Article Renan Benyamina

« Faits (fragments de L’Iliade) » aux Subsistances
Hétéroclite le web gay et lesbien mais pas que… à Lyon, Grenoble et Saint-Etienne
par Renan Benyamina le 8 septembre 2014

En ouverture de la seizième Biennale de la Danse, les Subsistances ont passé commande à des chorégraphes, metteurs en scène et écrivains pour des créations en rapport avec L’Iliade et L’Odyssée d’Homère. La première d’entre elles, Faits (fragments de L’Iliade), du metteur en scène Daniel Jeanneteau, s’inspire d’un des passages les plus émouvants de L’Iliade qui voit Priam, le vieux roi de Troie, s’introduire nuitamment dans le camp de ses ennemis achéens (qui assiègent sa ville depuis dix ans) afin de récupérer le corps de son fils Hector, tué par Achille onze jours plus tôt. C’est un père dévasté de chagrin qui s’agenouille devant son ennemi Achille pour le supplier de le laisser rendre à son fils les honneurs funèbres.

La Biennale de la Danse s’ouvre avec une œuvre plus théâtrale et plastique que strictement chorégraphique. Corps, lumière et mouvement en sont cependant la matière et l’enjeu. Au bout de chaque phrase, la voix de Laurent Poitrenaux reste suspendue. Car les chutes qu’il récite, celles des hommes de L’Iliade tombés sur le champ de bataille, se répètent inlassablement. Aucune ponctuation, aucun répit. Ces fragments d’Homère sont des rochers qui dévalent sans fin, l’expression d’une violence qui surgit dans notre dos, traversant l’Histoire depuis la nuit des temps, jusqu’au brouillard loin devant. Daniel Jeanneteau préfère le paysage à l’épopée, il contracte le temps et le pose à plat. Il retient des chants d’Homère ceux décrivant l’impact des armes – lances, épées, lames – sur les corps – poitrine, ventre, visage. Il les fait dire dans un espace dévasté, où règne la moiteur poussiéreuse des terrains de combat, où les seuls reliefs sont les gravas et le béton armé. Troie d’Homère, Gaza d’aujourd’hui. Pas de fauteuils ni d’accoudoirs pour les spectateurs. Nous sommes piégés, c’est inconfortable, éprouvant. Debout et transpirants, nous observons Achille, gracieux et dangereux, séduire, mettre à terre, sauver l’un d’entre nous. Cela dure. Puis apparaît le vieil homme, Priam, qui l’absout, le lave au gant. L’image, comme d’autres plus tôt, est à la fois étrange et familière. Il y a quelque chose de facile ou d’évident. C’est à la fois très beau et très agaçant. On quitte la salle soulagés mais ébranlés. Nous venons d’être traversés par une voix tendue, un regard perçant : c’est tout une épopée qui s’est imprimée quelque part en nous, sans que nous ayons vraiment compris le procédé. Un premier spectacle de Biennale inattendu, esthétiquement sidérant, parfois pénible, mais qui ne laisse pas indemne. Preuve après-coup qu’il s’agit d’un geste important.

Revue de presse FAITS

Revue de presse FAITS

« Faits (fragments de L’Iliade) » aux Subsistances
Hétéroclite le web gay et lesbien mais pas que… à Lyon, Grenoble et Saint-Etienne
par Renan Benyamina le 8 septembre 2014

16e BIENNALE DE DANSE DE LYON : « FAITS », DANIEL JEANNETEAU ILLUMINE LES MORTS
INFERNO · Magazine Arts & Scènes contemporaines
par Bruno Paternot
 envoyé spécial à lyon

HOMÈRE À GAZA
Les Trois Coups.com
par Trina Mounier

Bio Benoît Résillot

Benoît Résillot

Depuis 1996, il joue dans des mises en scène de Frédéric Fisbach (L’annonce faite Marie de Paul Claudel, L’île des morts d’August Strindberg / Le gardien de tombeau de Franz Kafka, A trois de Barry Hall, Bérénice de Jean Racine, Les Paravents de Jean Genet, L’illusion comique de Pierre Corneille, Feuillets d’Hypnos de René Char).

Il est assistant et dramaturge de Frédéric Fisbach pour Un avenir qui commence tout de suite Vladimir Maïakovski, Agrippine de Georg-Friedrich Händel, Kyrielle du sentiment des choses de François Sarhan, Shadowtime de Brian Ferneyhough, Mademoiselle Julie de Stindberg.

Il joue également dans Les Perses d’Eschyle, mise en scène d’Olivier Werner, dans Madame Ka de Nolle Renaude, mise en scène par Florence Giorgetti, dans Bastards of millionaires de Laurent Quinton mise en scène d’Alexis Fichet, et D’un retournement l’autre de Frédéric Lordon, mise en scène de Judith Bernard.

Il met en scène 40 minutes de théâtre réel sur des textes de Daniil Harms, C’est pas la même chose, textes de Pierre Louÿs, spectacle présenté dans les cafés. Puis, au Studio Théâtre de Vitry, Cavaliers vers la mer de John M. Synge et Twitille de Catherine Hubert.

Il écrit et performe le striptease When I was a child, I will be a girl.

Il dirige régulièrement des ateliers de pratique théâtrale. Depuis 2010, il enseigne l’histoire du théâtre français (University of Illinois).

Bio Adeline Olivier

Adeline Olivier

Adeline Olivier est née à Nantes en 1980. Elle y intègre le conservatoire d’art dramatique en 1999, puis elle continue sa formation à l’ERAC (l’école régionale d’acteurs de Cannes).
Dans le cadre du dispositif de résidences d’écrivains d’île de France, elle a été auteure en résidence au Studio-Théâtre de mars à décembre 2011. Outre les mises en scène de deux de ses pièces, cette résidence lui a permis de publier Pan de muraille, son premier recueil de poèmes, paru chez l’éditeur Alidades en août 2011. Et aussi, de se concentrer sur l’écriture de son premier roman, qu’elle termine aujourd’hui et espère donner à lire en début d’année prochaine.
Elle poursuit son travail autour du théâtre avec Ivan Basso, photographe. Ensemble ils initient un cycle de lectures-performances et l’auto-édition de documents retraçant leur recherche.

 

Soirée Incise

Créer une revue s’est imposé à nous comme l’indispensable élargissement de notre espace de pensée, d’échange et de jeu. Dans le temps calme de l’écrit, maintenir ouvert le lieu public de la parole, et accueillir, comme nous le faisons lors de nos Ouverture(s), d’autres façons d’interroger l’époque. Nous vous invitons à fêter ce nouveau lieu de vie en compagnie de l’équipe de rédaction, des auteurs et d’artistes invités.


jeudi 16 octobre à 19h au Studio-Théâtre de Vitry

SOIRÉE INCISE

en présence des auteurs
et en compagnie d’Emmanuelle Lafon, Geoffrey Carey et Jean-Philippe Debroize

lecture d’extraits et performance musicale

visuel Soirée Incise

Revue Incise vient de paraître en septembre. Nous y avons travaillé pendant un an, à quelques unes et quelques uns. Etre engagés dans cette revue, résolument, nous empêche aujourd’hui de porter un jugement sur ce numéro 1 : il est à la place exacte de ce qui est nôtre sans que nous puissions le regarder. Mais nous avons envie que les autres le voient, s’en emparent et vivent avec. Nous sommes curieux de l’avis de nos lecteurs. Aussi cette soirée est-elle l’occasion de dire, de fêter la naissance de la revue et de partager l’ouverture de ce qu’elle veut être, un lieu de circulations et d’engagements.

Diane Scott


L’équipe éditoriale présentera également REVUE INCISE le vendredi 10 octobre de 20h30 à 22h lors du SALON DE LA REVUE (à l’Espace d’animation des Blancs-Manteaux 48, rue Vieille-du-Temple à Paris 4ème).

