrait être reconduite à la frontière, escortée par les forces de l’ordre. »
La grande force de Sara Stridsberg est de rendre d’emblée absolument contemporaine cette Médée millénaire. Abandonnée par Jason pour qui elle a tout sacrifié, Médée n’a d’autre endroit où aller qu’un hôpital psychiatrique où l’on ne veut pas la garder. Puisant son inspiration dans la tradition littéraire, Stridsberg s’en affranchit pour rendre sa Médée totalement humaine, concrète. Elle parle directement au spectateur, abandonnant le mythe pour une intimité qu’elle rend fascinante. Avec Sara Stridsberg, Médée redevient une femme : Une femme dont le chemin bifurque, internée aux urgences psychiatriques d’un hôpital… Une femme étrangère, sans papier, seule, une valise à la main, aux prises avec le prosaïsme de l’administration, l’égoïsme ordinaire.
Pour Jason, Médée a tué son frère. Elle s’est faite meurtrière, exilée. Ses actions, qui sont aussi des actions de force et de courage, n’ont pas été reconnues. Dans l’alliance Jason/ Médée, il a obtenu tous les bénéfices, elle a pris tous les torts. C’est elle la meurtrière, elle la fugitive. En endossant ces rôles, elle a fait de Jason un héros. Lorsqu’il l’abandonne pour en épouser une autre, elle n’est plus rien. Elle n’a plus rien sauf son amour disloqué et ses enfants. Face à la prodigieuse indifférence de Jason, face à la tranquille assurance de sa beauté, Médée n’a d’autre arme que celle de ses enfants pour le toucher encore. Ses enfants qui sont aussi ce qui l’ancre encore dans la terre, au sol de ce pays inconnu qu’elle voudrait faire sien et qui ne veut plus d’elle. En les tuant, elle s’anéantit et se libère : « Maintenant tu ne peux plus me faire de mal. Maintenant je suis libre. L’homme n’a jamais existé. L’amour n’a jamais existé. »
Sara Stridsberg a étudié Sarah Kane. Elle en a la force. Pour elle, comme pour Sarah Kane, l’écriture a à voir avec la destruction. Son écriture, étrange mélange de violence et de poésie, part de la réalité la plus noire, la folie, l’exil, l’abandon, pour nous emmener dans un univers rêvé, qui peut aussi bien frôler le cauchemar que la transcendance. Ainsi le récit fait par la déesse des meurtres d’enfants est empreint d’une étrange douceur, douceur dont je ne sais si j’oserais la qualifier de maternelle.
Ainsi est Médée : d’une violence mêlée de douceur. Son apparence frêle, toute de volonté et d’humilité, renferme la force de ceux qui croient en la justesse de leur cause. Elle peut toucher la transcendance, transformant violence et prosaïsme en pureté. Mais Médée a aussi un corps, corps que Sara Stridsberg dépeint sans fard : corps de femme, amoureuse, délaissée, corps de nouvelle mère aussi, corps qui commande à l’esprit, prisonnier du désir.
Face à elle, Jason n’a pas le beau rôle mais il incarne la séduction. « Il doit être beau, il doit être possible à aimer » dit Sara Stridsberg. L’écrivain inverse en quelque sorte les rôles. Jason est celui qu’on regarde, rôle habituellement dévolu à la femme. Il est finalement un « homme fatal » par analogie avec la femme fatale, chère aux films hollywoodiens.
Dans une interview à L’Express, Sara Stridsberg dit, parlant de son roman, La Faculté des rêves : « La poésie et la beauté dans ce livre, sont un cadeau que je voulais faire à toutes ces filles seules, à celles qui vivent dans la rue, aux prostituées, aux marginales, à toutes celles qui se sont perdues en chemin ». Médée est de ces marginales. Mais elle est reine aussi. Elle a le corps en miettes mais son esprit flamboie. Elle ne plie pas. « Mais tu dois apprendre à t’incliner devant le monde quand il te regarde. Personne n’y échappe. Aucune femme. Pas même toi, Médée. » lui dit sa mère, personnage oublié dans la tradition et auquel Stridsberg donne un grand poids, ce qui n’a rien d’anodin. Abandonnée par l’homme qu’elle a aimé, Médée refuse de plier et c’est alors sa condition de femme qu’elle interroge. Sara Stridsberg ne se revendique ni comme féministe ni comme écrivain femme. Dans une interview, elle dit pourtant que ce qui l’intéresse dans l’écriture, c’est la destinée des femmes dans le monde. De grandes figures féminines sont d’ailleurs à la source de ses romans. La faculté des rêves s’inspire d’une figure réelle, Valérie Solanas, prostituée intellectuelle et féministe, qui tira sur Andy Warhol et faillit le tuer. Darling river s’inspire d’une figure littéraire, celle de Lolita. Pour Sara Stridsberg, Valérie Solanas incarne le mauvais rêve du patriarcat, tandis que Lolita en est le rêve. Avec Médée, elle s’attaque à un mythe. Sa force est de lui rendre toute son humanité. Sa Médée est une femme, une femme qui ne plie pas devant le regard du monde, une femme qui défie les lois et c’est cela qui m’intéresse.

Jacques Osinski
Juin 2013

MEDEALAND
© Pierre Grosbois

« Même si aujourd’hui je suis déchue et lamentable
Si je suis une fugitive, une mendiante solitaire
Une femme abandonnée
Un monceau d’afflictions
Je brillais autrefois aux côtés de mon père
J’étais une noble héritière
La petite fille du Soleil »
Sénèque, Médée, traduction de Florence Dupont

« C’est l’amour seul qui peut me sauver et c’est l’amour qui m’a détruit. »
Sarah Kane, Manque, traduction d’Evelyne Pieiller

MEDEALAND
© Pierre Grosbois

EXTRAIT

LA DÉESSE : La femme arrive au service des urgences. Âge : vingt-sept. État civil : divorcée, nouvellement séparée. Donne l’impression d’être confuse, est arrivée en sous-vêtements bien que la température extérieure soit en dessous de zéro. A du mal à expliquer sa venue de manière structurée mais répond clairement aux questions qu’on lui pose sur l’espace et le temps. Soutient qu’elle demande de l’aide pour cause de cœur brisé et qu’à part ça, elle se porte bien, qu’elle est en bonne santé. Deux enfants. Des garçons. Dont elle s’occupe seule depuis quelque temps. Sans logement. Sans revenus. A eu une activité professionnelle autrefois mais a arrêté quand son mari a eu un point de vue là-dessus. A tenté de travailler à domicile mais progressivement son activité est tombée à l’eau. Est originaire de Colchide. Pas de famille, pas d’amis, personne vers qui se tourner. Demande à être hospitalisée pour une nuit. Veut qu’on la guérisse de sa condition. Propose une opération du cœur et du sexe. Ne veut plus être ce qu’elle est. Absence de toute volonté de collaboration.

Sara Stridsberg, MEDEALAND, traduction de Marianne Ségal-Samoy
Éditions de L’Arche

TEXTES EN REGARD

Ne me dis pas non non tu ne peux pas me dire non c’est un tel soulagement de retrouver l’amour et de dormir dans un lit et d’être serré et touché et embrassé et adoré et ton cœur bondira quand tu entendras ma voix verras mon sourire sentiras mon souffle sur ton cou et ton cœur s’emballera quand je viendrai te voir et dès le premier jour je te mentirai et je t’utiliserai et je te baiserai et je te briserai le cœur puisque tu as brisé le mien, et tu m’aimeras chaque jour davantage et un jour ce sera trop lourd et alors ta vie sera mienne et tu mourras dans la solitude quand j’aurai emporté tout ce qui me plaira avant de partir sans plus rien te devoir c’est toujours là c’est toujours là et tu ne peux pas nier la vie tu sens merde cette vie merde cette vie merde cette vie merde cette vie maintenant je t’ai perdue.

Sarah Kane, Manque, traduction d’Evelyne Pieiller
Éditions de L’Arche

Il était cependant séparé de moi. Je me prêtais à lui pour qu’il se fasse. Dans ma chair baignait la sienne, naissante, mais distincte, avec sa jeunesse, ses énervements, sa fraîcheur, sa colère de bête sous-marine qui se débat pour atteindre la surface, son indépendance. Son indépendance était au fond de moi, tellement criante et nue, que je me tenais comme écartelée par la vérité, mise à nu, comme une femme baisante, sa vérité. Aucun des aspects les plus notoires de la virilité n’atteint celui-là, si dans virilité on entend l’exercice brutal d’une liberté. J’exerçais brutalement ma liberté en face de cette liberté totale qui grouillait au fond de moi. Je la sentais vivre et la mienne, autour, la contenir, aussi libre.
(Maintenant que je relis ces lignes, il est là, hors de moi, à quelques mètres, il dort. Sa liberté n’est pas moins totale, ni la mienne. Ma vie est liée à la sienne, elle en est dépendante jusque dans les moindres détails. S’il meurt, la beauté du monde meurt et il fera nuit noire sur ma terre. Autrement dit, s’il meurt, je meurs au monde. C’et pourquoi je n’ai pas plus peur de sa mort que de la mort. C’est pourquoi, au moment où je suis la plus enchaînée, je suis la plus libre. Jamais ma révolte, ma puissance de révolté n’a été aussi violente. Puisqu’un tel amour, un tel enchaînement amoureux est dans l’ordre du possible, en même temps que ce possible contient la mort de l’objet de cet enchaînement, dans ce cas je souhaiterais que Dieu existe pour incarner ce possible, et pour pouvoir le blasphémer. Parce que l’objet de mon amour m’importe plus que moi – non seulement à mes propres yeux mais en soi, il s’encastre dans le monde plus précisément, son prix est plus grand, ce n’est pas de moi à lui qu’il m’est précieux, mais il m’importe qu’il vive. Ceux qui n’ont pas d’enfant et qui parlent de la mort me font rigoler. Comme les puceaux qui imaginent l’amour, comme des curés. Ils ont de la mort une expérience imaginaire. Ils s’imaginent frappés par la mort, vivants, alors que morts, ils ne pourront pas jouir de cette mort. Alors que devant un enfant, cette idée se vit chaque jour et que si ça arrive, c’est vivant que vous jouissez de votre mort, vous êtes un mort vivant.)

