Trafic

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Après des répétions au Studio-Théâtre en février et mars, Marie-Christine Soma et Daniel Jeanneteau ont créé en avril à la Maison de la Culture d’Amiens TRAFIC, premier texte du jeune auteur Yoann Thommerel. Le spectacle, présenté du 8 mai au 6 juin à la Colline – théâtre national à Paris, sera repris en janvier 2015 au Théâtre National de Toulouse.


création à la Maison de la Culture d’Amiens du 15 au 18 avril 2014

représentations à la Colline-théâtre national du 8 mai au 6 juin

reprise du 21 au 24 janvier 2015 au Théâtre National de Toulouse

REVUE DE PRESSE

TRAFIC

de Yoann Thommerel
éditions Les petits matins, 2013

mise en scène, scénographie et lumières Marie-Christine Soma & Daniel Jeanneteau
vidéo / animation Etienne Boguet et Julien Amigues
son Daniel Freitag
costumes Olga Karpinsky
Régie générale et vidéo Jean-Marc Hennaut
Assistant lumières Raphaël de Rosa
Régie son Jordan Allard
Stagiaire Lumières Félix Bataillou

avec Jean-Charles Clichet, Edith Proust, Pascal Rénéric, François Tizon et avec la participation de Lénaig Le Touze

production Maison de la Culture d’Amiens, Studio-Théâtre de Vitry
coproduction La Colline – théâtre national 
avec l’aide à la création du DICRÉAM, ministère de la culture et de la communication
ce projet a été soutenu par le réseau APAP-Performing Europe financé par la Commission Européenne-programme Culture
avec la participation artistique du Jeune Théâtre National


La pièce Midch et Fanch, Laurel et Hardy des années web 2.0, Vladimir et Estragon du 21ème siècle, héros de la débrouille à la Mark Twain, à la Kerouac, de toutes les époques finalement, voyageurs immobiles, en attente, dans un monde qui n’est que vitesse, transmission, circulation, échange de marchandises, d’informations, de savoirs, d’anecdotes sans importance… Ils nous touchent, nous les connaissons, nous les avons connus, héritiers des utopies passées, le grand départ, larguer les amarres, partir à l’aventure… Mais aujourd’hui paradoxalement quelque chose s’est inversé : de partout le monde vient à nous, nous savons tout à chaque seconde de ce qui se passe à l’autre bout de la planète, et en même temps le monde s’est rétréci, dans de nombreux points du globe il n’est plus possible de circuler librement… Et d’ailleurs ce lointain est-il si désirable ? Sinon pour échapper à la tristesse et à la pesanteur de ce que nous vivons ici… A leur manière Midch et Fanch tentent d’échapper à leur existence peu reluisante, de garder une part de rêve et donc de désir – c’est le plus difficile, non ? – Et changer de vie reste une entreprise toujours aussi compliquée dans notre époque surchargée du poids des responsabilités individuelles, des plaintes et des craintes qui se font écho à l’infini, – suis-je assez performant, au travail, avec mes enfants, avec mes amis, physiquement, moralement, sexuellement ? – mais également époque où ce n’est plus guère par plaisir, principe, idéologie ou philosophie, que l’on choisit de « faire la route » sans argent, sans sécurité… Et quand bien même, en aurions-nous l’énergie ? Dans ce marasme, Midch et Fanch, sortes de disciples involontaires de Diogène, essaient de se mouvoir, de penser, de garder l’espoir d’un chemin de traverse possible, de trouver l’énergie d’exister par eux-mêmes, d’être adultes… coincés entre leurs aînés de Mai 68, et les adolescents, tels la fille de Fanch, sans cesse en révolte sans bien savoir contre quoi ou qui… Yoann Thommerel avec beaucoup d’humour, et une grande tendresse pour ses semi-loosers non flamboyants, fragiles et inquiets, immatures pour toujours, nous met face au grand vide de la seule proposition qui nous a été assénée depuis 30 ans : fin de l’Histoire, fin de la politique. Plus de passé, pas d’avenir… Il le fait joyeusement, son écriture tente d’élaborer un théâtre hybride, qui ne se laisse jamais enfermer dans un effet de mode, ou des codes, toujours en train de déraper, de s’inventer, d’ouvrir des « dossiers » et « sous-dossiers » comme autant de portes qui donnent accès à de l’imaginaire, à du multiple, à de la contradiction. Que peut-on rêver de mieux au théâtre aujourd’hui que de proliférer dans tous les sens, avec vitalité ? C’est l’urgence.