24ème Salon de la Revue

Revue Incise N°1 Sommaire et Extraits

SOMMAIRE

OUVRIR UNE REVUE
Diane Scott

COULEURS LOCALES, LES NOUVELLES AMBIGUÏTÉS
Caroline Châtelet et Élise Garraud

STREET LIFE
Joseph Mitchell, traduit par François Tizon
+
UNE VILLE À LA MER
François Tizon

PAROLES GELÉES OU LE SOULAGEMENT
Diane Scott

ESSAIS D’OCCUPATION
Alexandre Friederich

MARS À VINCENNES, JESSICA AU GROENLAND
Kristina Lowis

L’ART DE PENSER DANS LA TÊTE DES AUTRES
Florent Lahache
+
NÜTZLICHES
Fredric Jameson, traduit par Florent Lahache

S’ADRESSER À TOUS
Diane Scott

J’AI UN PROBLÈME AVEC LES JEUX VIDÉO
Anna Anthropy, pages traduites par Arkady Filin

ON NE PARLE PAS D’ARGENT À TABLE
Juliette Wagman

EXTRAITS

ESSAIS D’OCCUPATION
Alexandre Friederich

(…)
Chassé des grands ensembles bâtis (continuons de les appeler ainsi), Augiéras dès l’âge de trente-cinq ans n’est plus rien : il est sans statut, sans foyer, sans fonction, sans orientation sexuelle, ennemi de toutes les religions, vagabond puis clochard. Et en quête permanente de lieux à créer. Ce sera le mont Athos (qui relève encore d’une distribution organisée du temps), le désert saharien (dans un avant-poste militaire), ce seront enfin une cabane abandonnée et une grotte.
(…)
Augiéras réside dans un hospice. Le régime est martial. Lever à l’aube, cantine, participation à l’entretien des dortoirs. À l’époque, Domme est déjà une ville visitée par les touristes. Augiéras ne frayera ni avec ces curieux ni avec l’autochtone. Il élargit son cercle, erre dans la campagne, longe les falaises. Une ferme se détache dans le paysage, il s’écarte. Plus qu’un itinéraire, qu’une recherche, il procède par divagations. L’incantation et la prière deviennent ses outils. Après divers essais d’habitation précaire, il s’installe dans une anfractuosité de la roche. Sa première pénétration du lieu mêle le pratique et le magique. Il force son chemin dans le noir, relève la tête avec prudence. Étend ses mains, sonde les limites : sol, plafond, bosses, trous.

Nous avons tous fait cette expérience : entrer dans une grotte. Pas Altamira, Chauvet ou Lascaux : une grotte négligée, un accident de la nature. Qu’y faisons-nous ? Nous en sortons. Augiéras reste.
(…)

 

MARS À VINCENNES, JESSICA AU GROENLAND
Kristina Lowis

(…)
L’interaction/communication, si elle est autorisée, est contrôlée : les Kanaks encore présents en 1931 au Bois de Boulogne ne doivent surtout pas montrer qu’ils sont en fait, dans leur pays, des employés modernes, qui savaient parler, lire et écrire et exercer des métiers comme tout citoyen. Le déguisement en soi, cet autre soi que le public exige, est conséquent.

Comme la narration est fondée sur cette participation active, elle s’avère puissante (et tenace) et elle sert diffé- rents buts au cours de l’évolution des expositions pendant plus d’un demi-siècle d’existence – les expositions peuvent servir des intérêts relevant tantôt du cirque, tantôt de la vente, tantôt de la propagande coloniale.

Faut-il espérer ou craindre que ces humains exposés aient, comme le rêvait Hagenbeck, peut-être, sans le vouloir, amené un bout de cette civilisation avec eux ? Qu’ont-ils trouvé de plus marquant dans cette expérience ?

Des voix critiques, très minoritaires, existent cependant : ceux qui ne sont pas dupes de la mascarade, et peut-être moins ceux qui ne souscrivent pas au formidable projet de porter la « civilisation » ailleurs. On les entend notamment vers la fin de ce type de spectacle. À l’occasion de l’Exposition coloniale de 1931 au Bois de Vincennes, année pendant laquelle des Kanaks sont exposés à l’Oktoberfest de Munich, ce sont les surréalistes qui s’insurgent et lancent un appel au boycott de cette manifestation. Dans son poème Mars à Vincennes, Louis Aragon fait de riches allusions aux mélanges infects de capitalisme et de colonialisme et résume : « Il pleut il pleut à verse sur l’Exposition coloniale ».
(…)

 

PAROLES GELÉES OU LE SOULAGEMENT
Diane Scott

(…)
Par où commencer sinon par l’importance de Paroles gelées, spectacle conçu à partir de textes de Rabelais, principalement Le Quart Livre, en 2012 au Théâtre Gérard-Philipe à Saint-Denis, dont le metteur en scène a été nommé directeur l’année suivante ? Spectacle qui poursuit une tournée conséquente, dont une reprise dans la salle Renaud-Barrault au Théâtre du Rond-Point à Paris tout mars 2014 (« 745 places » précise le dossier de presse). Le Centre dramatique national de Saint-Denis, comme la plupart des CDN de la banlieue parisienne, porte la symbolique entière de la question culturelle sur les épaules : un lieu de théâtre dans l’une des villes les plus pauvres de France, dans un département dont le nom résume les échecs politiques français du tournant de ce siècle. Les questions que le milieu théâtral identifie comme étant les siennes s’y trouvent surexposées : celle des années 1990, de la crise de la démocratisation culturelle, celle des années 2010, de la montée du Front National – cette dernière semblant exiger que l’on cesse d’exclure, culturellement d’abord. Haro sur « l’élitisme », avec les confusions que la notion recouvre. Comme l’écrit Michel Simonot, « la peur de faire peur » ouvre une nouvelle ère culturelle, qui est loin d’épargner les mairies de gauche : la raison populiste. Il s’agira donc de faire montre que l’on prend la question à bras-le-corps. Le moins que l’on puisse dire est qu’un spectacle à partir de Rabelais en Seine-Saint-Denis qui est un succès emporte une triple détermination en terme de « populaire ».
(…)

 

COULEURS LOCALES, LES NOUVELLES AMBIGUÏTÉS
Caroline Châtelet et Élise Garraud

(…)
Après avoir encore parcouru « L’École Buissonnière », « La Pièce Rapportée », « Le Studio Photo », « Le Rade »,
« Le Snack Local » et « La Ferme », un désir d’éclaircissement, passant par la confrontation à des modèles de lieux identifiés, gagne le visiteur.

Espace singulier de statut privé à usage public, un bar ou un café est un lieu aux usages codifiés et en même temps un lieu assez peu déterminé. Lieu où trouver ce qu’on cherche parfois intuitivement, sans bien savoir quoi (la rencontre, la solitude ou le passage du temps), qui laisse la place à l’imprévu. On s’en fait facilement une idée utopique, mais cette représentation a tendance à masquer la réalité de certains endroits, résultat d’un marketing hyper-sophistiqué se redéfinissant sans cesse. On y ressent alors une gestion des publics au détriment de la recherche d’une certaine qualité de service, la pratique la plus répandue étant la sectorisation des consommations dans des plages horaires empêchant de boire un simple café à l’heure du déjeuner ou après dix-huit heures.