Marguerite Duras, Cahiers de la guerre et autres textes
Éditions Gallimard

 

… De tout ce qui respire et qui a conscience
Il n’est rien qui soit plus à plaindre que nous, les femmes.
D’abord nous devons faire enchère
et nous acheter un mari, qui sera maître de notre corps,
malheur plus onéreux que le prix qui le paie.
Car notre plus grand risque est là : l’acquis est-il bon ou mauvais ?
Se séparer de son mari, c’est se déshonorer,
et le refuser est interdit aux femmes.
Entrant dans un monde inconnu, dans de nouvelles lois,
dont la maison natale n’a rien pu lui apprendre,
une fille doit deviner l’art d’en user avec son compagnon de lit.
Si elle y parvient à grand’peine,
s’il accepte la vie commune en portant de bon cœur le joug avec elle,
elle vivra digne d’envie. Sinon, la mort est préférable.
Car un homme, quand son foyer lui donne la nausée,
n’a qu’à s’en aller, pour dissiper son ennui,
vers un ami ou quelqu’un de son âge.
Nous ne pouvons tourner les yeux que vers un être unique.
Et puis l’on dit que nous menons dans nos maisons
Une vie sans danger, tandis qu’eux vont se battre !
Mauvaise raison : j’aimerais mieux monter trois fois en ligne
que mettre au monde un enfant !
Mais à vrai dire, tout cela compte moins pour toi que pour moi.
Tu es ici dans ta patrie, dans la maison de ton père,
ayant les plaisirs de la vie, des amis qui t’entourent.
Je suis seule, exilée, bonne à être insultée
par un mari qui m’a conquise en pays étranger.
Je n’ai mère, ni frère, ni parent,
qui me donne un refuge en ce présent naufrage.
Voici la seule grâce que de toi je voudrais obtenir :
s’il s’offre à mon esprit quelque moyen, quelque artifice
pour punir mon mari du mal qu’il me fait,
garde-moi le silence. Une femme s’effraie de tout,
lâche à la lutte et à la vue du fer ;
mais qu’on touche à son droit, à son lit,
elle ira plus loin que personne en son audace meurtrière. »

Euripide, Médée, traduction de Marie Delcourt-Curvers
Éditions Gallimard


Née en 1972, Sara Stridsberg a travaillé sur les thèmes de la destruction et de l’aliénation dans la littérature, de Médée à Sarah Kane. Elle a reçu en 2007 le Grand Prix de littérature du Conseil nordique pour son deuxième roman La Faculté des rêves (éditions Stock) qui l’a révélée en France. Son troisième roman, Darling River, est un hommage à la Lolita de Nabokov. Elle écrit également des pièces de théâtre qui ont été montées sur les plus grandes scènes scandinaves.

Jacques Osinski
Né en 1968, titulaire d’un DEA d’histoire, Jacques Osinski se forme à la mise en scène grâce à l’Institut Nomade de la Mise en Scène auprès de Claude Régy à Paris et Lev Dodine à Saint-Pétersbourg.
En 1991, il fonde la compagnie La Vitrine et met en scène de nombreuses pièces de théâtre. Parmi celles-ci : L’Ile des esclaves de Marivaux (1992), La Faim de Knut Hamsun (1995 – Prix du Public de la Jeune Critique au Festival d’Alès), L’ombre de Mart de Stig Dagerman (2002), Richard II de Shakespeare (2003), Dom Juan de Molière (2005-2006) et Le Songe de Strindberg (2006).
En 2007, Jacques Osinski crée pour la première fois en France au Théâtre du Rond-Point L’Usine du jeune auteur suédois Magnus Dahlström.
Il est nommé directeur du Centre Dramatique National des Alpes en janvier 2008.

Depuis sa nomination il privilégie l’alternance entre textes du répertoire et découvertes, il y créé en coréalisation avec la MC2 :
Le Conte d’hiver de William Shakespeare, création à la Scène Nationale de Saint Quentin en Yvelines, repris à Grenoble et en province.
Woyzeck de Georg Büchner au printemps 2009. Cette pièce initie un cycle autour des dramaturgies allemandes qui se poursuit en écho par la présentation d’Un fils de notre temps d’Ödön von Horváth et par Dehors devant la porte de Wolfgang Borchert.
Le Grenier de l’auteur contemporain japonais Yôji Sakaté (à Grenoble et au théâtre du Rond-Point) en 2010 et Le Triomphe de l’amour de Marivaux repris à Paris et en province.
Le Moche et Le chien, la nuit et le couteau deux pièces de Marius von Mayenburg toutes deux jouées au théâtre du Rond-Point à Paris,
Ivanov d’Anton Tchekhov repris en tournée en région parisienne.
Mon prof est un troll de Dennis Kelly sera sa première mise en scène jeune public en 2012. Le spectacle fera le tour des villages de l’Isère avant de partir en tournée dans toute la France,
George Dandin de Molière, tournée dans toute la France ; une deuxième tournée est prévue en région parisienne et en province au printemps 2014.
Orage de August Strindberg, en mars 2013. Le spectacle est repris en novembre décembre 2013 au théâtre de la Tempête à Paris.
L’histoire du soldat Opéra de Stravinski sur un texte de Charles Ferdinand Ramuz, en collaboration avec Jean Claude Gallotta pour le ballet et Marc Minkowski à la direction des musiciens du Louvre.
Dom Juan revient de guerre de Ödön Von Horváth à la MC2 de Grenoble. Le spectacle sera repris à Paris en mars 2015

Parallèlement à son activité théâtrale, Jacques Osinski travaille également pour l’opéra. Invité par l’Académie européenne de musique du Festival d’Aix-en-Provence, il suit le travail d’Herbert Wernicke à l’occasion de la création de Falstaff au Festival en 2001.
En 2006, à l’invitation de Stéphane Lissner, il met en scène Didon et Enée de Purcell sous la direction musicale de Kenneth Weiss au Festival d’Aix-en-Provence.
Puis c’est Le Carnaval et la Folie d’André-Cardinal Destouches sous la direction musicale d’Hervé Niquet à l’automne 2007. Le spectacle est créé au Festival d’Ambronay et repris à l’Opéra-Comique.
Jacques Osinski a reçu le prix Gabriel Dussurget lors de l’édition 2007 du Festival d’Aix-en-Provence.
En 2010, il met en scène Iolanta de Tchaïkovski au Théâtre du Capitole à Toulouse sous la direction musicale de Tugan Sokhiev.
A l’automne 2013, il mettra en scène l’Histoire du soldat et l’Amour sorcier, sous la direction musicale de Marc Minkowski, avec des chorégraphies de Jean-Claude Gallotta à la MC2: Grenoble, puis à l’Opéra Comique. Et en mai 2014, il mettra en scène Tancrède de Rossini au Théâtre des Champs-Elysées.

Maud Le Grevellec est formée à l’Ecole du Théâtre National de Strasbourg, et au Conservatoire National de Région de Rennes, elle a joué au théâtre sous la direction de Stéphane Braunshweig Six Personnages en quête d’auteur d’après Luigi Pirandello, Rosmersholm de H. Ibsen, Les Trois sœurs de A.Tchékhov, Le Misanthrope de Molière, La famille Schroffenstein de H. von Kleist, La Mouette de Tchekhov – Alain Françon L’hôtel du libre échange de G.Feydeau – Jacques Osinski, Le triomphe de l’amour de Marivaux, Le conte d’hiver de W.Shakespeare – Jean-Louis Martinelli La République de Mek-Ouyes deJ. Jouet – Charles Berling Pour ceux qui restent de P. Elbé – Jean-François Peyret Les Variations Darwin de J. F. Peyret et A. Prochiantz, La Génisse et le pythagoricien de Peyret et Prochiantz – Claude Duparfait Petits drames camiques d’après Cami – Laurent Gutmann Les Nouvelles du plateau S de O. Hirata, et Giorgio Barberio Corsetti, Le Festin de pierre d’après Dom Juan de Molière.
Elle est membre de la Compagnie « Le groupe incognito » pour des créations collectives : Cadavres Exquis projet initié par Catherine Tartarin, Cabaret des Utopies Maison du comédien, Festival Berthier, Padam Padam d’après Moscou sur vodka de V. Erofeiev (Maison du Comédien Maria Casarès à Alloue, Le Limonaire, Scène National d’Angoulême, Le cabaret aux Champs Maison du Comédien Maria Casarès à Alloue et Cabaret Amoralyptique (Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg).
Au cinéma, elle a tourné avec Mabrouk El Mechri dans le long métrage Virgil.

Julien Drion
Formé au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris après avoir suivi les classes de Jean Pierre Garnier, Cyril Anrep, Laurent Natrella et Maxime Franzetti au cours Florent en classe libre. Au cours de sa formation au CNSAD, il travaille sous la direction de Jean Paul Wenzel La nuit italienne de Ödön von Horvàth, Clément Bondu La musique la liberté d’après Baal de Brecht et Nous serons les enfants du siècle de Clément Bondu, et de Caroline Marcadé Another side of the story.
Au théâtre, il joue sous la direction de Emmanuel Demarcy Motta Wandted Petula de Fabrice Melquiot, Jean Pierre Garnier Lorenzzacio de Musset et La patrie de l’impatience d’après H. Baker, Daniel Martin Cabaret de Hanokh Lévin, Mathieu Jeunet Faust de Goethe, K Crespo Macbeth de W Shakespeare, Laurent Natrella Marie Tudor de Victor Hugo. Au cinéma, il participe aux courts métrages de Chloé Leplat Les inséparables et E Lemoine Juventa
A la télévision, on le voit dans Immersion 3X52 de Philippe Haim, Le soldat blanc de Eric Zonca, Alice Nevers « une ombre au tableau » de René Manzor, Simple de Yvan Calbérac, Engrenages de Gilles Bannier, Duval et Moretti de Denis Amar, Diane Femme flic de Nicolas Herdt,

Caroline Chaniolleau s’est formée à l’Ecole du Piccolo Teatro sous la direction de Giorgio Strehler et à l’école du Théâtre National de Strasbourg sous la direction de Jean-Pierre Vincent. Au théâtre, elle joue à plusieurs reprises sous la direction de Lukas Hemleb, Walter le Molli, Alain Françon, Hans-Peter Cloos, Jean-Pierre Vincent, André Engel, David Géry, Dominique Pitoiset, Joël Jouanneau, Sophie Loucachevski. Elle a rencontré Jacques Osinski sur Don Juan revient de guerre d’Odön Von Horvàth. Au cinéma, elle tourne sous la direction de Diane Kurys, Philippe Garrel, Bernard Stora, Gérard Jumel, René Allio, Dominique Crèvecoeur, Claude Lelouche, Pierre Granier-Deferre, Paolo Rocha, Pierre Jolivet, Rainer Kirkberg, Gilles Behat, René Feret, Hans-Peter Cloos, Ulrich Edel.

Grétel Delattre a suivi une formation au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris (ateliers dirigés par Jacques Lassalle, Daniel Mesguich et Piotr Fomenko).
Au théâtre, elle travaille sous la direction de Jean-Louis Martinelli Ithaque de B. Strauss, Anne Contensou Ouasmok de S. Levey, Volodia Serre Le suicidé de N. Erdman, Philippe Ulysse dans Vénus et Eros de Philippe Ulysse, C’est comme du feu de W.Faulkner, Et le Vivant et On est pas si tranquille de Fernando Pessoa, Julie Recoing dans Phèdre de Sénèque, Laurence Mayor dans Les Chemins de Damas d’August Strindberg, Bruno Bayen dans Plaidoyer en faveur des larmes d’Héraclite, Jean-Pierre Miquel dans En délicatesse de Christophe Pellet, Ivan Morane dans Cérémonie du transport des cendres d’Alexandre Dumas au Panthéon, Jacques Osinski dans Orage d’August Strindberg, Le chien, la nuit et le couteau de Marius Von Mayenburg, L’usine de Magnus Dahlström, L’Ombre de Mart de Stig Dagerman, Richard II de William Shakespeare et Dom Juan de Molière, Daniel Mesguich dans Andromaque et Esther de Racine, Stéphane Olivie-Bisson dans Sarcelles sur mer de Jean-Pierre Bisson, Brigitte Jacques-Wajeman dans L’Odyssée de Homère, William Mesguich dans La Légende des porteurs de souffle de Philippe Fenwick, Didier Kerckaert dans Vendredi, jour de liberté de Hugo Claus.