Marie-Christine Soma – Février 2013

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« Une pièce de théâtre un peu queer… »

Mes personnages sont deux trentenaires un peu désœuvrés : Midch et Fanch (on les confond souvent, ce qui n’a qu’assez peu d’importance au fond). Ils traversent les saisons à l’arrière d’un camion toujours stationné devant le même garage. Un jour, il sera aménagé et Fanch vivra dedans, il étouffe ici. Une seule solution : PARTIR. Mais les entraves sont nombreuses et changer de vie s’avère plus compliqué que prévu. Alors, en attendant le nouveau départ, le vrai, les personnages – et le récit avec eux – s’autorisent quelques sorties de route, C’EST TOUJOURS ÇA DE PRIS. J’ai voulu avec ce texte explorer une forme littéraire imbriquant les genres, le théâtre et le roman principalement. Au découpage en scène, aux dialogues et aux didascalies propres à l’écriture dramatique s’ajoute une voix narrative sortie de nulle part. Cette dernière n’a a priori rien à faire dans une pièce de théâtre, elle appartient au roman. Trafic est une pièce de théâtre contaminée par du roman (à moins que ce ne soit l’inverse), par la poésie aussi.

Une pièce de théâtre un peu queer en somme.

Résolument engagé dans la voie de l’hybridation, d’un refus obstiné de se laisser enfermer dans les codes et contraintes des genres explorés, mon texte dérape sans cesse et invente une forme qui épouse l’instabilité des personnages, une instabilité à mon sens pleine de vitalité. Composant tant bien que mal avec leur libre arbitre et leurs contradictions, entre inquiétude paralysante et rêves d’action, Midch et Fanch mènent une vie aux relents post-punks et à la sexualité désinhibée, sans parvenir pour autant à se dédouaner complètement de leurs obligations sociales. Que Trafic soit aujourd’hui mis en scène m’excite beaucoup. Au cinéma, pour faire crisser et faire fumer les pneus d’un camion dans une scène de cascade, on les enduit de silicone. J’imagine qu’on peut faire à peu près la même chose sur un plateau. J’imagine aussi que ce n’est pas une mince affaire. Ce qu’il y a de bien dorénavant, c’est que ce n’est plus uniquement mon problème.

Yoann Thommerel – Mars 2013


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Un espace hybride

Le texte de Yoann Thommerel, strié de signes et de symboles, perturbé par l’ouverture intempestive de « dossiers » sur les protagonistes, leurs goûts, leurs drames cachés, nous a immédiatement conduit vers un questionnement nouveau concernant l’espace scénographique et les modalités de la représentation. Nos deux héros sont seuls, bien seuls, se raccrochant l’un à l’autre pour rester vifs, mais ils baignent dans un flux continu de savoirs, d’informations, de références, d’avatars – une mémoire gigantesque, immédiatement disponible, instantanée, sans échelle de valeurs… Sans oubli possible. Exister, au milieu de tout cela, devient une sorte de défi. Il s’agit donc d’inventer un espace hybride dans lequel les acteurs ne seront pas seuls à agir. Une partition d’images vivantes conçues par Etienne Boguet accompagnera le jeu et ouvrira simultanément les espaces du graphisme et de l’écrit, fusionnant la présence réelle des comédiens avec un monde d’animations, de textes typographiés, de vidéos ou d’icônes, d’équivalences visibles, en temps réel, de leur imaginaire agité… restituant la qualité visuelle de l’écriture de Yoann Thommerel aussi bien que l’ubiquité de sa pensée. On pourrait résumer la scénographie ainsi : une camionnette Trafic immobile et en voie d’aménagement, littéralement encastrée dans un écran LED géant qui occupera toute la largeur du plateau : un refuge intime, presque désuet, au cœur d’une matière mouvante, moderne, triviale. Nous faisons volontairement le choix d’un écran de type « stade », fait pour être vu de très loin, à la trame très large (l’écran devrait faire une dizaine de mètres de large sur une hauteur de quatre, avec un pitch de 25mm). Le recours à cette technologie de diffusion devrait littéralement pixelliser les corps des acteurs, et les intégrer dans des images animées intervenant directement dans le jeu, prenant, par moment, le premier plan de la représentation. Ce dispositif permettant d’ouvrir « concrètement » un espace supplémentaire sur le plateau, absorbant les corps réels et leur sensualité, leur organicité, dans le flux virtuel des images, jouant des formes et des mouvements très librement…