Au Comptoir Général, on pourrait croire un instant que, comme dans le meilleur des cafés, on peut faire ce que l’on veut. Les attractions (« La Cour des Miracles », « La Bonne Nouvelle », pour citer encore quelques exemples) apparaissent comme autant d’idées que nous n’aurions pas eues tout seul, elles dépassent par leur force d’évocation imaginaire l’idée que nous nous ferions de ce qui est possible ou autorisé. Ce faisant, elles remplissent un vide, devancent un écart qui devrait rester intact pour que s’éprouve un sentiment de liberté. Et en fait, on reste un peu en suspens, dérouté, on circule plutôt qu’on ne s’arrête. Car faire ce que l’on veut n’est pas se prêter à des animations, et cette offre prolifique, qui cherche à donner à l’espace un contenu, induit un faux sentiment de disponibilité. Une telle fonctionnalisation de l’espace façonne les pratiques avec une certaine contradiction : voilà finalement un espace qui nous dit quoi faire.
(…)

 

STREET LIFE
Joseph Mitchell, traduit par François Tizon

(…)
Ce que j’aime vraiment faire c’est errer sans but dans la ville. J’aime marcher dans les rues le jour et la nuit. C’est plus qu’aimer ça, de simplement aimer ça – c’est une aberration. De temps à autre, par exemple vers neuf heures le matin, je monte les marches du métro et je prends la direction de l’immeuble de bureaux du centre de Manhattan où je travaille, mais en chemin un changement se fait en moi – je perds effectivement le sens des responsabilités – et quand j’atteins l’entrée de l’immeuble je passe devant comme si je ne l’avais jamais vu auparavant. Je continue à marcher parfois seulement pendant une heure ou deux mais d’autres fois jusque tard dans l’après-midi, et je me retrouve souvent emporté à une distance considérable du centre de Manhattan – peut-être au nord du Bronx Terminal Market, ou au-delà sur de vieux quais à sucre délabrés des berges de Brooklyn, ou dans la partie la plus herbeuse d’un vieux cimetière envahi par les mauvaises herbes de Queens. Cela ne m’est jamais vraiment difficile de trouver une excuse pour justifier mon comportement – une migraine qui refuse de se calmer est une excuse suffisante, et une journée inhabituellement morne et couverte est une aussi bonne excuse qu’une journée inhabituellement douce et printanière. Ou cela peut être aussi une pensée terrifiante ou déconcertante ou humiliante, qui me vient à l’esprit alors que je veille allongé au milieu de la nuit et qui me revient sans cesse – une pensée sur la rapidité du temps dans son vol, par exemple, ou sur la vieillesse elle-même, ou sur la mort en général et la mort en particulier, ou sur la possibilité (qui est pour moi bien plus terrifiante que la possibilité d’une guerre nucléaire) qu’après la mort beaucoup d’entre nous seront amenés à se rendre compte (et de manière qui plus est assez brutale, comme le faisait remarquer une fois un de mes amis couché sur son lit de mort à l’hôpital) que les flammes éternelles et perpétuelles de l’enfer existent bien en réalité.
(…)

 

J’AI UN PROBLÈME AVEC LES JEUX VIDÉO
Anna Anthropy, premier chapitre de La Marche des fanzineurs de jeux vidéo, traduit par Arkady Filin

(…)
Dès lors, une spirale infernale se met en place : les éditeurs ne cautionnent que des jeux construits sur un modèle ayant déjà fait ses preuves afin d’être commercialisés auprès de publics déjà identifiés, et seulement auprès de ces publics-là. Les publics dont il est question sont composés essentiellement de jeunes adultes, et majoritairement d’hommes. Et ce sont ces mecs, baignant depuis longtemps dans la culture des jeux ambiante, qui sont amenés un jour à entrer dans l’industrie du jeu vidéo pour prendre part à leur création. La population qui crée les jeux devient de plus en plus auto-référentielle et homogène : c’est le même petit groupe de gens qui crée toujours les mêmes jeux pour eux-mêmes.
(…)
Il fut un temps où la création de jeux numériques était limitée à ceux qui savaient comment parler aux ordinateurs : les ingénieurs et les programmeurs, les gens qui savaient coder. Dans l’industrie des jeux vidéo contemporaine, les codeurs sont un maillon indispensable de la hiérarchie de production, puisque les jeux auxquels nous jouons sur nos machines nécessitent des créateurs capables de négocier avec ces machines. La création de jeux est intimidante pour quelqu’un qui ne code pas de manière professionnelle. Mais de plus en plus d’outils de création de jeux vidéo sont pensés et conçus pour des gens qui ne sont pas des codeurs émérites. Il est désormais possible pour des personnes qui n’ont aucune expérience de la programmation
– amateurs, concepteurs de jeux indépendants, fanzineurs – de réaliser leurs propres jeux et de les distribuer en ligne.
(…)

 
S’ADRESSER À TOUS
Diane Scott

(…)
Poursuivons : comme un médecin généraliste est prolétarisé par la diffusion de logiciels de diagnostics qui le privent de (l’exercice de) son savoir, l’émergence, comme dispositif de programmation et en ce qu’elle révèle du fonctionnement quotidien de la programmation publique, manifeste une prolétarisation du programmateur de théâtre. Or l’acte de programmation est le pivot sur lequel repose le théâtre public. Et, en s’inspirant des analyses de la psychothérapie institutionnelle, si l’on veut travailler la différence entre établissement et institution, entre un bâtiment sous contrat avec l’État et un lieu qui s’emploie à déjouer sa propre tendance à être un outil de ségrégation, il faut s’attabler autour de cette question : « qu’est-ce que programmer ? » . J’ajoutai donc à mon article deux choses ce jour là : 1) l’émergence fait symptôme dans la production théâtrale, elle est le signe et l’outil d’une dégradation du travail du programmateur (lors même qu’elle donne au métier une allure de corps constitué), 2) la programmation comme choix est l’acte qui structure en principe le théâtre public, celui autour duquel se joue non seulement la singularité de cet espace, mais son enjeu même.
(…)

 

NÜTZLICHES
Fredric Jameson, premier chapitre de Brecht and Method, traduit par Florent Lahache

(…)
Ne devrions-nous pas en effet – comme les étudiants apprentis-activistes de La Chinoise de Godard – finalement et à contre-cœur, à regret mais sans fléchir et en connaissance de cause, barrer à la craie le dernier nom subsistant sur le tableau, celui de Brecht, qui seul survit à l’élimination progressive de ce qui s’appelait autrefois, de diverses manières, la tradition bourgeoise occidentale ? Ou – pour le dire autrement, et d’une manière qui menace notre projet de façon plus directe et définitive – n’y a-t-il pas quelque chose de profondément non brechtien dans la tentative de réinventer et de faire revivre un « Brecht pour notre époque », de dresser un inventaire de « ce qui est vivant et ce qui est mort chez Brecht », de définir un Brecht postmoderne ou un Brecht pour le futur, un Brecht post-socialiste ou même post-marxiste, le Brecht de la théorie queer ou de l’identité politique, le Brecht deleuzien ou derridien, ou peut-être le Brecht du marché et de la mondialisation, un Brecht américain de la culture de masse, un Brecht du capital financier : pourquoi pas ? Slogans infâmes, qui charrient en eux-mêmes une conception refoulée de la postérité, et fantasment inconsciemment le canon comme une forme d’immortalité personnelle, dont l’opposé n’est autre – tout naturellement – que l’extinction personnelle.

 

ON NE PARLE PAS D’ARGENT À TABLE
Juliette Wagman

(…)
Il n’y a pas de budget type, les budgets sont façonnés par le but qu’on leur assigne, qu’on en soit le fabricant ou le commanditaire. Les formations à la gestion de la culture sont pléthore. On y apprend à établir des budgets, mais il n’existe aucune initiation à leur lecture. Souvent ces questions sont difficiles à aborder. Il y a là quelque chose d’un peu sale et de dérangeant à parler du contenu d’un budget. « Il n’y a pas que l’argent dans la vie », me rappelait-on récemment. Le budget est une chose qu’on balaie comme une affaire technique, la simple transcription d’une réalité qui serait ailleurs.
Pourtant, le petit bout de la lorgnette n’est pas toujours le mauvais. Prenant comme prétexte le recueil d’entretiens avec Olivier Mantei Public/Privé (Archimaud éditeur/Riveneuve, 2014), je propose de regarder le document administratif qu’est un budget comme un récit politique. Une lecture des grilles fournies en annexe de Public/ Privé permettra, je l’espère, de nous réapproprier un peu de ce qui ne semble plus nous appartenir, les budgets, et d’éclairer la façon dont les auteurs envisagent ces questions.
(…)

REVUE DE PRESSE DE TRAFIC

REVUE DE PRESSE DE TRAFIC

 

Daniel Jeanneteau régule le «TRAFIC»
LE MONDE – 03.05.2014

LA TERRASSE – 05.2014
Manuel Piolat Soleyma

Bio Juliette Wagman

Juliette Wagman

Après des études de lettres modernes, Juliette Wagman suit une formation à la pratique théâtrale au sein des Ateliers du Sapajou, école dirigée par Annie Noël. Elle effectue parallèlement un stage d’une saison au Théâtre 71, Scène Nationale de Malakoff, où elle découvre le travail des différents services : communication, relations publiques, administration et technique. En 2000, elle devient collaboratrice artistique de divers metteurs en scène et mène une aventure de compagnie avec Cécile Backès. Durant trois ans, elle a également en charge la coordination des ateliers de pratique artistique en milieu scolaire pour le Théâtre 71. Par la suite, elle effectue une formation en administration du spectacle vivant et rejoint le Studio-Théâtre de Vitry en janvier 2009 au poste d’administratrice. Elle est aujourd’hui directrice adjointe du Studio-Théâtre de Vitry.