Noémie Develay Ressiguier
Formée au Théâtre National de Strasbourg dirigé par Stéphane Braunschweig – Ateliers de Jean-François Peyret, Yann-Joël Colin, Alain Françon. Au théâtre, elle joue sous la direction de Jean-Michel Rabeux La nuit des rois de Shakespeare, Rémy Barché Blanc tryptique de trois pièces courtes de Tennessee Williams, Thierry Roisin Ennemi Public de Henrik Ibsen, Michel Cerda Siwa, Thomas Condemine L’Échange de Paul Claudel, Marie Ballet Liliom de Ferenc Molnar, Alain Françon La Cerisaie de Tchekhov avec Jean-Paul Roussillon et Didier Sandre, Volodia Serre Le Suicidé de Nicolaï Erdman, Pierre Ascaride Les communistes Lecture dirigée par Wajdi Mouawad, Jean-Baptiste Sastre Un chapeau de paille d’Italie de Eugène Labiche, Barbara Nicolier et Gilles David Les Mondes de Edward Bond, une chorégraphie de Jean-Claude Gallotta 99 DUOS. Elle rencontre Jacques Osinski sur Don Juan revient de guerre d’Odön Von Horvàth. Au cinéma, elle est dirigée par Alice Winocour, Jean-Jacques Zilbermann, Carine Tardieu, Julien Pacaud (La Fémis). A la télévision, on la voit dans La cerisaie de Tchekhov Réal. Vincent Bataillon, Caution personnelle Réal. Serge Meynard, Julie Lescaut – « Le Voyeur » Réal. Alain Wermus, Une fille dans l’azur Réal. Marc Rivière, ACCRO – « Carnets d’Adolescents » Réal. Olivier Panchot, Les filles à papa Réal. Marc Rivièren, Navarro – « Ne Pleurez pas Jeannettes » Réal. Patrick Jamain, Les forges du désert Réal. Pierre Sportolaro & Safy Nebbou.

Jean-Claude Frissung
Il a rencontré Jacques Osinski sur Ivanov de Tchekhov, depuis ils en sont à leur quatrième collaboration après Dandin de Molière et dernièrement Orage d’August Strindberg. Au théâtre, il a travaillé entre autres avec Victor Garcia, Maurice Massuelles, Claude Yersin, Michel Dubois, Charles Joris, Gaston Jung, Jean Guichard, Jacques Alric, G. Vassal, Guy Lauzin, M. Kulhman, André Gilles, Olivier Périer, Jean-Pierre Sarrazac, Jean-Paul Wenzel, Martine Drai, Alain Mollot, Jacques Nichet, Guy Rétoré, Jean Marie Frin, Jean-Yves Lazennec, Didier Bezace, Alain Mergnat, Alain Barsacq, Jean-Luc Lagarce, Eric de Dadelsen, Michel Raskine, Christian Schiaretti, Daniel Benoin, Jacques Lassalle, Joël Pommerat, François Berreur, Yves Beaunesne, Robert Bouvier, Zabou Breitman. Au cinéma, il a tourné avec Jacques Rivette, Bertrand Tavernier, Benoit Jacquot, Claude Miller, Sylvain Monod, Tonie Marshall, Jeanne Labrune, Zabou Breitman, Nicole Garcia, Robert Guedéguian, Pierre Jolivet, Roschdy Zem, Jean-Marc Moutout, Jean-Pierre Sinapi, Jeannot Szwarc, Diane Bertrand, Michael Lyndsey Hogg, Patrick Lambert, Marc Bodin Joyeux, Christian Drillaud, Bertrand Van Effenterre, Miroslaw Sebestik, Jean-Pierre Limosin, Gianfranco Mingozzi, Rémi Besançon, Claude Gaignière, Dominique Dehan. A la télévision, on le voit dans la série des Maigret réalisés par Olivier Schatzky, Claude Goretta, Michel Sibra, Denys de la Patelière, Juraj Herz, Joyce Bunuel. Il tourne également sous Jacques Renard, Phlilippe Lefebvre, Alain Boudet, Jeanne Labrune, André Michel, Claude Champion, Emmanuel Fonlladosa, Daniel Losset, Jean Claude Charnay, Claude Barrois, Jacques Audouard, Jean-Claude Charnay, Christian Faure, Bertrand Van Efenterre, Bernard Stora, Bruno Gantillon, David Delrieux, Miguel Courtois, Aline Issermann, David Delrieux, Fabrice Cazeneuve, Christophe Loizillon, Jérome Foulon, Jean-Pierre Sinapi, Denis Amar, Stéphane Kurc, Jean Claude Sussfeld, Pascal Chaumeil, Christophe Douchand, Denis Malleval, Virginie Sauveur, Jacques Maillot et enfin Joël Calmettes pour un docu fiction.

Delphine Hecquet
Formée au Conservatoire National de Région de Bordeaux en art dramatique et danse contemporaine, puis au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Professeurs Dominique Valadié et Alain Françon, joue dans l’atelier dirigé par Olivier Py autour de ses textes. Classe de cinéma avec Jacques Doillon. Formation de chant avec Alain Zaepffel. Dans le cadre de sa formation au CNSAD, elle met en scène, avec Dominique Valadié, Variations autour du Rayon vert d’Eric Rohmer. Elle travaille sous la direction Joris Lacoste dans Suite n°1 ABC au Kunstenfestivaldesarts à Bruxelles et festival d’automne à Paris (2013), Dominique Valadié dans Hedda Gabler de Henrik Ibsen, Léonie est en avance de Feydeau, La Mouette d’Anton Tchekhov, Juste la fin du monde de Jean-Luc Largarce, Alain Françon Chaise et Rouge, noir et ignorant d’Edward Bond, Caroline Marcadé Chicago Fantasy une comédie musicale, Retour à Bilbao de May Bouhada, Fanny Santer Ce formidable bordel d’Eugène Ionesco, Mario Gonzalez Le songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, Julie Duclos Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes. Elle rencontre Jacques Osinski lors de la création d’Ivanov d’Anton Tchekhov pour le rôle de Sacha, Angélique dans George Dandin de Molière, elle le retrouve ici pour la quatrième fois. Elle interprète Edit Piaf dans Hymne à l’amour, ballet musical mise en scène de Misook Seo (Centre d’Art National Corée du Sud). Au cinéma, elle tourne avec Bruno Ballouard dans Lili-Rose, Eugène Green dans Correspondances (prix du Jury Festival de Locarno 2007) – Philippe Garrel dans Un été brûlant – Grégoire Pontécaille dans La rencontre (court-métrage, Fémis) – Laurent Bourdoiseau dans Sur son épaule (court-métrage) – Gaël De Fournas dans La bataille de Jéricho (court-métrage). Pour la télévision, elle a tourné dans Les Combattants de l’ombre de Bernard Georges (Arte).

Marie Potonet
Après des études de lettres, Marie Potonet devient assistante à la mise en scène auprès de Michel Cerda (La douce Léna de Gertrude Stein, Ma Solange, comment t’écrire mon désastre de Noëlle Renaude) et Louis-do de Lencquesaing (Anéantis de Sarah Kane). Assistante puis collaboratrice artistique de Jacques Osinski depuis 2002, elle participe à la création de L’Ombre de Mart de Stig Dagerman, Dom Juan de Molière, Le Songe de Strindberg, L’Usine de Magnus Dahström, Le Conte d’hiver de William Shakespeare. Elle signe l’adaptation de Richard II de Shakespeare, mis en scène par Jacques Osinski, ainsi que celle du Songe de Strindberg et la traduction du Conte d’hiver de William Shakespeare. Elle anime de nombreux ateliers tant dans les lycées qu’auprès d’un public amateur. Créé dans ce cadre en juin 2006 au Forum culturel de Blanc Mesnil, le spectacle Dom Juan, portraits éclatés qu’elle a mis en scène y est repris en 2007. Travailler plus ? y est joué en juin 2007. En 2009, elle collabore avec les Musiciens du Louvre-Grenoble et le Théâtre du Châtelet pour mettre en scène et signer l’adaptation d’un spectacle musical autour de l’opéra de Richard Wagner Les Fées. Le Voyage en Féerie est joué en avril dans le Grand Foyer du Théâtre du Châtelet à Paris et à Grenoble-Auditorium Olivier Messiaen – puis en tournée en Isère. En 2010, elle adapte et met en scène pour le Centre dramatique national des Alpes, La Petite Sirène, d’après Hans Christian Andersen à la MC2: Grenoble, au Nouveau Théâtre de Montreuil et en tournée. Elle est membre du collectif artistique et dirige le comité de lecture du CDNA depuis 2008. Dans le cadre des Mardis midis du théâtre du Rond-Point et d’Entrée Libre à Grenoble, elle a mis en lecture Le long de la principale de Steve Laplante, Testez-vous d’Ariane Zarmanti et Après cette journée de bonheur de Gerhild Steinbuch.

Christophe Ouvrard
Il se forme à la scénographie et aux costumes à l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux puis à l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg. Après avoir été l’assistant de l’architecte et designer Martine Bedin, il fait ses débuts au théâtre avec le metteur en scène Laurent Gutmann sur Légendes de la forêt viennoise d’Horvàth (2000). Au Théâtre National de Strasbourg, en 2001, il crée les décors et costumes du Jubilé, Plaisanterie en un acte de Tchékhov avec Stéphane Braunschweig, ceux de l’Orestie d’Eschyle avec Yannis Kokkos, puis le décor de Dom Juan pour Lukas Hemleb. Depuis, il crée de nombreux décors et costumes pour le théâtre avec des metteurs en scène comme Jean Boillot (au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis), Anne-Laure Liegeois (au CDN de Montluçon), Astrid Bas (au Théâtre National de l’Odéon), Marie Potonet et Jean-Claude Gallotta (à la MC2: Grenoble)… Depuis 2001, il est également le collaborateur régulier des metteurs en scène Guy-Pierre Couleau (La Forêt d’Ostrovski, La Chaise de paille de Sue Glover, George Dandin de Molière, Les diablogues de Dubillard, Marilyn en chantée de Sue Glover…) Jean René Lemoine (La Cerisaie de Tchékhov, Face à la mère de Lemoine…) et Jacques Osinski (Richard II de Shakespeare, Dom Juan de Molière, Le Songe de Strindberg, L’usine de Dahlström, L’éveil du printemps de Wedekind, Woyzeck de Büchner, Un fils de notre temps de Horvàth, Dehors devant la porte de Borchert, Le Grenier de Sakaté, Le triomphe de l’amour de Marivaux…)
A l’Opéra, il retrouve Guy-Pierre Couleau sur Vespetta et Pimpinone d’Albinoni (2006) et entame une collaboration avec Bérénice Collet pour laquelle il crée les décors et costumes du Petit Ramoneur de Britten au Théâtre des Champs-Elysées (2004), ceux du Verfügbar aux Enfers de G. Tillion au Théâtre du Châtelet à Paris (2007) et de Rigoletto de Verdi au Théâtre d’Herblay (2011). Toujours à l’Opéra, il crée pour Jacques Osinski, les décors et costumes de Didon et Enée de Purcell pour le Festival d’Aix-en-Provence (2006), ceux du Carnaval et la Folie de Destouches pour l’Opéra Comique à Paris (2007), et ceux de Iolanta de Tchaïkovski pour le théâtre du Capitole de Toulouse (2010). En 2011, il rejoint le metteur en scène Denis Morin pour lequel il crée le décor de l’Opéra Lumières à l’Opéra de Paris, Palais Garnier.