M-C. S. & D. J.


Yoann Thommerel. Né en 1979. Au lieu de se coucher tôt pour être le lendemain très performant dans son travail, sort, lit des livres et s’intéresse aux revues qui demeurent à ses yeux le foyer possible de réflexions et d’expérimentations partagées. Un temps membre du comité de rédaction de Fusées, il fonde en 2009 la revue Grumeaux (éd. NOUS), puis en 2011 une maison d’édition transgenre : grmx éditions (dernier titre paru : Retour à l’envoyeur, anthologie du poète et performer autrichien Ernst Jandl). Depuis quelques mois, se couche de plus en plus tard, pour écrire des pièces de théâtre hybrides. Il donne régulièrement des lectures publiques de son travail. TRAFIC (éd. Les Petits matins, 2013) est le premier volet d’une trilogie en cours d’écriture.

Marie-Christine Soma. Après avoir étudié la philosophie et les lettres classiques, puis été régisseur lumière au Théâtre National de Marseille – La Criée, où elle assiste Henri Alekan sur Question de géographie de John Berger, elle se consacre à partir de 1985 à la création lumière. En 1989, elle assiste Dominique Bruguière pour la création de Le Temps et la Chambre de Botho Strauss par Patrice Chéreau. Elle crée des lumières pour Marie Vayssière, François Rancillac, Alain Milianti, Jean-Paul Delore, Michel Cerda, Eric Vigner, Arthur Nauzyciel, Catherine Diverrès, Marie-Louise Bischoffberger, Jean-Claude Gallotta, Jacques Vincey, Frédéric Fisbach, Niels Arestrup, Eléonore Weber, Alain Ollivier, Laurent Gutmann, Daniel Larrieu, Jérôme Deschamps… En 2001 débute la collaboration artistique avec Daniel Jeanneteau : Iphigénie de Racine, La Sonate des spectres de Strindberg, Anéantis de Sarah Kane, Adam et Êve de Boulgakov. En 2008, elle signe avec Daniel Jeanneteau la mise en scène des Assassins de la Charbonnière d’après Labiche avec le Groupe 37 de l’École du TNS, puis de Feux, trois pièces courtes d’August Stramm, créé au festival d’Avignon, et en 2009 de Ciseaux, papier, caillou de Daniel Keene au Théâtre national de la Colline.  En 2010 elle adapte et met en scène Les Vagues de Virginia Woolf au Studio-Théâtre de Vitry, spectacle repris en 2011 au Théâtre National de la Colline où elle est artiste associée. En 2013 elle crée les lumières de la pièce d’Ibsen Les Revenants mise en scène par Thomas Ostermeier au Théâtre Vidy-Lausanne. De 2008 à 2012, elle dirige le Comité de lecture du Studio-Théâtre de Vitry.