Stage laurence Mayor

Durant deux week-ends au mois de juin nous accueillons la comédienne Laurence Mayor pour un stage autour de quelques extraits de l’œuvre de Dante L’ENFER. Ce stage est ouvert aux comédiens amateurs et professionnels, il se déroulera les week-ends des 14-15 et 21-22 juin 2014 de 10h à 19h au Studio-Théâtre. Vous pouvez nous envoyer vos candidatures par mail avant le mardi 3 juin 2014.


Stage pour amateurs et professionnels avec Laurence Mayor

autour de quelques extraits de L’ENFER de Dante

Un violoniste a son violon, et l’acteur ? Il est lui-même son instrument… Il s’agit pour lui autant de « jouer » que « d’être ». Cet instrument, le connaît-on ? Par exemple : qu’est-ce que la « présence » ? La « présence » au théâtre est un mot tout puissant, un mot qui tombe comme un couperet : il y a ceux qui en ont et les autres. On n’en parle pas, c’est un sujet tabou comme l’injustice d’avoir un gros nez ou un bras en moins. Il nous semble au contraire que la « présence » est quelque chose d’universel, qui demande à être approfondi et non pas « subi », car ce qu’elle a à dire est un trésor pour l’acteur. Ce stage propose une descente dans les strates d’une réalité avec laquelle on n’a pas l’habitude de vivre. Entrer en contact avec elles, c’est s’enraciner dans du plus vaste, du plus autonome, du plus imprévisible…

Les matins, il sera proposé toutes sortes de prises de conscience sous forme d’improvisations très cadrées, dont voici quelques thèmes : l’espace, qu’est-ce que c’est ? En quoi me concerne-t-il ? L’acteur est-il créateur d’espace ? Où s’arrête l’intérieur et où commence l’extérieur ? L’axe de gravité traverse la verticale du corps humain, quelles en sont les conséquences ? Et le temps… C’est quoi une action ? Par exemple « être assis », « se taire », est-ce une action ? L’espace est-il vivant ? Peut-on sortir de l’idée des choses pour entrer dans l’inconscient des choses ? Jean Genet parle de « la nostalgie d’une civilisation qui tâcherait de s’aventurer ailleurs que dans le mensurable ». Il dit encore : « Il n’est pas à la beauté d’autre origine que la blessure, singulière, différente pour chacun, cachée ou visible, que tout homme garde en soi, qu’il préserve et où il se retire quand il veut quitter le monde pour une solitude temporaire mais profonde ». Voilà une question que se propose d’approfondir le travail du matin : l’axe de gravité est-il cette blessure, origine de la beauté ?

Les après-midi, se diviseront en deux ateliers successifs : l’un où il sera proposé d’intégrer les prises de conscience du matin par des improvisations beaucoup plus libres. L’autre où il sera proposé une recherche à partir d’un passage de L’Enfer de Dante : appréhender la profusion des pensées, des sens imprévisibles qui courent sous la peau « raisonnable » des mots… Puis les deux ateliers se fondront en un seul et le texte, petit à petit, entrera dans les improvisations.

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Candidatures

Les candidatures sont à envoyer par mail avant le mardi 3 juin 2014, accompagnées de quelques lignes de présentation et de vos coordonnées (nom, adresse, téléphone). Vous pouvez éventuellement mentionner vos expériences artistiques ainsi que toute information qui vous semblerait pertinente.

Vous recevrez une réponse le 5 juin 2014 à partir de 18h.

Le stage est gratuit et limité à quinze personnes.

Il a lieu les week-ends des 14-15 et 21-22 juin 2014 de 10h à 19h, au Studio-Théâtre de Vitry.

Il est indispensable d’être disponible sur l’ensemble des 4 jours aux horaires indiqués.

Inscriptions au stage : studio.theatre.vitry@wanadoo.fr


Née à Neuchâtel en Suisse, Laurence Mayor a fait l’Ecole d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg. Ensuite elle a joué dans :