Hélène Kritikos

Petite fille et fille de tailleurs pour hommes installés à Tunis, Hélène Kritikos – artiste d’origine grecque – a été formée à ESMOD, école de stylisme parisienne. Elle participe aux présentations de collections d’Azzedine Alaïa et Thierry Mugler. Après un passage à l’atelier de costumes du Théâtre du Soleil, sa carrière la mène dans les années 80 au domaine de la publicité où elle croise des photographes tels que Jean-Loup Sieff, Jean-Louis Beaudequin ou des réalisateurs tels que Bill Evans, Billy August… Elle revient ensuite au spectacle vivant, conçoit et crée des costumes pour la danse ou le théâtre (Jacques Osinski, Pascale Henry, Karol Armitage, Jean-Jacques Vanier, Anne-Laure Liegeois, Marie Potonet, François Veyrunes, Philippe Macaigne…). Sa démarche actuelle tend à intégrer l’aspect scénographique à son travail sur le costume proprement dit, dans une approche globale du visuel scénique.

Catherine Verheyde
Après une licence d’histoire, Catherine Verheyde intègre l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre, section lumière. Elle se forme auprès de Gérald Karlikow ainsi que de Jennifer Tipton et Richard Nelson. Elle travaille ensuite avec Philippe Labonne, Jean-Christian Grinevald… Elle rencontre Jacques Osinski en 1994. Leur première collaboration sera La Faim de Knut Hamsun. Ils travailleront ensuite sur Sladek, soldat de l’armée noire, Léonce et Léna, L’Ombre de Mart, Richard II, Dom Juan, Le Songe, L’Usine, Le Conte d’hiver, Le Grenier de Yoji Sakaté, Le Triomphe de l’amour de Marivaux et dernièrement Le Moche et Le Chien, la nuit et le couteau de Marius von Mayenburg.Parallèlement, Catherine Verheyde a travaillé avec les metteurs en scène Philippe Ulysse, Marc Paquien, Benoît Bradel, Geneviève Rosset, Antoine Le Bos…, et les chorégraphes Laura Scozzi, Dominique Dupuy, Clara Gibson-Maxwell, Philippe Ducou. Elle éclaire des concerts de musique contemporaine notamment à l’IRCAM (concerts Cursus, récital Claude Delangle) et aux Bouffes du Nord (concerts des solistes de l’EIC) et récemment, en Tchéquie, des pièces de Benjamin Yusupov avec Petr Rudzica et Juan José Mosalini. Elle éclaire également plusieurs expositions (Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Musée du Luxembourg, Musée d’Art Moderne de Prato…) et travaille régulièrement à l’étranger (Ethiopie, Turquie, Arménie, Italie, Etats-Unis, Allemagne…). A l’opéra, elle éclaire Le mariage sous la mer de Maurice Ohana mis en scène par Antoine Campo, Didon et Enée de Purcell mis en scène par Jacques Osinski sous la direction musicale de Kenneth Weiss au Festival d’Aix-en-Provence, Le Carnaval et la Folie d’André-Cardinal Destouches mis en scène par Jacques Osinski sous la direction musicale d’Hervé Niquet, créé au Festival d’Ambronay puis repris à l’Opéra-Comique et Iolanta mis en scène par Jacques Osinski sous la direction musicale de Tugan Sokhiev au Théâtre du Capitole de Toulouse. Elle intègre le collectif artistique du Centre dramatique national des Alpes en 2008.

Dayan Korolic
Compositeur, bassiste, contrebassiste, il a composé et/ou arrangé et joué sur scène les musiques des spectacles :
De Sylvain Maurice (Berlin fin du monde, Plume, Don Juan revient de guerre, Un Mot pour un autre, Le Marchand de sable, Les Sorcières, Peer Gynt, La Pluie d’Eté), Victor Gauthier-Martin (Ailleurs tout près, Le Rêve d’un homme ridicule, La Vie de Timon, Gênes 01, Docteur Faustus, Round’Up), Damien Caille-Perret (Ravel, On a Perdu les Gentils), Jacques Osinski (Le Grenier. Le Chien, la Nuit et le Couteau), de la chorégraphe Caroline Marcadé (Portraits de Femmes) et de Emmanuel Daumas (comédie musicale « Anna » de Gainsbourg)
Compositeur de fictions pour France-Culture et France Inter. A composé les musiques de plusieurs courts-métrages. Il joue dans différents groupes et intervient sur les albums ou concerts de différents artistes :
Rob, Darkel, Rockin’ Squat, Moonsonic et fait partie du Drifting Orchestra (avec Daniele Segre Amar, Rishab Prasanna, François Merville, Joseph Escribe, Nicola Tescari, Mathias Duplessy)

 

© Pierre Grosbois

Trafic

visuel accueil Trafic

Après des répétions au Studio-Théâtre en février et mars, Marie-Christine Soma et Daniel Jeanneteau ont créé en avril à la Maison de la Culture d’Amiens TRAFIC, premier texte du jeune auteur Yoann Thommerel. Le spectacle, présenté du 8 mai au 6 juin à la Colline – théâtre national à Paris, sera repris en janvier 2015 au Théâtre National de Toulouse.


création à la Maison de la Culture d’Amiens du 15 au 18 avril 2014

représentations à la Colline-théâtre national du 8 mai au 6 juin

reprise du 21 au 24 janvier 2015 au Théâtre National de Toulouse

REVUE DE PRESSE

TRAFIC

de Yoann Thommerel
éditions Les petits matins, 2013

mise en scène, scénographie et lumières Marie-Christine Soma & Daniel Jeanneteau
vidéo / animation Etienne Boguet et Julien Amigues
son Daniel Freitag
costumes Olga Karpinsky
Régie générale et vidéo Jean-Marc Hennaut
Assistant lumières Raphaël de Rosa
Régie son Jordan Allard
Stagiaire Lumières Félix Bataillou

avec Jean-Charles Clichet, Edith Proust, Pascal Rénéric, François Tizon et avec la participation de Lénaig Le Touze

production Maison de la Culture d’Amiens, Studio-Théâtre de Vitry
coproduction La Colline – théâtre national 
avec l’aide à la création du DICRÉAM, ministère de la culture et de la communication
ce projet a été soutenu par le réseau APAP-Performing Europe financé par la Commission Européenne-programme Culture
avec la participation artistique du Jeune Théâtre National


La pièce Midch et Fanch, Laurel et Hardy des années web 2.0, Vladimir et Estragon du 21ème siècle, héros de la débrouille à la Mark Twain, à la Kerouac, de toutes les époques finalement, voyageurs immobiles, en attente, dans un monde qui n’est que vitesse, transmission, circulation, échange de marchandises, d’informations, de savoirs, d’anecdotes sans importance… Ils nous touchent, nous les connaissons, nous les avons connus, héritiers des utopies passées, le grand départ, larguer les amarres, partir à l’aventure… Mais aujourd’hui paradoxalement quelque chose s’est inversé : de partout le monde vient à nous, nous savons tout à chaque seconde de ce qui se passe à l’autre bout de la planète, et en même temps le monde s’est rétréci, dans de nombreux points du globe il n’est plus possible de circuler librement… Et d’ailleurs ce lointain est-il si désirable ? Sinon pour échapper à la tristesse et à la pesanteur de ce que nous vivons ici… A leur manière Midch et Fanch tentent d’échapper à leur existence peu reluisante, de garder une part de rêve et donc de désir – c’est le plus difficile, non ? – Et changer de vie reste une entreprise toujours aussi compliquée dans notre époque surchargée du poids des responsabilités individuelles, des plaintes et des craintes qui se font écho à l’infini, – suis-je assez performant, au travail, avec mes enfants, avec mes amis, physiquement, moralement, sexuellement ? – mais également époque où ce n’est plus guère par plaisir, principe, idéologie ou philosophie, que l’on choisit de « faire la route » sans argent, sans sécurité… Et quand bien même, en aurions-nous l’énergie ? Dans ce marasme, Midch et Fanch, sortes de disciples involontaires de Diogène, essaient de se mouvoir, de penser, de garder l’espoir d’un chemin de traverse possible, de trouver l’énergie d’exister par eux-mêmes, d’être adultes… coincés entre leurs aînés de Mai 68, et les adolescents, tels la fille de Fanch, sans cesse en révolte sans bien savoir contre quoi ou qui… Yoann Thommerel avec beaucoup d’humour, et une grande tendresse pour ses semi-loosers non flamboyants, fragiles et inquiets, immatures pour toujours, nous met face au grand vide de la seule proposition qui nous a été assénée depuis 30 ans : fin de l’Histoire, fin de la politique. Plus de passé, pas d’avenir… Il le fait joyeusement, son écriture tente d’élaborer un théâtre hybride, qui ne se laisse jamais enfermer dans un effet de mode, ou des codes, toujours en train de déraper, de s’inventer, d’ouvrir des « dossiers » et « sous-dossiers » comme autant de portes qui donnent accès à de l’imaginaire, à du multiple, à de la contradiction. Que peut-on rêver de mieux au théâtre aujourd’hui que de proliférer dans tous les sens, avec vitalité ? C’est l’urgence.

Marie-Christine Soma – Février 2013

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« Une pièce de théâtre un peu queer… »

Mes personnages sont deux trentenaires un peu désœuvrés : Midch et Fanch (on les confond souvent, ce qui n’a qu’assez peu d’importance au fond). Ils traversent les saisons à l’arrière d’un camion toujours stationné devant le même garage. Un jour, il sera aménagé et Fanch vivra dedans, il étouffe ici. Une seule solution : PARTIR. Mais les entraves sont nombreuses et changer de vie s’avère plus compliqué que prévu. Alors, en attendant le nouveau départ, le vrai, les personnages – et le récit avec eux – s’autorisent quelques sorties de route, C’EST TOUJOURS ÇA DE PRIS. J’ai voulu avec ce texte explorer une forme littéraire imbriquant les genres, le théâtre et le roman principalement. Au découpage en scène, aux dialogues et aux didascalies propres à l’écriture dramatique s’ajoute une voix narrative sortie de nulle part. Cette dernière n’a a priori rien à faire dans une pièce de théâtre, elle appartient au roman. Trafic est une pièce de théâtre contaminée par du roman (à moins que ce ne soit l’inverse), par la poésie aussi.