Etienne Boguet. Né en 1981, diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs en qualité de créateur-concepteur en cinéma d’animation, post-diplômé en effets spéciaux numériques (All, Ensad). Il a conçu et réalisé les films Un message impérial (2007, 4 min, vidéo, 3D) ; sélections : Festival d’Annecy, les e.magiciens, One-reeler, Anifest (rép. tchèque) ; et Utoptique (2006, 5 min, dessin, volume animé, 3D) ; sélections : Anima (bruxelles), Animatou (genève), Anifest (rép. tchèque). Il travaille pour le cinéma (documentaire et fiction) et la télévision, pour lesquels il réalise animations et effets spéciaux. En 2013, il collabore également avec le metteur en scène de théâtre Jacques Vincey pour la vidéo du spectacle L’ombre d’après Andersen.

Daniel Freitag. Né en 1986 à Steinheim (Westphalie). Il a étudié la musicologie et les médias à Marburg et à Berlin, et réalisé plusieurs albums en tant qu’auteur-compositeur, producteur et musicien. Depuis 2008, il travaille comme musicien, compositeur et directeur musical dans divers théâtres. Tout d’abord au Théâtre du Land de Marburg, et depuis 2010 à la Schaubühne et au théâtre Maxim Gorki à Berlin, au Théâtre du Grütli à Genève et au Théâtre des Nations à Moscou. Il collabore régulièrement avec les metteurs en scènes Thomas Ostermeier, Ivo van Hove et Juliane Kann. Il a créé en outre la musique pour des ateliers de théâtre à la Biennale de Venise et pour le Festival international Neue Dramatik (F.I.N.D.) à la Schaubühne à Berlin. Réalisations récentes : Le Misanthrope de Molière (mise en scène Ivo van Hove, 2010) ; Un ennemi du peuple de Henrik Ibsen (mise en scène Thomas Ostermeier, 2012).

Olga Karpinsky crée des costumes pour le théâtre, l’opéra et le cinéma pour Frédéric Fisbach, Christophe Perton, avec lesquels elle collabore pendant de nombreuses années, mais également pour Georges Aperghis, Richard Dubelski, Sylvain Prunenec, Guillaume Delaveau, Blandine Savetier, Thierry Roisin, Jacques Vincey… Pour Daniel Jeanneteau & Marie-Christine Soma, elle crée les costumes d’Adam & Eve de Boulgakov, Into The Little Hill de Georges Benjamin, Feux d’August Stramm, Ciseaux, papier, caillou de Daniel Keene, et Bulbus d’Anja Hilling.

Jean-Charles Clichet. Après des études au cours Florent, il rentre à l’école du TNS en 2005, où il joue dans des spectacles de Michel Cerda, Rémi Barché, Benoît Lambert, Caroline Guiéla, Richard Brunel, Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma. Après l’école il joue dans des spectacles de Giorgio Barberio Corsetti (Gertrude – Le cri), Christophe Honoré (Angelo Tyran de Padoue et Nouveau Roman), Jean-Baptiste Sastre (Richard II), Vincent Macaigne (Au moins j’aurai lassé un beau cadavre). Avec Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma il a joué dans L’affaire de la rue de Lourcine d’Eugène Labiche et Les Vagues d’après Virginia Woolf. Au cinéma il a joué avec Christophe Honoré (Les Bien-aimés), Nicolas Mercier (Le grand départ), Jérôme Bonnell (Le temps de l’aventure), Marc Fitoussi (Folies Bergères).

Pascal Rénéric. Après des études au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris (1998-2001), il joue dans des spectacles de Cyril Teste (Electronic City, Reset), Vincent Macaigne (Friche 22.66, Idiot !, Au moins j’aurai laissé un beau cadavre), Georges Lavaudant (Hamlet [songe], Baudelaire, La Tempête), Véronique Bellegarde (Zoltan), Mikaël Serre (La mouette)… Au cinéma il a joué avec Sarah Léonor (Au voleur), Frédéric Forrestier (Les parrains), Yvan Attal (Ma femme est une actrice), Jérôme Lévy (Bon plan). Il a réalisé des courts-métrages (Madame 2001, Fausse Noce, Le crocodile blanc, Invisible, Born to die) et écrit Homo Haereticus pour le Footsbarn Travelling Theatre en 2006.

© Elisabeth Carecchio