Germinal,   de Michel Deutsch, mis en scène par Jean-Pierre Vincent au Théâtre National de Strasbourg.
Dimanche,   écrit et mis en scène par Dominique Müller et Michel Deutsch, au Théâtre National de Strasbourg.
Franziska,   de Wedekind, mis en scène par Hélène Vincent, au Théâtre National de Strasbourg.
Antigone,   de Hölderlin, mis en scène par Michel Deutsch, au Théâtre National de Strasbourg.
La Mouette,   de Tchékov, mis en scène par Bruno Bayen, au Théâtre des Amandiers de Nanterre.
Le Belvédère,   de Horvath, mis en scène par Alain Françon, au Théâtre National de Chaillot.
La jeune lune tient la vieille lune toute une nuit dans ces bras,   par le Théâtre de l’Aquarium, mis en scène par Jacques Nichet.
Monsieur de Pourceaugnac,   de Molière, mis en scène par Philippe Adrien, au Théâtre d’Aubervilliers.
La Mort d’Empédocle,   de Hölderlin, mis en scène par Alain Ollivier, au Théâtre de Vitry.
L’Ignorant et le fou,   de Thomas Bernhard, mis en scène par Alain Ollivier, au Théâtre d’Vitry.
Avis de recherche,   écrit et mis en scène par Jacques Lassalle, au Théâtre Gérard Philippe de Saint Denis.
L’Eléphant d’or,   de Kopkov, mis en scène par Bernard Sobel, au Théâtre de Genevilliers .
La vie que je t’ai donnée,   de Pirandello, mis en scène par Massimo Castri au Théâtre national de Strasbourg .
Noise,   de Enzo Cormann, mis en scène par Alain Françon, à Théâtre Ouvert .
Je songe au vieux soleil,   d’après Absalon ! Absalon ! de W. Faulkner, adaptation de Laurence Mayor, mis en scène par Alain Françon, à Théâtre Ouvert .
Le Drame de la vie,   écrit et mis en scène par Valère Novarina, au Théâtre des Amandiers de Nanterre .
Belle journée d’août 1913, d’après « L’Homme sans qualité » de Müsil, adapté et mis en scène par Dominique Ducos, au Théâtre de Gennevilliers.
The Dinner,   de Murielle Mayette, au Théâtre Gérard Philippe de Saint Denis.
Vous qui habitez le temps,   écrit et mis en scène par Valère Novarina , au Théâtre de La Bastille .
Je te salue vieil océan ! d’après « La Faim » de Knut Hamsun, adapté par Laurence Mayor, mis en scène par Anne Wiazemsky, au Théâtre de La Bastille.
Entrée perpétuelle,   d’après Le Drame de la vie de Valère Novarina, adaptation de Laurence Mayor, mis en scène par Pascal Omhovère, au Théâtre de La Bastille.
Je suis,   écrit et mis en scène par Valère Novarina, au Théâtre de La Bastille.
Weimarland,   écrit et mis en scène par Bruno Bayen, au Théâtre de La Bastille.
Mais le meilleur guerrier,   écrit et mis en scène par Nicolas Peskine,au Théâtre des Provinces , à Blois.
L’Ombre dans la vallée,   de Synge, mis en scène par Louis-Do de Lancquesaing, au Festival Théâtre en Mai, à Dijon.
Nora,   de Jelinek, mis en scène par Claudia Stavisky, au Théâtre National de La Colline.
Les Géants de la montagne,   de Pirandello, mis en scène par Bernard Sobel, au Théâtre de Gennevilliers.
Le Condor,   écrit et mis en scène par Joël Jouanneau, au Théâtre de La Bastille.
La Chair de l’homme,   écrit et mis en scène par Valère Novarina, au Théâtre du Rond-Point, à Paris.
Le Repas,   de Novarina, mis en scène par Claude Buchvald, au Théâtre de Beaubourg.
Peep show dans les Alpes,   de Köbeli, mis en scène par Robert Bouvier, au Théâtre Vidy à Lausanne.
L’Opérette imaginaire,   de Novarina, mis en scène par Claude Buchvald, au Théâtre de La Bastille, et des Bouffes du Nord, à Paris.
L’Origine Rouge,   écrit et mis en scène par Valère Novarina, au Théâtre National de La Colline.
Tête d’Or, de P. Claudel, mis en scène par Claude Buchvald, au Théâtre des Bouffes du Nord, à Paris .
Les Paravents, de J. Genet, mis en scène par Frédéric Fisbach, au Théâtre National de La Colline, à Paris.
Les Ecrits bruts, conçu et interprété par Giuseppe Molino et Laurence Mayor, au Studio Théâtre de Vitry.
L’Illusion comique, de Corneille, mis en scène par Frédéric Fisbach, au Théâtre National de l’Odéon.
Le Nom de Jon Fosse, mis en scène par Jean-Christophe Blondel, au Théâtre du Lavoir Moderne, à Paris.
Animaux d’Alain Enjary, mis en scène par Danièle Marty, au Théâtre Mobile à Mulhouse.
Cavaliers vers la mer de Synge, mis en scène par Benoît Résillot, au Studio Théâtre de Vitry.
Les Paravents de Jean Genet, reprise de la mise en scène de Frédéric Fisbach, au Festival d’Avignon 2007, Théâtre Municipal.
Le Prologue du Drame de la vie de Valère Novarina, mis en scène par Philippe Ulysse, au Festival Jeune Création, à La Maison de la poésie, à Paris.
Plus loin que loin de Zinnie Harris, mis en scène par Pierre Foviau, au Théâtre du Nord à Lille.
Rapaces écrit et mis en scène par Fabrice Macaux aux Laboratoires d’Aubervilliers et au Théâtre de Verre à Paris.
Le Marathonien d’après Le Chemin de Damas d’August Strindberg, conçu et interprété par Laurence Mayor, au Théâtre des Amandiers à Nanterre.
Soleil Couchant d’Isaac Babel, mis en scène par Irène Bonnaud, au Théâtre National de Strasbourg.
Nietzsche, Zarathoustra et autres textes, conçu et interprété par Laurence Mayor, à la Maison de la Poésie à Paris.
L’Odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux,  d’après Macbeth de Shakespeare,  conçu et mis en scène par Philippe Ulysse au Théâtre Sylvia Montfort à Paris.
Le Ciel mon amour ma proie mourante, de Werner Schwab, mis en scène par Rémy Barché, à la Comédie de Reims.

Projet : Jachère, de et mis en scène par Jean-Yves Ruf, au Théâtre Gérard Philippe à Saint Denis.

Elle participe au stage de Krystian Lupa : Le Corps rêvant.

Parallèlement à son travail de comédienne elle mène une activité d’enseignement, de recherche et de mise en scène :

1993 : mise en scène de Père, Créanciers et La Danse de mort, de Strindberg, avec les élèves de l’école Parenthèse de Lucien Marchal.
1995 : résidence à La Chartreuse à Villeneuve, autour des pièces Chagrin des îles, Cinquante mille nuits d’amour, et  Ange des peupliers de Jean-Pierre Milovanoff.
1997 : mise en scène d’ Ange des peupliers, de Jean-Pierre Milovanoff,  créé à La Chartreuse au Festival d’Avignon, puis repris, après une tournée en France et à l’étranger, au Théâtre National de la Colline.
1998 : intervention au conservatoire de Montpellier et  au Théâtre National de Toulouse
1999 : intervention au Centre National des Arts du Cirque de Châlons et à l’Ecole d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg.
2000 : intervention à l’Ecole d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg.
2003 : dirige une résidence à Paris, en vue de la création du  premier Chemin de Damas de Strindberg, avec 22 artistes du cirque et comédiens.
2004 : après une résidence au Centre des Arts du Cirque de Basse Normandie, à Cherbourg, elle présente une première étape de la création du Chemin de Damas de Strindberg.
2004 : intervention à L’Académie Fratellini, autour des Ecrits Bruts.
2005 : création du  Chemin de Damas de Strindberg, au Cirque-Théâtre d’Elboeuf dans le cadre du Festival Octobre en Normandie.
2006 : dirige une résidence à Pontempeyrat où elle commence un travail de recherche sur « l’acteur créateur d’espace » avec des comédiens et des danseurs.
2007 : nouvelle résidence au Centre des Arts du Cirque de Basse Normandie, à Cherbourg, où elle poursuit un travail de recherche, sur Nietzsche, avec des comédiens et des circassiens.
2008 :  résidence à Pontempeyrat  avec des comédiens et danseurs où elle poursuit sa recherche sur « l’acteur créateur d’espace ».
2008 :  intervention à l’Ecole d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg sur sept pièces de Jon Fosse.
2009 : donne un stage à Paris sur Jon Fosse et Auguste Stramm.
2009 : donne un stage dans le désert du Sahara sur Antigone de Hölderlin.
2010 : donne un stage dans le désert du Sahara sur Antigone de Hölderlin.
2011 : met en scène Anticlimax de Schwab, avec les élèves de la Haute Ecole de Théâtre de Suisse Romande, « La Manufacture », à Lausanne.
2015 : projet de spectacle autour du Fou sublime et Fou grotesque : Hölderlin et Feydeau, avec les élèves de la Haute Ecole de Théâtre de Suisse Romande, « La Manufacture », à Lausanne.

Par ailleurs elle suit des stages de danse avec Bernardo Montet, Daniel Larrieu, Alban Richard, Toméo Vergès, et de danse Buto avec Atsushi Takenouchi, de Qi Gong avec Christine Burgos et Olivier Gelpe. Et depuis 2009 elle suit des cours de chant avec Françoise Rondeleux

Bio Pierre-Damien Crosson

Pierre­-Damien Crosson

Pierre­-Damien Crosson est né en 1981 à Clermont-Ferrand. Il a grandi et effectué ses études dans la région d’Aix­-Marseille. Diplomé d’un brevet de technicien supérieur de l’audiovisuel en 2002, il a commencé à travailler en qualité de technicien du son sur des concerts et événements de la région PACA avec divers associations. Il s’est orienté vers le théâtre en arrivant à Paris en 2007 avec divers compagnie pour enfin intégrer l’équipe du Studio théâtre. Son statut à évolué au fil des années, au titre de régisseur général.
Il est également musicien-­compositeur de musiques électroniques .

Bio Réjane Michel

Réjane Michel

Diplômée de l’EDHEC (Ecole des Hautes Etudes Commerciales du Nord) en 1994, Réjane Michel travaille pendant 20 ans dans la production de films.
Elle a produit notamment le film documentaire La danse, l’art de la rencontre de Dominique Hervieu et José Montalvo – Arte France 2007, le film documentaire de Souad Kettani Musiques  – Téléssonne  2009, le court-métrage de fiction de Laurent Larivière Les larmes – France Télévisions  2010 et Giacomino, premier long métrage d’Alessandro Comodin, qui a reçu une reconnaissance internationale.
En 2013, elle rejoint le Studio-Théâtre de Vitry en tant que chargée d’administration. En 2015, elle en devient l’administratrice.

