Thibaud Croisy

 Photo Rencontre avec le public

En décembre, nous retrouvons Thibaud Croisy que nous avions déjà accueilli en 2012 pour la création de Je pensais vierge mais en fait non et Soustraction du monde. Il revient au Studio-Théâtre du 18 au 21 décembre pour présenter la performance RENCONTRE AVEC LE PUBLIC.


jeudi 18 décembre à 20h30
vendredi 19 décembre à 20h30
samedi 20 décembre à 20h30
dimanche 21 décembre à 16h

RENCONTRE AVEC LE PUBLIC

de Thibaud Croisy
lumières et images Emmanuel Valette

avec
Véronique Alain, Sophie Demeyer, Léo Gobin

coproduction Ménagerie de Verre, Studio-Théâtre de Vitry


Véronique Alain dans "Rencontre avec le public" de Thibaud Croisy - © Emmanuel Valette
Et là, pile au moment où l’on ne s’y attendait plus, revoici la meilleure pièce de la saison 2013, 2014, 2015 et suivantes, l’œuvre emblématique des années 70, 80 et 90, celle qui n’a pas peur de passer le périph et de prendre le RER C pour accomplir un grand acte de démocratisation culturelle. C’est Noël en France, et voilà que Rencontre avec le public atterrit soudain dans la ville de Vitry et vient vous mettre le cœur en fête, parader dans les rues, parler aux géraniums, distribuer des boîtes de chocolats municipales et faire office d’étoile brillante au sommet du sapin artistique. Alors une fois de plus, au nom de la solidarité théâtrale et de l’amour du prochain, nous sommes heureux de lever notre grand rideau rouge devant vos yeux ébahis, de vous offrir enfin un spectacle chrétien digne de ce nom et de redire encore une fois pour les siècles des siècles : « venez, venez, nous sommes heureux de vous rencontrer ».

Thibaud Croisy

Extrait de l’entretien avec Sophie Grappin-Schmitt

Le communiqué de presse diffusé par la Ménagerie de Verre est particulièrement mystérieux et creux : il ne dévoile rien du spectacle qui va avoir lieu et s’offre à lire comme un exercice d’annonce. Pourquoi ce texte?
Thibaud Croisy : D’abord, ce n’est pas vraiment un communiqué de presse, c’est un texte de présentation ou de communication que les théâtres demandent. Du coup, on écrit toujours un texte avant même que la pièce soit créée et parfois avant que les répétitions aient commencé. C’est comme ça, c’est un état de fait. Ça ne me dérange pas forcément plus que ça, si ce n’est que ça met toujours le beau discours au centre. Mais j’aimerais bien savoir pourquoi vous dîtes que ce texte est «creux»…

Peut-être parce qu’il semble dire ce que disent tous les textes de communication : «Venez! Cela va être génial! C’est le spectacle que vous attendiez et qui vous attend». Le creux, ça résonne… Ou plutôt que creux, il serait dégraissé, à l’os même de l’exercice.
Ah oui, je ne l’avais pas entendu dans ce sens-là. Dégraissé, sans doute. En tout cas, il ne faut pas se voiler la face, c’est l’enjeu d’un texte de communication : communiquer, faire venir les gens, défendre son bout de gras. Il ne faut pas oublier que cet exercice part tout de même d’une contrainte car si ça ne tenait qu’à moi, je m’en passerais bien. Sauf que maintenant, il faut le faire et à tout prendre, je le fais parce que je n’ai pas envie que le premier venu écrive une connerie sur mon travail, je préfère encore écrire mes propres conneries moi-même. Après, je ne crache pas non plus dans la soupe parce qu’un texte de communication, ça amorce un dispositif, ça suscite des attentes et ça joue aussi, bien sûr, avec le désir du spectateur. Et jouer avec le désir, faire bouger le corps du lecteur pour qu’il aille jusqu’à son téléphone et qu’il fasse une réservation, ça m’intéresse assez. Finalement, j’ai toujours envie de réinventer ce texte de communication, cette adresse au public qui viendra ou qui ne viendra pas et à chaque fois, je me dis que c’est déjà là que la pièce commence.

Votre pièce s’intitule Rencontre avec le public comme si le spectacle avait déjà eu lieu. On a l’impression que vous nous conviez à l’étape suivante. À quoi va-t-on assister?
C’est vrai, le titre de cette création, Rencontre avec le public, peut donner le sentiment que le spectacle a déjà eu lieu car généralement, la convention de la rencontre avec le public se fait une fois la représentation terminée. Ici, on propose au public de se déplacer pour voir une forme qui s’intitule précisément Rencontre avec le public donc d’une certaine manière, la temporalité de la rencontre est déplacée, anticipée. Il ne s’agit plus d’un bonus, d’un supplément auquel on pourrait assister après le spectacle (car le rituel de la rencontre est toujours facultatif) mais il s’agit au contraire de la pièce même, de ce qui est imposé – ou posé, du moins. C’est vrai que c’est comme si la pièce était déjà passée, comme si elle n’était plus là, comme si on en avait fini avec le spectacle, qu’on l’avait enterré, et en même temps, ce titre littéralise aussi ce qui se joue dans toute forme d’art vivant : deux instances se rencontrent. Les artistes, sur scène, et les spectateurs, dans la salle. Deux instances se donnent rendez-vous à un horaire donné et tentent d’établir un contact. C’est le principe du théâtre.

Est-ce une façon de mettre à mal ou de questionner le temps de la représentation?
Sans doute les deux. Ce qui m’intéresse quand je crée une forme vivante, ce n’est pas simplement d’élaborer une représentation mais de penser à son antithèse, à ce que pourrait être aussi une non-représentation – tout en sachant que cela n’existe pas, nulle part – et de songer aussi à l’au-delà de la représentation ou à son en-deçà, c’est selon. Élaborer des représentations, c’est un truc assez fatiguant, assez chiant, assez facile à mettre en route, d’ailleurs : on passe son temps à en construire, tous les jours. Alors que tenter d’écraser un peu la représentation ou les représentations des autres et les siennes propres, c’est déjà plus excitant.

Suite de l’entretien

Entretien de Marie Richeux (France Culture)


Thibaud Croisy met en scène des textes de théâtre (Jean-Claude Grumberg, Copi, Thomas Bernhard) et crée des performances (Je pensais vierge mais en fait non, Soustraction du monde, Gymnase nihiliste, Rencontre avec le public) dans des théâtres ou des centres d’art (Ménagerie de Verre, Théâtre de Vanves, Studio-Théâtre de Vitry, CAC Brétigny). Il travaille également en tant que dramaturge avec Hauke Lanz, Olivier Normand mais aussi comme interprète avec les chorégraphes Annie Vigier et Franck Apertet (les gens d’Uterpan). Ancien élève du département de théâtre de l’École normale supérieure et de l’Université Paris-X, il mène parallèlement des recherches sur les dramaturgies autrichiennes contemporaines (Werner Schwab) et publie régulièrement des textes dans des revues, dans la presse ou des ouvrages collectifs.

Prochaine création au Théâtre de Vanves : Tentative de fuite (plomberie)