Une pièce de théâtre un peu queer en somme.

Résolument engagé dans la voie de l’hybridation, d’un refus obstiné de se laisser enfermer dans les codes et contraintes des genres explorés, mon texte dérape sans cesse et invente une forme qui épouse l’instabilité des personnages, une instabilité à mon sens pleine de vitalité. Composant tant bien que mal avec leur libre arbitre et leurs contradictions, entre inquiétude paralysante et rêves d’action, Midch et Fanch mènent une vie aux relents post-punks et à la sexualité désinhibée, sans parvenir pour autant à se dédouaner complètement de leurs obligations sociales. Que Trafic soit aujourd’hui mis en scène m’excite beaucoup. Au cinéma, pour faire crisser et faire fumer les pneus d’un camion dans une scène de cascade, on les enduit de silicone. J’imagine qu’on peut faire à peu près la même chose sur un plateau. J’imagine aussi que ce n’est pas une mince affaire. Ce qu’il y a de bien dorénavant, c’est que ce n’est plus uniquement mon problème.

Yoann Thommerel – Mars 2013


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Un espace hybride

Le texte de Yoann Thommerel, strié de signes et de symboles, perturbé par l’ouverture intempestive de « dossiers » sur les protagonistes, leurs goûts, leurs drames cachés, nous a immédiatement conduit vers un questionnement nouveau concernant l’espace scénographique et les modalités de la représentation. Nos deux héros sont seuls, bien seuls, se raccrochant l’un à l’autre pour rester vifs, mais ils baignent dans un flux continu de savoirs, d’informations, de références, d’avatars – une mémoire gigantesque, immédiatement disponible, instantanée, sans échelle de valeurs… Sans oubli possible. Exister, au milieu de tout cela, devient une sorte de défi. Il s’agit donc d’inventer un espace hybride dans lequel les acteurs ne seront pas seuls à agir. Une partition d’images vivantes conçues par Etienne Boguet accompagnera le jeu et ouvrira simultanément les espaces du graphisme et de l’écrit, fusionnant la présence réelle des comédiens avec un monde d’animations, de textes typographiés, de vidéos ou d’icônes, d’équivalences visibles, en temps réel, de leur imaginaire agité… restituant la qualité visuelle de l’écriture de Yoann Thommerel aussi bien que l’ubiquité de sa pensée. On pourrait résumer la scénographie ainsi : une camionnette Trafic immobile et en voie d’aménagement, littéralement encastrée dans un écran LED géant qui occupera toute la largeur du plateau : un refuge intime, presque désuet, au cœur d’une matière mouvante, moderne, triviale. Nous faisons volontairement le choix d’un écran de type « stade », fait pour être vu de très loin, à la trame très large (l’écran devrait faire une dizaine de mètres de large sur une hauteur de quatre, avec un pitch de 25mm). Le recours à cette technologie de diffusion devrait littéralement pixelliser les corps des acteurs, et les intégrer dans des images animées intervenant directement dans le jeu, prenant, par moment, le premier plan de la représentation. Ce dispositif permettant d’ouvrir « concrètement » un espace supplémentaire sur le plateau, absorbant les corps réels et leur sensualité, leur organicité, dans le flux virtuel des images, jouant des formes et des mouvements très librement…

M-C. S. & D. J.


Yoann Thommerel. Né en 1979. Au lieu de se coucher tôt pour être le lendemain très performant dans son travail, sort, lit des livres et s’intéresse aux revues qui demeurent à ses yeux le foyer possible de réflexions et d’expérimentations partagées. Un temps membre du comité de rédaction de Fusées, il fonde en 2009 la revue Grumeaux (éd. NOUS), puis en 2011 une maison d’édition transgenre : grmx éditions (dernier titre paru : Retour à l’envoyeur, anthologie du poète et performer autrichien Ernst Jandl). Depuis quelques mois, se couche de plus en plus tard, pour écrire des pièces de théâtre hybrides. Il donne régulièrement des lectures publiques de son travail. TRAFIC (éd. Les Petits matins, 2013) est le premier volet d’une trilogie en cours d’écriture.

Marie-Christine Soma. Après avoir étudié la philosophie et les lettres classiques, puis été régisseur lumière au Théâtre National de Marseille – La Criée, où elle assiste Henri Alekan sur Question de géographie de John Berger, elle se consacre à partir de 1985 à la création lumière. En 1989, elle assiste Dominique Bruguière pour la création de Le Temps et la Chambre de Botho Strauss par Patrice Chéreau. Elle crée des lumières pour Marie Vayssière, François Rancillac, Alain Milianti, Jean-Paul Delore, Michel Cerda, Eric Vigner, Arthur Nauzyciel, Catherine Diverrès, Marie-Louise Bischoffberger, Jean-Claude Gallotta, Jacques Vincey, Frédéric Fisbach, Niels Arestrup, Eléonore Weber, Alain Ollivier, Laurent Gutmann, Daniel Larrieu, Jérôme Deschamps… En 2001 débute la collaboration artistique avec Daniel Jeanneteau : Iphigénie de Racine, La Sonate des spectres de Strindberg, Anéantis de Sarah Kane, Adam et Êve de Boulgakov. En 2008, elle signe avec Daniel Jeanneteau la mise en scène des Assassins de la Charbonnière d’après Labiche avec le Groupe 37 de l’École du TNS, puis de Feux, trois pièces courtes d’August Stramm, créé au festival d’Avignon, et en 2009 de Ciseaux, papier, caillou de Daniel Keene au Théâtre national de la Colline.  En 2010 elle adapte et met en scène Les Vagues de Virginia Woolf au Studio-Théâtre de Vitry, spectacle repris en 2011 au Théâtre National de la Colline où elle est artiste associée. En 2013 elle crée les lumières de la pièce d’Ibsen Les Revenants mise en scène par Thomas Ostermeier au Théâtre Vidy-Lausanne. De 2008 à 2012, elle dirige le Comité de lecture du Studio-Théâtre de Vitry.

Etienne Boguet. Né en 1981, diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs en qualité de créateur-concepteur en cinéma d’animation, post-diplômé en effets spéciaux numériques (All, Ensad). Il a conçu et réalisé les films Un message impérial (2007, 4 min, vidéo, 3D) ; sélections : Festival d’Annecy, les e.magiciens, One-reeler, Anifest (rép. tchèque) ; et Utoptique (2006, 5 min, dessin, volume animé, 3D) ; sélections : Anima (bruxelles), Animatou (genève), Anifest (rép. tchèque). Il travaille pour le cinéma (documentaire et fiction) et la télévision, pour lesquels il réalise animations et effets spéciaux. En 2013, il collabore également avec le metteur en scène de théâtre Jacques Vincey pour la vidéo du spectacle L’ombre d’après Andersen.

Daniel Freitag. Né en 1986 à Steinheim (Westphalie). Il a étudié la musicologie et les médias à Marburg et à Berlin, et réalisé plusieurs albums en tant qu’auteur-compositeur, producteur et musicien. Depuis 2008, il travaille comme musicien, compositeur et directeur musical dans divers théâtres. Tout d’abord au Théâtre du Land de Marburg, et depuis 2010 à la Schaubühne et au théâtre Maxim Gorki à Berlin, au Théâtre du Grütli à Genève et au Théâtre des Nations à Moscou. Il collabore régulièrement avec les metteurs en scènes Thomas Ostermeier, Ivo van Hove et Juliane Kann. Il a créé en outre la musique pour des ateliers de théâtre à la Biennale de Venise et pour le Festival international Neue Dramatik (F.I.N.D.) à la Schaubühne à Berlin. Réalisations récentes : Le Misanthrope de Molière (mise en scène Ivo van Hove, 2010) ; Un ennemi du peuple de Henrik Ibsen (mise en scène Thomas Ostermeier, 2012).

Olga Karpinsky crée des costumes pour le théâtre, l’opéra et le cinéma pour Frédéric Fisbach, Christophe Perton, avec lesquels elle collabore pendant de nombreuses années, mais également pour Georges Aperghis, Richard Dubelski, Sylvain Prunenec, Guillaume Delaveau, Blandine Savetier, Thierry Roisin, Jacques Vincey… Pour Daniel Jeanneteau & Marie-Christine Soma, elle crée les costumes d’Adam & Eve de Boulgakov, Into The Little Hill de Georges Benjamin, Feux d’August Stramm, Ciseaux, papier, caillou de Daniel Keene, et Bulbus d’Anja Hilling.

Jean-Charles Clichet. Après des études au cours Florent, il rentre à l’école du TNS en 2005, où il joue dans des spectacles de Michel Cerda, Rémi Barché, Benoît Lambert, Caroline Guiéla, Richard Brunel, Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma. Après l’école il joue dans des spectacles de Giorgio Barberio Corsetti (Gertrude – Le cri), Christophe Honoré (Angelo Tyran de Padoue et Nouveau Roman), Jean-Baptiste Sastre (Richard II), Vincent Macaigne (Au moins j’aurai lassé un beau cadavre). Avec Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma il a joué dans L’affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche et Les Vagues d’après Virginia Woolf. Au cinéma il a joué avec Christophe Honoré (Les Bien-aimés), Nicolas Mercier (Le grand départ), Jérôme Bonnell (Le temps de l’aventure), Marc Fitoussi (Folies Bergères).

Pascal Rénéric. Après des études au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris (1998-2001), il joue dans des spectacles de Cyril Teste (Electronic City, Reset), Vincent Macaigne (Friche 22.66, Idiot !, Au moins j’aurai laissé un beau cadavre), Georges Lavaudant (Hamlet [songe], Baudelaire, La Tempête), Véronique Bellegarde (Zoltan), Mikaël Serre (La mouette)… Au cinéma il a joué avec Sarah Léonor (Au voleur), Frédéric Forrestier (Les parrains), Yvan Attal (Ma femme est une actrice), Jérôme Lévy (Bon plan). Il a réalisé des courts-métrages (Madame 2001, Fausse Noce, Le crocodile blanc, Invisible, Born to die) et écrit Homo Haereticus pour le Footsbarn Travelling Theatre en 2006.

© Elisabeth Carecchio

Burlador – Syndrome U

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Nous avions accueilli Julien Guyomard en 2013 pour les répétitions de son spectacle Naissance. Nous le retrouvons au Studio-Théâtre fin novembre pour la présentation d’une étape de travail de son nouveau projet BURLADOR, solo pour un acteur autour de la figure de Don Juan avec Eric Jovencel. Parallèlement, il poursuivra le travail d’écriture de son prochain projet SYNDROME U. Une lecture en sera proposée le vendredi 28 novembre.

jeudi 27 novembre : 15h BURLADOR
vendredi 28 novembre : 18h SYNDROME U (lecture) / 20h BURLADOR

ENTRÉE LIBRE – réservation indispensable au 01 46 81 75 50


BURLADOR

de Julien Guyomard et Eric Jovencel
création lumière Alexandre Dujardin
production – diffusion Delphine Prouteau

avec Eric Jovencel

production Scena Nostra

 

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© Quentin Houdas

« T’es un Burlador. »
C’est ce que sa grande sœur lui dit. En passant, comme ça, l’air de rien, dans un moment de tension comme il en existe tant dans une fratrie.