Bio Stéphanie

Stéphanie Béghain

Elle a suivi une formation d’actrice après avoir interrompu sa scolarité, à Toulouse, puis à Paris au conservatoire. Poursuit sa formation depuis 20 ans au sein d’institutions ou de compagnies de théâtre et de théâtre de rue (Arche de Noé, 3BC compagnie, Éclat Immédiat et Durable, Lala Farcette) en pratiquant la tragédie, la danse, l’enseignement. D’abord engagée comme lectrice de manuscrits au Théâtre National de la Colline, Stéphanie Béghain est actrice dans les spectacles d’Alain Françon (E. Bond, D. Danis, M. Mayenburg), André Wilms (B. Srbljanovic), Christophe Perton (M. N’Diaye). Elle crée avec Joris Lacoste 9 lyriques pour actrice et caisse claire et participe à la création de sa pièce Purgatoire. A coréalisé, avec Olivier Nourisson, Hodinos, médailliste anatomanisé (œuvre écrite par E.J. Hodinos à l’hôpital psychiatrique de Maison-Blanche à la fin du XIXe siècle), puis x=us avec le Collectif B/N qui est une digression sur le texte en ancien français de Perceval de Chrétien de Troyes. Stéphanie commence mais n’achève pas le projet de Théâtre Permanent (Les Justes-A.Camus, Lorenzaccio-A.de Musset) de Gwenaël Morin aux Laboratoires d’Aubervilliers. Depuis huit ans, elle réalise avec les patients et soignants de l’hôpital de jour de Bondy, un atelier de lecture qui ouvre ses portes au public deux fois par an.
Elle lit régulièrement dans des bibliothèques, librairies, hôpitaux, théâtres, musées, radios, des textes de théâtre ou non. Participe à la réalisation du film Salaud d’argent ; si je t’oublie Jérusalem avec le groupe Boris Barnet au sein de la Coordination des Intermittents et Précaires. Avec Isabelle Gressier et Olivier Derousseau, fabrique la pièce Et la terre se transmet comme la langue : c’est un poème de Mahmoud Darwich et une maison. Depuis 2013 elle anime le comité des lecteurs du Studio-Théâtre de Vitry.

Bio Jérémy

Jérémy Tourneur

Jérémy Tourneur est né en 1984 en région parisienne. Après des études de Médiation Culturelle à la Faculté de Paris 3 il a commencé son cursus professionnel dans le réseau des musiques actuelles. Il a travaillé notamment au sein de l’association « Musiques Tangentes » à Malakoff ainsi qu’au « Tremplin » à Ivry-sur-Seine en tant que chargé d’accueil et de la communication. Il travaille au Studio-Théâtre depuis juin 2009.

Presse Aveugles VERONIQUE HOTTE

Les Aveugles de Maurice Maeterlinck, mise en scène et scénographie de Daniel Jeanneteau, collaboration artistique Jean-Louis Coulloc’h
BLOG DE VERONIQUE HOTTE – 31/01/2014

Brume et cornes de brume maritime assourdies dans le lointain, tintements rituels de cloches de petites chapelles, gazouillis inquiétants ou stridulations d’oiseaux sauvages, basses de frôlements d’ailes furtives, claquements de portes métalliques et de bois, la campagne, la mer et le vent ont rendez-vous avec Les Aveugles de Maeterlinck auxquels Daniel Jeanneteau accorde une lumière souveraine à l’intérieur d’une scénographie savante. Avec la confusion des apparences – silhouettes et visages indistincts – et dans une impression d’humidité prégnante alors qu’il fait bon, le spectateur se réveille dans un matin d’hiver âcre ou un soir d’automne incertain.

Où sont les acteurs qu’on ne sépare pas du public ? Chacun a voix au chapitre pourtant, tout à côté de soi ou plus loin, dans la perspective opposée.

«  Il fait extraordinairement sombre, malgré le clair de lune qui, çà et là, s’efforce d’écarter un moment les ténèbres des feuillages », Maeterlinck pose ainsi son décor au début de la pièce. Et si Daniel Jeanneteau installe le public dans un brouillard épais que de subtiles pluies de lumière révèlent au milieu d’un fouillis de chaises éparses en attente des spectateurs, c’est pour mieux répondre à l’harmonie épouvantée et sombre de l’œuvre du symboliste. La prose poétique de Maeterlinck est gravée dans la nuit impénétrable de la nature et de ses éléments, un cadre originel qui inquiète les hommes en altérant pensées, sentiments et simple plaisir d’être. La présence ténébreuse dont il est question et qui se manifeste à travers les bruits feutrés et assourdis de ces êtres fragiles que sont les personnages du théâtre de Maeterlinck, n’est autre que la mort. Or, il s’agit de résister individuellement à la fixité de l’énergie glacée par le néant, en retrouvant au-delà de la solitude, la communauté des humains avec échanges et partages d’une parole humble.

Pour le groupe soudé, l’image d’un nouveau-né qui peut-être voit la lumière est porteuse d’espérance et d’avenir.

C’est de l’incertitude même que naît l’élévation de la pensée comme la poésie de la vie.

La mise en scène propose l’expérience singulière des « étranges tempêtes de l’inarticulé et de l’inexprimable », ces sensations existentielles caractéristiques d’une écriture pleine de mystère et d’inquiétude.

La situation dramaturgique est métaphorique : six hommes et six femmes aveugles se trouvent, le temps d’une balade, sur des versants boisés insulaires, conduits par un prêtre qui disparaît mortellement. La tension collective et individuelle monte pour cette raison que tous sont perdus dans un jour énigmatique sans soleil ; ils sont non seulement privés de lumière mais aussi de guide.

Dès le moment où nous naissons au monde, « longtemps encore, toujours peut-être, nous ne serons que de précaires et fortuites lueurs, abandonnées sans dessein appréciable à tous les souffles d’une nuit indifférente ». Voilà le matériau du vivant édicté par l’auteur sur lequel travaille de façon constructive l’art du metteur en scène, accompagné pour ce paysage sonore insolite du concepteur Alain Mahé, en collaboration avec l’Ircam.

À côté du registre des sons, le souffle universel est cette respiration qui anime les êtres et leur donne à la fois l’air, l’âme et la vie. L’épreuve est organique, du mot « organum » qui renvoie à la musique vocale polyphonique.

Aussi, la représentation des Aveugles est-elle appréhendée comme une partition de silences et de mots, de répétitions, de cris confus et de respirations, qui provoquent un espace et un volume de froid d’où surgissent visions et sensations.

Le spectacle vivant, à la manière d’un espace végétal, un morceau de lande et de littoral, instille de l’oxygène à l’espace et au temps de ce théâtre singulier, en mettant à nu le sentiment de pleinement exister.

Est-ce l’art, l’instrument fabriqué, qui imite la nature avec les voix humaines et les sons quotidiens ? Ou bien est-ce la nature qui imite l’art ? Personne n’échappe à ce vertige bienfaisant d’exister que revivifie la représentation.

Tous les comédiens distillent une présence juste, différenciée et solitaire, des êtres frappés et embellis par la souffrance du métier de vivre, des amateurs et des professionnels, dont Stéphanie Béghain et Jean-Louis Coulloch, entre autres.

Presse Aveugles Jean-Pierre Han

Un théâtre de la pensée et de la sensation
FRICTIONS- 06/02/2014
Par Jean-Pierre Han

Avec son poème dramatique, Les Aveugles, Maurice Maeterlinck n’hésite pas à mettre à la question le théâtre qui est, comme chacun sait, l’art du regard. Il le fait aussi bien au plan de sa formulation avec, pour commencer, son titre explicite, qu’au plan de son contenu. Il s’agit en effet de l’« histoire » de douze aveugles (six hommes et six femmes), de toutes conditions et de tous âges, aveugles de naissance, par accident ou à la suite d’une maladie : l’humanité entière, en fin de compte, est représentée… Un vieux prêtre qui guidait le groupe dans une très ancienne forêt « à l’aspect éternel, sous un ciel étoilé » est mort parmi eux, mais ceux-ci ne le savent pas encore et attendent son retour pour pouvoir regagner leur hospice. Pour l’heure, ils sont perdus. Quant à l’ « histoire », il n’y en a pour ainsi dire aucune. Nous n’avons que des phrases ou fragments de phrases émis par les uns et les autres, à peine des dialogues ou des répliques, juste des voix émergents du crépuscule, polyphonie trouée de silences. Du langage amené à son point d’extinction comme le fera Samuel Beckett plus d’un demi-siècle plus tard (Les Aveugles datent des années 1890)… Il va de soi que presque toutes les représentations de cette pièce mettent l’accent sur l’obscurité ambiante, renvoyant ainsi le spectateur à l’absence de vue accablant les personnages. Daniel Jeanneteau qui a longtemps été le scénographe attitré de Claude Régy, a donc travaillé avec lui sur La Mort de Tintagiles de l’auteur belge, expérimentant avec lui toutes les nuances de l’obscurité et du noir, renverse dans sa mise en scène – c’est bien là tout ce qui fait sa valeur et son originalité, sa force aussi – la proposition initiale. Le spectateur découvre tout à coup que l’absence de vision, la cécité, ne sont pas forcément liées au noir. La lumière blanche portée à son point d’incandescence peut aussi aveugler. Oui, la lumière aveugle ! Elle est ici signée Anne Vaglio qui joue à merveille des intensités lumineuses blanches. Et Jeanneteau poursuit son renversement : ce ne sont plus les douze aveugles qui ne voient pas, mais bel et bien nous autres spectateurs. Le glissement des uns aux autres est particulièrement marquant. À l’entame du spectacle nous sommes invités à pénétrer dans un lieu qu’une épaisse nappe de fumée blanche rend impossible à identifier. Il y a là des chaises contre lesquelles il faudra éviter d’aller cogner ; elles sont posées dans tous les sens, selon aucune logique discernable. Cela et rien d’autre. Vous comportant en véritable aveugle, le pas mal assuré, vous vous accrochez à l’une d’entre elles, établissant avec soulagement votre dérisoire territoire et attendez que les choses –le spectacle ? – commence vraiment, alors qu’il est déjà commencé depuis votre entrée dans ce lieu… blanc, mais vous ne le saviez pas encore.

D’autres personnes s’installent sur les chaises, devant, derrière, à côté de vous… Les aveugles sont là, mais qui est aveugle ? En réalité les comédiens sont dispersés çà et là, à vos côtés, derrière ou un peu plus loin. Vous leur attribuerez cette fonction parce qu’ils se lèvent, s’agitent et prennent la parole, et vous finissez par reconnaître quelques professionnels parmi eux ; Jean-Louis Coulloc’h, Stéphanie Béghain, Benoit Résillot… mais fondus avec les amateurs qui participent à l’aventure proposée par Daniel Jeanneteau. Ils sont tous au même diapason, formidables… Une étrange tension s’établit accentuée par le discret mais très efficace environnement sonore et musical d’Alain Mahé. C’est vous qui êtes perdus dans ce lieu sans perspective, où surtout il n’y a pas de scène, ou alors celle-ci est partout ; c’est la scène du monde. C’est admirable parce qu’il y a là une véritable pensée sur le théâtre, sur sa matière, ses espaces dans lesquels les corps trouvent leur place adéquate et l’énergie pour se mouvoir, et devenir les réceptacles parfaits de toutes les sensations. Un théâtre de la pensée et de la sensation qui met en jeu le spectateur, la chose est assez rare par les temps qui courent pour nécessité de mise en exergue.

Presse Aveugles Joëlle Gayot

Les Aveugles
LA VIE – 13/02/2014
Par Joëlle Gayot

Blotti au cœur de pavillons, dans la banlieue sud de Paris, le Studio-Théâtre de Vitry, dirigé par Daniel Jeanneteau, a toujours été le lieu d’expériences singulières. La dernière création(en tournée) de ce metteur en scène, sur un texte de Maeterlinck,ne déroge pas à la règle. Si l’argument est mince – 12 aveugles,perdus dans la nature, attendent,en vain, le retour d’un prêtre qui leur sert de guide –, la représentation est un voyage déroutant hors des limites de la raison. Assis parmi le public, dans une salle envahie par un brouillard opaque, les acteurs prennent la parole. Leur attente, leurs peurs, leurs doutes deviennent nôtres. Saisis par la tension des interprètes, nous fermons les yeux pour mieux écouter ces bruits qui peuplent la cécité des personnages : souffle du vent,crissements de pas, rugissement de l’orage, pleurs d’enfants. Ce que nous vivons alors est au plus près de leur angoisse.

Presse Aveugles Catherine Robert

Les Aveugles
LA TERRASSE – 24/01/2014
Par Catherine Robert

Plongée sensorielle dans la cécité, le spectacle de Daniel Jeanneteau donne à vivre, mieux encore qu’à voir ou entendre, le texte de Maeterlinck. La salle est emplie d’une épaisse fumée, des chaises sont disposées de façon à offrir aux spectateurs, qui les rejoignent à tâtons, différents points de vue, si tant est qu’on parvienne à percer le brouillard. On discerne d’abord le profil de son voisin, puis le regard étonné d’un autre, installé un peu plus loin, mais rien ne distingue les comédiens des spectateurs, ni le costume, ni la posture. Habile installation dans la situation des personnages du poème dramatique de Maeterlinck : douze aveugles sont assis dans un paysage incertain, sur une île, où ils ont été relégués. Le public figure les éléments de cet endroit mystérieux, et les comédiens circulent entre les chaises avec la précaution de maladroits sans repères. La création sonore d’Alain Mahé, conçue en collaboration avec l’Ircam et Sylvain Cadars, et qu’accompagne Mieko Miyazaki, offre à l’oreille ce qui manque à la vue. Cris d’oiseaux, bruits d’un clocher lointain et de la mer dangereusement  proche, bruissement des feuilles mortes se détachent sur un fond inquiétant ou surprenant, qui place le spectateur dans le même état que les aveugles, entre peur de l’inconnu et rassurance fragile des souvenirs familiers.

Amener l’irreprésentable au jour

Parabole idéaliste, la quête de ces aveugles, victimes d’apparences qu’ils ne déchiffrent pas, pourrait rappeler l’état des prisonniers de l’allégorie de la Caverne. Mais point de philosophe guidant les malhabiles sur le chemin de la vérité chez Maeterlinck : le prêtre qui a mené les aveugles jusqu’à ce lieu inconnu est mort. Le troupeau est d’autant plus perdu que le berger est défunt. Le spiritualisme pessimiste qui se dégage des discours de ces égarés est d’autant plus poignant que le seul espoir de clairvoyance est celui du bébé de la folle. L’enfant voit mais ne sait pas voir ; ceux qui ont vu un jour ne s’en souviennent plus ; ceux qui distinguent encore un peu les contours des choses confondent la chaleur du soleil et la caresse de la lune. Telle est la condition humaine. Le spectateur le comprend, rassuré sans doute de savoir que la lumière va bientôt revenir, mais évidemment renvoyé à ses propres égarements et à son intime obscurité. La scénographie joue très habilement de la spatialité des adresses, de la tessiture et du rythme des voix et de la mélodie poétique du texte. Les comédiens sont époustouflants de justesse et de précision, et forcent, par leurs talents conjugués, à une écoute recueillie. L’ensemble compose un spectacle intelligent et sensible, humble et audacieux, qui fait entendre, avec une rare acuité, le texte de Maurice Maeterlinck.

Presse Aveugles Hugues Le Tanneur

Les Aveugles lumineux de Daniel Jeanneteau
LES INROCKUPTIBLES – 07/02/2014
Par Hugues Le Tanneur

Servi par une mise en scène sobre et efficace, le texte de Maeterlinck nous confronte au vertige d’une errance au bord de l’inconnu. Une méditation aux accents métaphysiques sur la fragilité de l’existence humaine.