Burlador, au départ, ce mot vient du titre de la toute première version de Don Juan, la plus triviale, peut-être: “El Burlador de Sevilla” de Tirso De Molina. On pourrait traduire ce mot espagnol par trompeur ou abuseur.

« Quoi Burlador ? Moi, je suis un Burlador ? »
Ce jeune homme décide alors de mener ce questionnement en reprenant l’histoire tel qu’il s’en souvient. Puis, par glissement, il va se dévoiler, lui et son passé, jonchés d’anecdotes truculentes et d’interrogations adolescentes.

Et peu à peu, vont émerger les liens troubles qui le lient à cette histoire.

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Nous ne savions pas vraiment de quoi nous voulions parler, ni comment. Notre seule envie était de partir de la matière brute d’une vie. Nous avons entamé le travail de recherche en improvisant à partir d’éléments de la vie d’Eric. Puis nous nous sommes axés sur le secret de famille et son héritage. Mais nous ne voulions pas d’un procès public ou d’une mise à nue de la vie du comédien.
Burlador est une fiction biographique qui se construit par chantiers successifs. Chaque étape permet au travail de réécriture de dégager l’excès, la maladresse. Mais nous souhaitons garder un flou, un indicible, un glissement permanent d’une vie à l’autre.

Julien Guyomard

Ceci est un spectacle mais pas le spectacle.
Notre volonté tout au long du processus de travail, au fil des mois et des présentations a été de trouver la forme que l’on trouve la plus juste. Dans ce cas, la justesse est une visée de longue haleine.
Il a fallu et il faut encore travailler à quatre mains. L’écriture en mouvement comme nous la nommons constitue une force mais recèle aussi le piège de l’égarement. Nous en avons pris le temps.
Car le thème déployé en secret est délicat et à la limite du représentable. Nous avons fait le choix d’essayer de dire juste ce qu’il faut. Raconter cette métaphore monstrueuse en cherchant une qualité de présent indispensable à l’amusement.

Eric Jovencel

Sur scène l’espace se construit par la lumière et suit les glissements et les variations de notre narrateur. On passe d’un souvenir d’enfance au récit de Don Juan grâce à la lumière, et la salle peut aussi se rallumer complètement lorsque le narrateur interpelle le public avec ses obsessions. Ce sont des ombres portées qui amènent les présences, la lumière est là pour révéler chaque lieu qui occupe ce récit.
Nous avons eu la chance d’être accompagné quasiment dès le départ dans notre travail au plateau par un éclairagiste, Alexandre Dujardin, qui travaillait lui aussi sur la création de ma dernière pièce Naissance. Sa présence sur le projet est aujourd’hui indispensable.
Nous tenons à ce que cette forme nous autorise une grande souplesse technique que nous mettons à profit pour glisser d’un code de jeu à l’autre mais aussi pour nous adapter à tout type de lieu.


SYNDROME U

texte et mise en scène Julien Guyomard
création lumière Alexandre Dujardin
administration et production Gabriel Buguet
administration Catherine Forêt
diffusion Delphine Prouteau

avec Gwendal Anglade, Éric Jovencel, Damien Houssier, David Seigneur, Élodie Vom Hofe

Syndrome U est une production de la compagnie Scena Nostra en cours de création

U
Dans un futur proche, il semble que le système démocratique soit arrivé à un degré d’équilibre jamais connu jusqu’alors. Cet équilibre est garanti par  » La Masse « , un algorithme qui s’appuie sur les opinions du peuple pour aider les dirigeants dans leurs décisions. À priori, un outil favorisant la démocratie…
Ce système a aussi engendré une déresponsabilisation de la population. Tout lien social, toute empathie ont disparu. Chacun vit à côté de l’autre, sans se rencontrer réellement. Avec le temps, tout esprit d’initiative est devenu anormal, amoral même. On considère comme malades ceux qui appellent au changement. Cette pathologie est appelée le Syndrome U. Le « U » d’Utopie.
Mais le Syndrome U est-il un mal contagieux ? Nul ne le sait. D’ailleurs, personne ne sait grand-chose en dehors de son domaine de spécialisation. C’est la raison pour laquelle cette communauté craint le changement. Pour l’habitant, il faut garder un équilibre à tout prix. Il faut se prémunir de ceux qui pourraient amener le déséquilibre et le chaos.
C’est dans ce climat de paranoïa collective que s’ouvre la pièce : au milieu de la nuit un agent appartenant au pôle Santé, Recherche et Innovation surprend deux autres agents dans le réfectoire plongés dans le noir. Chacun semble avoir une raison de se trouver ici et pourtant aucune ne correspond à une norme acceptable, l’un d’eux est-il porteur ? Pourquoi la porte s’est-elle fermée derrière le Doc ? Sont-ils en confinement ? Pour seule réponse, ce message lancinant généré par la Masse : « Vous êtes en zone d’opération de résolution du paradoxe. Merci de votre participation. Agissez normalement ».


Scena Nostra
La compagnie Scena Nostra s’engage sur les créations de Julien Guyomard, auteur et metteur en scène. Ouverte à ceux qui veulent amener leur texte à la scène, la compagnie accueille régulièrement d’autres créateurs comme Julie Cordier, artiste associé à la compagnie.
Nous cherchons avant tout l’écriture « en mouvement », c’est à dire une écriture théâtrale qui ne soit pas figée dans un schéma de création classique. Nous expérimentons ainsi différentes formes de résidence et de travail en équipe (comme par exemple écrire dans l’urgence ou créer pour et sur un territoire, etc.). Nous aimons l’idée de désenclaver l’acte d’écriture, que l’outil textuel soit à l’origine du débat, du partage lors de chaque étape de création.

Fondée par Julien Guyomard et Elodie Vom Hofe, la compagnie Scena Nostra est Implantée à Gennevilliers (92) depuis 2009 et subventionnée par le Conseil Général des Hauts de Seine depuis 2010.

LES AVEUGLES

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LES AVEUGLES de Maurice Maeterlinck, mis en scène par Daniel Jeanneteau en collaboration avec Jean-Louis Coulloc’h, poursuivront leur aventure au Théâtre des Quartiers d’Ivry en mars 2015. Ce projet, né de l’expérience des ateliers libres du Studio-Théâtre, réunit une équipe de comédiens amateurs et professionnels. Dans un paysage sonore conçu par Alain Mahé en collaboration avec l’Ircam, douze aveugles attendent le retour d’un prêtre qui les a menés jusque là. Mais ce prêtre est mort parmi eux. Il est absent d’être mort. Les aveugles sont perdus, ils ne le savent pas encore…


Création au Studio-Théâtre de Vitry du 23 janvier au 3 février 2014
au Centquatre à Paris du 8 au 16 février 2014
à la Scène Watteau à Nogent-sur-Seine les 14 et 15 mars 2014
au Théâtre Jean-Vilar à Vitry-sur-Seine les 11 et 12 avril 2014
au Théâtre de l’Archipel à Perpignan les 15 et 16 novembre 2014
au Théâtre des Quartiers d’Ivry du 26 mars au 5 avril 2015

Les Aveugles

de Maurice Maeterlinck

mise en scène et scénographie Daniel Jeanneteau
collaboration artistique Jean-Louis Coulloc’h
création musicale et sonore Alain Mahé (in memoriam Gérard Grisey)
koto basse Mieko Miyazaki / koto Alain Mahé
régie son Géraldine Foucault
stagiaire son Quentin Auvray
lumière Anne Vaglio
régisseur lumière Grégory Vanheulle
ingénierie sonore et informatique musicale Ircam Sylvain Cadars
assistant Jérémy Tourneur
régie générale Pierre-Damien Crosson
attachée de presse Claire Amchin

avec
Ina Anastazya, Solène Arbel, Stéphanie Béghain, Pierrick Blondelet, Jean-Louis Coulloc’h, Geneviève de Buzelet, Estelle Gapp, Charles Poitevin, Gaëtan Sataghen, Benoît Résillot, Azzedine Salhi, Anne-Marie Simons

REVUE DE PRESSE
ENTRETIEN AVEC CLÉMENT ROSSET (ART PRESS)
DOSSIER DIFFUSION

production Studio-Théâtre de Vitry, coproduction Ircam-Centre Pompidou, avec l’aide à la production d’Arcadi Île-de-France


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Une banalité trouée d’abîmes

« Que cette épouvantable aventure des humains qui arrivent, rient, bougent, puis soudain ne bougent plus, que cette catastrophe qui les attend ne nous rende pas tendres et pitoyables les uns pour les autres, cela est incroyable. »

Albert Cohen, Ô vous, frères humains, Paris, Gallimard, 1972.

Douze aveugles en pleine nature attendent le retour d’un prêtre qui les a guidé jusque là. Mais ce prêtre est mort parmi eux. Il est absent d’être mort. Le dénouement est donné d’emblée au spectateur voyant, à l’insu des protagonistes aveugles : ils sont perdus, ils ne le savent pas encore.
Dans ce poème visionnaire et très simple, presque immobile, la seule action réside dans la lente découverte, par un groupe disparate de personnes traversées par les mêmes sensations, de leur solitude dans un monde qu’ils ne comprennent pas, et de l’imminence de leur disparition.
Agissant comme un piège pour l’imagination, la pièce produit l’effet d’un attentat, d’un acte brut : d’un coup, la mise à nu d’une vérité ultime, obscène, et pas de réponse. Un geste contemporain, indéfiniment contemporain de tout vivant.
« Tu vas mourir. » C’est tout.
De quoi regarder ce qui nous entoure autrement, et reconsidérer le prix de chaque chose. De quoi, peut-être, repenser la communauté.
Le texte est un entrelacs complexe de motifs simples, une partition précise de silences et de mots, de répétitions, de cris confus et de respirations. Il ne raconte rien, mais il produit de l’espace, du froid, du temps, un monde de visions affectant les sens.
Il appelle une mise en œuvre chorale de la parole, avec une attention particulière aux questions du son, de la spatialité des voix, des tessitures. Plus qu’une scénographie, il exige la constitution d’un véritable paysage de la voix, à travers l’expérience d’une perception de l’espace qui ne passe plus exclusivement par le visible.
Il demande aussi de réunir une communauté d’humains, à la fois non différenciés et solitaires, sans nom mais solidement incarnés, sans visages mais tous singuliers. Pas des acteurs, mais des personnes, c’est pour cela que nous avons proposé à Jean-Louis Coulloc’h, Benoît Résillot et Solène Arbel de nous rejoindre ; c’est pour cela que nous avons proposé à certains des amateurs qui fréquentent les ateliers du Studio-Théâtre de nous rejoindre également.
Sur scène, les seuls moyens à la disposition des interprètes résideront dans leur capacité d’imagination : pratiquement aucun geste, aucun déplacement, aucune interprétation. Pas de mise en scène, pas de jeu d’acteur, mais une grande force psychique, un cerveau actif et à l’affût, tirant de chaque mot, de chaque silence et du rythme commun, la faculté de produire de la réalité.

Daniel Jeanneteau, octobre 2012.


Le chatoiement nerveux de l’incertitude
Note sur la scénographie

Dans ce drame sans action, l’écriture se consacre à la traduction en mots, selon chacun des protagonistes, de ce qu’il perçoit du monde. Métaphore et symbole, la cécité est aussi l’origine d’une sensibilité parallèle, inexplicable et angoissée, à ce qui prolifère et se meut sous la surface des apparences.

La cécité elle-même connaît des nuances : d’aveugle-né en aveugle qui a déjà vu, qui a oublié ou qui se souvient d’avoir vu, qui perçoit certaines lueurs ou demeure dans les ténèbres, Maeterlinck établit toute une géographie du non-voir…

L’image, le visible, l’aspect extérieur des choses, sont abolis. C’est alors qu’un monde sans aspect, tout d’intériorité, se déploie dans leurs paroles en visions qui ne relèvent plus du visible, irreprésentables, et qu’il s’agit néanmoins de rendre réelles.

L’espace requis par le texte ne peut rien représenter ; c’est-à-dire rien d’autre que ce qui est nécessaire à son fonctionnement symbolique et sensible. La scénographie échappe d’emblée aux questions habituelles de la forme et du style.

A travers « LES AVEUGLES », Maeterlinck met en question, et de façon radicale, l’utilisation habituelle de l’image au théâtre, et demande de reconsidérer la scénographie selon sa plus authentique vocation : guider le regard vers de nouveaux espace de la conscience ; intérioriser les enjeux profonds qui pèsent sur les personnages en tissant de subtiles correspondances entre les êtres et leur environnement ; susciter des espaces dont la force émotionnelle et la beauté ne préexistent pas à la représentation, inadéquats quant au réalisme, mais élaborés selon une économie de l’imaginaire qui tend à placer dans l’esprit du spectateur le lieu réel de l’apparition. C’est un travail d’accompagnement à travers lequel le visible s’attacherait à féconder l’écoute.

Nous faisons le choix de ne rien traiter de ce qui relèverait du visible : pas de costumes, pas de décor, pas de lumières. Le dispositif mêlera le public et les acteurs en un groupe indifférencié, assis sur des chaises dans l’espace vide, sans direction privilégiée. Les voix émaneront de cet ensemble humain sans avoir été préalablement désignées. Anonymes. Il s’agira d’évoquer une humanité ordinaire, sans histoire, sans identité. Le travail du son, élaboré par Alain Mahé en collaboration avec l’Ircam, aura pour tâche de susciter autour des corps immobiles le mouvement du monde, de la nature, l’infini travail des forces invisibles qui agissent sur les vies. Tout contribuera à produire les images du spectacle dans l’esprit du spectateur, qui les verra d’autant plus précisément qu’il fermera les yeux…

D. J.

Fortuites lueurs
« Longtemps encore, à moins qu’une découverte décisive de la science n’atteigne le secret de la nature, à moins qu’une révélation venue d’un autre monde, par exemple une communication avec une planète plus ancienne et plus savante que la nôtre, ne nous apprenne enfin l’origine et le but de la vie, longtemps encore, toujours peut-être, nous ne serons que de précaires et fortuites lueurs, abandonnées sans dessein appréciable à tous les souffles d’une nuit indifférente. A peindre cette faiblesse immense et inutile, on se rapproche le plus de la vérité dernière et radicale de notre être, et, si des personnages qu’on livre ainsi à ce néant hostile, on parvient à tirer quelques gestes de grâce et de tendresse, quelques paroles de douceur, d’espérance fragile, de pitié et d’amour, on a fait ce qu’on peut humainement faire quand on transporte l’existence aux confins de cette grande vérité immobile qui glace l’énergie et le désir de vivre. »

Maurice Maeterlinck, Préface au théâtre.

Mare tenebrarum
« Il y a dans notre âme une mer intérieure, une effrayante et véritable mare tenebrarum où sévissent les étranges tempêtes de l’inarticulé et de l’inexprimable, et ce que nous parvenons à émettre en allume parfois quelque reflet d’étoile dans l’ébullition des vagues sombres.
Je me sens avant tout attiré par les gestes inconscients de l’être, qui passent leurs mains lumineuses à travers les créneaux de cette enceinte d’artifice où nous sommes enfermés.
Je voudrais étudier tout ce qui est informulé dans une existence, tout ce qui n’a pas d’expression dans la mort ou dans la vie, tout ce qui cherche une voix dans un cœur.
Je voudrais me pencher sur l’instinct, en son sens de lumière, sur les pressentiments, sur les facultés et les notions inexpliquées, négligées ou éteintes, sur les mobiles irraisonnés, sur les merveilles de la mort, sur les mystères du sommeil, où malgré la trop puissante influence des souvenirs diurnes, il nous est donné d’entrevoir, par moments, une lueur de l’être énigmatique, réel et primitif ; sur toutes les puissances inconnues de notre âme ; sur tous les moments où l’homme échappe à sa propre garde ; sur les secrets de l’enfance, si étrangement spiritualiste avec sa croyance au surnaturel, et si inquiétante avec ses rêves de terreur spontanée, comme si réellement nous venions d’une source d’épouvante… »

Maurice Maeterlinck, Confession d’un poète.

L’évangile de la perdition
Nous sommes perdus dans le cosmos. Ce cosmos formidable est lui-même voué à la perdition. Il est né, donc mortel. Il se disperse à vitesse folle, tandis que des astres se tamponnent, explosent, implosent. Notre soleil, qui succède à deux ou trois autres soleils défunts, se consumera. Tous les vivants sont jetés dans la vie sans l’avoir demandé, sont promis à la mort sans l’avoir désiré. Ils vivent entre néant et néant, le néant d’avant, le néant d’après, entourés de néant pendant. Ce ne sont pas seulement les individus qui sont perdus, mais, tôt ou tard, l’humanité, puis les ultimes traces de vie, plus tard la Terre. Le monde lui-même va vers sa mort, que ce soit par dispersion généralisée ou par retour implosif à l’origine… De la mort de ce monde un autre monde naîtra peut-être, mais le nôtre sera alors irrémédiablement mort. Notre monde est voué à la perdition. Nous sommes perdus.

Ce monde qui est le nôtre est très faible à la base, quasi inconsistant : il est né d’un accident, peut-être d’une désintégration de l’infini, à moins qu’on ne considère qu’il est issu du néant. De toute façon, la matière connue n’est qu’une infime partie de la réalité matérielle de l’univers, et la matière organisée n’est qu’une infime partie de cette infime partie. Ce sont les organisations entre entités matérielles, atomes, molécules, astres, êtres vivants, qui prennent consistance et réalité pour nos esprits ; ce sont les émergences qui surgissent de ces organisations, la vie, la conscience, la beauté, l’amour, qui, pour nous, ont de la valeur : mais ces émergences sont périssables, fugitives, comme la fleur qui s’épanouit, le rayonnement d’un visage, le temps d’un amour…

La vie, la conscience, l’amour, la vérité, la beauté sont éphémères. Ces émergences merveilleuses supposent des organisations d’organisations, des chances inouïes, et elles courent sans cesse des risques mortels. Pour nous, elles sont fondamentales, mais elles n’ont pas de fondement. Rien n’a de fondement absolu, tout procède en dernière ou première instance du sans-nom, du sans-forme. Tout naît dans la circonstance, et tout ce qui naît est promis à la mort.

Nous sommes dans l’aventure inconnue. L’insatisfaction qui relance l’itinérance ne saurait être assouvie par celle-ci. Nous devons assumer l’incertitude et l’inquiétude, nous devons assumer le dasein, le fait d’être là sans savoir pourquoi. Il y aura de plus en plus de sources d’angoisse, et il y aura besoin de plus en plus de participation, de ferveur, de fraternité qui seules savent non pas annihiler, mais refouler l’angoisse. L’amour est l’antidote, la riposte — non la réponse — à l’angoisse.

Edgard Morin, Terre-Patrie, Seuil, 1993.


Maurice Maeterlinck, écrivain belge d’expression française, est né à Gand le 29 août 1862 et mort à Nice le 5 mai 1949. Lauréat du Prix Nobel de littérature en 1911. Auteur emblématique du mouvement symboliste, il a profondément bouleversé l’écriture théâtrale de la fin du dix-neuvième siècle, en recentrant notamment les enjeux de la représentation sur les questions du psychisme et de la vie profonde, loin du naturalisme qui régnait sur les scènes de l’époque. Ses pièces courtes, toutes écrites avant 1900, et dont il disait qu’elles étaient destinées aux marionnettes, ont influencé, avec les théâtres d’Ibsen et de Strindberg, la plupart des grandes dramaturgies du vingtième siècle. Il est l’auteur de La Princesse Maleine, L’Intruse, Les Aveugles, Les Sept Princesses, Pelléas et Mélisande (adapté en opéra par Claude Debussy), Alladine et Palomides, Intérieur, La Mort de Tintagiles, Aglavaine et Sélysette, L’Oiseau Bleu

Daniel Jeanneteau. Après des études à Strasbourg aux Arts Décoratifs et à l’École du TNS, il rencontre le metteur en scène Claude Régy dont il conçoit les scénographies pendant une quinzaine d’années. Il travaille également avec de nombreux metteurs en scène et chorégraphes (Catherine Diverrès, Jean-Claude Gallotta, Alain Ollivier, Nicolas Leriche, Jean-Baptiste Sastre, Trisha Brown, Jean-François Sivadier, Pascal Rambert…) Depuis 2001, et parallèlement à son travail de scénographe, il se consacre à la création de ses propres spectacles, en collaboration avec Marie-Christine Soma. (Racine, Strindberg, Boulgakov, Sarah Kane, Martin Crimp, Labiche, Daniel Keene, Anja Hilling, Tennessee Williams). Daniel Jeanneteau dirige le Studio-Théâtre de Vitry depuis janvier 2008.

Jean-Louis Coulloc’h a joué au théâtre sous la direction de Jean-Claude Fall (Platonov d’Anton Tchekhov) ; Sylvie Jobert (le Charme et l’épouvante de Marcel Moreau) ; Thierry Bédard (Pathologie verbale) ;  Claude Régy (Jeanne d’Arc au bûcher de Paul Claudel et Arthur Honegger, Mélancholia de Jon Fosse) ; François Tanguy (Choral, La Bataille du Tagliamento, Orphéon) ; Pierre Meunier (Le Tas, Les Égarés) ; Madeleine Louarn (La Légende de Saint-Triphine) ; Nadia Vonderheyden (Médée de Sénèque) ; Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma (Feux d’après August Stramm) ; Laurent Fréchuret (Médée de Sénèque) ; Sophie Langevin (Hiver de Jon Fosse) ; Benoit Giros, May Bouhada, (1939 au jour le jour). À la radio : La marée fait flotter les villes de Kay Mortley et Alain Mahé, France Culture. Au cinéma, courts-métrages : Synopsis de Florent Trochel ; Le début de l’hiver d’Eric Guiradeau ; Bake a cake d’Aliocha Allard. Longs métrages : Lady Chatterley, de Pascale Ferran ; Circuit Carole, d’Emmanuelle Cuault ; Skylab, de Julie Delpy ; Je suis un vagabond, de Charlie Najman. Il a participé également en 2006 au projet collectif Ultimo Round qui l’a emmené jusqu’à Valparaiso au Chili.

Alain Mahé. Compositeur, improvisateur, Alain Mahé développe des musiques électro-acoustiques et électroniques. Il crée le groupe Bohème de chic et depuis joue ou compose avec Jean-François Pauvros, Carlos Zingaro, Carol Robinson, Kamal Hamadache, Thierry Madiot, Pascal Battus, Emmanuelle Tat, Patrick Molard, Keyvan Chemirani, Hélène Breshant, Bao Luo… Compose La marée fait flotter les villes – Paul Klee. Il réalise des pièces radiophoniques : Chien de feu, La marée fait flotter les villes, (pour un) Paso Doble (sonore) avec Kaye Mortley. Alain Mahé compose musiques et créations sonores pour le spectacle vivant. Il travaille avec les metteurs en scène Francois Tanguy et les chorégraphes Carlotta Ikeda, Ko Murobushi, François Verret, le peintre Miquel Barcelò et Josef Nadj sur Paso doble, Nan Goldin sur Sœurs saintes & Sybilles. Il collabore aux spectacles de Pierre Meunier depuis 1999 : Le Chant du ressort, Le Tas, Les Egarés, Sexamor et Du fond des gorges.

Visuel Le Pas

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Le Pas de Bême Compagnie Théâtre Déplié
© Martin Colombet

visuel Petits contes d’amour et d’obscurité

Petits contes...

Petits contes d’amour et d’obscurité de Lazare

La Ménagerie de verre (Japon)

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L’invitation de Satoshi Miyagi et du Shizuoka Performing Arts Center (SPAC), Daniel Jeanneteau a séjourné au Japon de juillet à octobre 2011 pour y mettre en scène LA MENAGERIE DE VERRE de Tennessee Williams. Il y a retrouvé l’équipe qui l’avait accompagné pour la création de BLASTED de Sarah Kane en 2009.


au SPAC (Shizuoka Performing Arts Center), Japon
représentations du 18 octobre au 11 novembre 2011

La Ménagerie de verre

de Tennessee Williams
traduction Kazuko Matsuoka

mise en scène et scénographie Daniel Jeanneteau

avec
Kazunori Abe
Asuka Fuse
Haruyo Suzuki
Yuudai Makiyama

direction technique Atsushi Muramatsu
collaboratrice à la scénographie et constructrice Reiko Hikosaka
lumière Yuji Sawada
régie lumière Masayuki Higuchi, Ayaka Matsumura
régie son Yoshimasa Kojima
régie plateau Yosuke Sato, Aki Watanabe
costumes Yumiko Komai
assistante à la mise en scène Aki Yumoto
interprète Hiromi Yamada

production Kazato Saeki, Sakiko Nakano
assistante à la production Moemi Ishii

Production Shizuoka Performing Arts Center (SPAC), avec le soutien de Cultures France


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© D. Jeanneteau

« La pièce se passe dans la mémoire et n’est donc pas réaliste. La mémoire se permet beaucoup de licences poétiques. Elle omet certains détails ; d’autres sont exagérés, selon la valeur émotionnelle des souvenirs, car la mémoire a son siège essentiellement dans le cœur. »

Tennessee Williams

« La Ménagerie de verre » ouvre pour le metteur en scène et le scénographe un champ de liberté et de rêve peu courant. Rien n’y est réel, les figures sont des spectres, façonnées par la mémoire du narrateur, ses émotions, ses affects. Pas de cohérence obligée, pas de sens unifié. Un voyage dans une mémoire malade, entre l’angoisse et le rire.
Tennessee Williams lui-même encourage le metteur en scène à s’évader des contraintes du réalisme, et propose des configurations de jeu, des agencements de rapports traduisant les structures internes du psychisme bien plus que l’apparence extérieure des relations.
Il s’éloigne de l’imitation de la réalité pour inventer une dramaturgie du décalage, de la faille, de l’absence. Ses créatures sont affectées de troubles de la présence, les unes et les autres n’existent pas sur les mêmes plans de réalité, selon les mêmes modes d’apparition ni les mêmes densités physiques…
Chez Tennessee Williams, il n’y a pas de gravitation universelle. Chaque entité pèse d’un poids singulier, selon un système de masse inventé pour lui seul. Les pièces de Williams sont des agencements de solitudes. Les échanges sont improbables, les sentiments fusent hors des êtres et s’abattent comme des pluies, par l’effet d’une inconséquence fondamentale, originelle.
Ils sont perdus, et leur principale modalité d’occupation de l’espace est l’errance. Amanda erre dans sa maison, dans la ville, entre son fils et sa fille. Sa volonté, implacable, s’applique à effacer tout obstacle qui pourrait s’opposer à cette errance : que son fils s’incline, s’absente de lui-même, serve le quotidien et l’absolve de tout poids matériel ; que sa fille se taise, taise sa féminité, s’absente en spectatrice perpétuelle du théâtre obsessionnel de sa mère ; que Jim se prète à représenter en effigie le corps désirant de l’homme perdu et toujours désiré, qu’il se tienne en leurre et n’intervienne pas, n’existe, littéralement, pas. Elle est seule, elle erre enfermée dans un système clos.
« La Ménagerie de verre » exige la mise en place par le jeu d’une sorte de graduation de la présence, de perspective dans la densité, conférant à chaque être une pesanteur, un rythme, une opalescence variable. Chaque comédien doit jouer seul, en soi, mais avec les autres. Comme dans un système planétaire, beaucoup de vide sépare chaque corps. Beaucoup d’énergie circule entre ces corps.
La scénographie est un volume translucide qui expose et enclos ces corps dans une matrice impalpable. Posés sur un socle duveteux et pâle, Amanda, Laura, Tom et Jim circulent et se heurtent, s’évitent, s’ignorent, se cherchent. C’est par Tom que nous pénétrons cette matrice, il se tient au seuil et vacille, hésite, entre son aspiration au monde et l’appel angoissant de ses remords. La pièce contient une succession d’espaces mentaux encastrés les uns dans les autres. Tom se souvient et revit, dans une confusion totale du présent et du passé, le piège affectif qu’ont représenté pour lui sa mère et sa sœur. Amanda, dans un déni perpétuel du présent, revit à l’infini son passé idéalisé de jeune fille. Laura se réfugie dans un monde inventé par elle, sans référence à l’extérieur, où tout est fragile, transparent, lumineux et froid. Jim est prisonnier du rêve social majoritaire, il a subi le dressage idéologique et s’apprète à faire de son mieux pour ne pas en sortir.
Tout cela est en mouvement, selon une cosmologie complexe, régie par les sentiments, les peurs, les désirs… Plus qu’une histoire, « La Ménagerie de verre » est un paysage, un ensemble de distances séparant des blocs d’affectivité, traversé par des lumières, des obscurités, des vents et des pluies. La temporalité y est multiple, combinée en strates, en cycles, en réseaux…

Je retrouve avec plaisir l’équipe japonaise qui m’avait accompagné en 2009 pour la création de « Blasted » de Sarah Kane (que j’avais déjà mis en scène en France en 2005 dans une tout autre configuration).
Travailler Tennessee Williams avec des comédiens japonais déplace forcément les idées qu’on peut se faire de cet auteur. Faire du théâtre au Japon c’est faire du théâtre avec des corps japonais, c’est-à-dire une culture, une histoire, une tout autre humanité. Dans l’intimité des répétitions, c’est tout une civilisation qu’il me semble explorer, dans l’infini détaillement des différences. Entre ce que j’imagine et ce qu’ils me proposent, le décalage est permanent, parfois infime, parfois si grand qu’il en devient comique. Jour après jour il m’a fallut frayer un chemin dans l’opacité de nos différences, et ne pas chercher à les conquérir, à les déformer, à les gagner à la sensibilité occidentale. C’est leur différence que j’aime, et cette expérience irremplaçable de diriger à l’aveugle, dans une langue que je ne comprends pas, débarrassé du fardeau de sens qui accompagne toute lecture dans mon propre champ culturel. J’en suis ramené à l’humain seul, et parfois, dans l’intuition de l’instant et la pauvreté de mes moyens, il me semble toucher avec eux quelque chose d’inouï : notre incompatibilité linguistique dégage un espace de vision où les mots, redevenus pures manifestations du souffle, éclosent simplement et dansent devant nous aussi concrètement que des gestes.

Daniel Jeanneteau, Shizuoka le 30 août 2011

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maquette de la scénographie © D. Jeanneteau


photos de répétitions © D. Jeanneteau


Le Shizuoka Performing Arts Centre (SPAC)

Le SPAC est un centre de création théâtrale unique au Japon, et à bien des titres, unique au monde. Il a été créé en 1995 par la volonté du gouvernement local de la préfecture de Shizuoka. Il est l’un des premiers établissements du pays entièrement consacré aux arts du spectacle à bénéficier d’un financement public. Il dispose d’une troupe permanente, de personnels techniques et administratifs qualifiés, et occupe des locaux et des équipements qui lui sont entièrement dévolus. A l’image des centres dramatiques nationaux français, sa mission est la production et la création, mais aussi l’accueil d’artistes étrangers (aussi bien en tournée qu’en résidence de création), ainsi que la promotion des arts de la scène auprès d’un public extrêmement diversifié.

Le SPAC est dirigé depuis 2007 par le metteur en scène Satoshi Miyagi, prenant alors la relève de Tadashi Suzuki, fondateur de l’institution. Depuis quelques années, Satoshi Miyagi a établi une intense relation d’amitié et d’échange avec le monde théâtral français. En 2009, Daniel Jeanneteau a été l’un des premiers metteurs en scènes étranger sà y être invité pour une création. Il s’agissait de la mise en scène de « Blasted » de Sarah Kane. Pascal Rambert, Olivier Py, Omar Porras, Claude Régy, Jean Lambert-Wild, Frédéric Fisbach, Peter Brook… y sont venus présenter ou créer leurs spectacles.

Les installations du SPAC sont divisées en deux parties distinctes :
– le parc des arts de la scène (Butai Geijutsu Koen), dans la proche périphérie de Shizuoka, sur le mont Nihondaira. C’est un ensemble d’équipements offrant les meilleures conditions de création et de résidence : un théâtre en plein air de 400 places, un théâtre ellipsoïde de 100 places, une salle modulable d’une centaine de places, des salles de répétition, des logements, une cantine-cafétéria etc., le tout dans une architecture en bois d’Arata Isozaki, en pleine nature, parmi des plantations de thé.
– un théâtre de 350 places en ville, doté de tout l’équipement nécessaire (bureaux, atelier, cage de scène et cintres…) à l’intérieur du centre de congrès (Granship) construit lui aussi par Arata Isozaki.

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Photo Ateliers Libres