Ils ne savent pas où ils sont. Seule la voix leur permet d’établir le contact les uns avec les autres pour s’assurer qu’ils sont bien tous ensemble. Enveloppés dans la brume, les spectateurs ont eux-mêmes éprouvé cette perte des repères le temps de tâtonner à la recherche d’une chaise où s’asseoir. Acteurs et spectateurs mélangés partagent le même espace.En montant Les Aveugles de Maeterlinck, Daniel Jeanneteau cerne au plus près ces hommes et ces femmes angoissés en quête d’une voie perdue, tous sens en éveil hormis celui de la vue. Un prêtre les guidait, mais il est mort. Sans cet homme, qui voyait en quelque sorte à leur place, ces non-voyants affrontent le vertige de leur condition.

Le monde a perdu ses contours. Le moindre bruit, le moindre frémissement se charge aussitôt d’une richesse de significations inouïe. La présence du mort parmi eux accentue la tension palpable. Une anxiété métaphysique imprègne l’atmosphère.

Interprété par des amateurs et des acteurs professionnels, ce spectacle est en soi une expérience. Immergé dans cette opacité trouée par les voix d’une communauté inquiète, il est impossible de ne pas ressentir comme une suspension abyssale au bord de l’inconnu. Soudain, on touche de près à la fragilité constitutive de toute destinée humaine. Sensation fugitive qui nous frôle avec le frémissement d’une aile de chauve-souris.

Presse Aveugles Jean-Pierre Thibaudat

« Les Aveugles » de Maeterlinck au Studio-théâtre de Vitry : l’œil écoute, l’oreille voit
THÉÂTRE ET BALAGAN / RUE89 – 26/01/2014
Par Jean-Pierre Thibaudat

Quand le public, massé à l’entrée du petit pavillon de banlieue par lequel on accède à la salle du Studio-Théâtre de Vitry, est invité à entrer, chacun se retrouve seul, dans un brouillard blanc intense, ouatant les choses au bord de l’invisibilité.

Devant moi, une forêt de chaises disposées dans tous les sens, sans logique et ordre apparents. Le pas malhabile, précautionneux j’avance comme à l’aveugle dans cet espace étrange et finit par choisir une chaise et m’asseoir.

Un instant je pense à Pina Bausch avançant les yeux fermés au milieu des chaises du « Café Müller », son partenaire écartant les chaises devant elle pour ne pas qu’elle se cogne.

Le prêtre et les aveugles en promenade

Je suis assis, je vois relativement bien à un ou deux mètres, plus loin le monde s’estompe. Alors dans ce silence blanc et apaisant (nulle appréhension ou angoisse comme en procure l’intense obscurité), des corps assis en attente, se font entendre, venus du sol, du ciel(lumineusement blanc), de loin, les bruits à la fois liquides et métallique et puis, en alternance, des grondements coupés de sourdes trompes.

Puis viendront les paroles, celles de la pièce la plus déroutante de Maurice Maeterlinck, « Les Aveugles ».

La pièce se déroule, au sein d’une île, « vers le fond de la nuit » écrit l’auteur, dans une forêt ancestrale. Un vieux prêtre a emmené les aveugles d’un hospice à la promenade. Certains nés aveugles, d’autres pas, vieux ou sans âge, une jeune dont « la chevelure inonde tout son être », une folle dans une « attitude de démence muette » portant « un petit enfant endormi » sur les genoux. Il est l’heure de rentrer mais le vieux prêtre ne répond pas, ne vient pas, ne viendra pas, il est mort, les aveugles le comprendront quand l’un d’entre eux touchera son corps.

Il m’arrive de fermer les yeux

« Il fait extraordinairement sombre », écrit Maeterlinck même si le clair de lune écarte parfois « les ténèbres des feuillages ». Quand un metteur en scène s’aventure à monter « Les Aveugles », ici et là de par le monde, c’est souvent en optant pour une sombre pénombre.En passant du noir au blanc, Daniel Jeanneteau (mise en scène, scénographie) déréalise le propos. D’une part, les aveugles, nous le verrons plus loin, ne jouent pas les aveugles (sauf un, celui qui est sourd et qui est peut-être vraiment aveugle, l’incertitude persistera jusqu’au salut).

D’autre part, c’est le spectateur qui se trouve dans une position d’aveuglée si l« on peut dire.Devant lui, il voit d’autres spectateurs regardant dans tous les sens. Il n’y a donc pas de scène unique où porter son regard. Sa vision est comme à la fois perdue et éperdue, il n’y a rien à voir mais tout à entendre. “ L’œil écoute ”, disait Claudel et l’oreille voit. Le bruissement de feuilles, lamer que l’on entend. Il m’arrive de fermer les yeux, de m’aveugler pour rejoindre, tout mon corps tendu à l’écoute des sons et musiques (Alain Mahé en collaboration avec Sylvain Cadars de l’Ircam) et des voix.

Ce sont d’abord des voix sans visages. Au loin. Et puis plus proches. Une femme assise derrière moi, sur le côté, parle. Vais-je tourner la tête, la regarder ? Non. La voix de la femme aveugle me suffit, me remplit. Fascinante dialectique entre celle qui parle sans voir à qui elle s’adresse et celui qui l’écoute sans vouloir la voir.

Quand Duras revient par la fenêtre

Écoutons l’un des douze, c’est “ la plus vieille aveugle ”, elle parle du vieux prêtre :

“ Je ne sais ce qui est arrivé. Il voulait absolument sortir aujourd’hui. Il disait qu’il voulait voir l’Ile, une dernière fois, sous le soleil, avant l’hiver. Il paraît que l’hiver sera très long et très froid et que les glaces viennent déjà du Nord. Il était très inquiet ; on dit que les grands orages de ces jours passés ont gonflé le fleuve et que toutes les digues sont ébranlées. Il disait aussi que la mer l’effrayait… ”

Ce phrasé, ce jeu des temps, ces balancements… Oui, bon dieu mais c’est bien sûr, on dirait du Marguerite Duras ! Je ne me souviens pas avoir lu ou entendu l’auteur du “ Ravissement de Lol V Stein ” mentionner le théâtre de Maeterlinck. Influences ? Inavouées ? Revenons à Vitry.

Il fait chaud dans cette atmosphère opaque qui rappelle pourtant celle d’un jour (toujours court) d’hiver au milieu de la taïga. A ma gauche, je devine un corps de femme. J’ai ôté depuis longtemps mon manteau, elle enlève maintenant lentement un chiffon blanc. Je ne la regarde pas, elle ne dit rien, elle doit écouter plus que voir comme moi et pourtant, je pressens qu’elle est de l’autre côté, dans le monde des actrices et des aveugles. Elle n’a pas bougé mais son corps s’est comme rétracté, alors que le mien, comme celui des autres spectateurs, est comme projeté en avant. Bientôt elle se lèvera, ne dira rien, son pull blanc deviendra un enfant qui pleurniche, c’est l’aveugle folle, l’actrice Stéphanie Béghain.

L’île du Studio-theâtre de Vitry

Cette extraordinaire traversée sonore et visuelle de la pièce de Maeterlinck réunit des acteurs de grande force comme Stéphanie Béghain et Jean-Louis Coulloc’h (qui a travaillé en tandem avec Daniel Jeanneteau sur ce spectacle) mais aussi des amateurs venant des ateliers libres du Studio-théâtre de Vitry. Comme si, dans l’île des “ Aveugles ”, Daniel Jeanneteau et son équipe tressaient ensemble tous les fils constituant le tissu du Studio-théâtre de Vitry.

Un théâtre qui n’a pas de programmation régulière, ni de saison, mais s’ouvre de temps en temps à la création de spectacles répétés souvent surplace, à la recherche, au temps de la maturation lente ou au jaillissement immédiat. Ce n’est pas une maison fermée mais un laboratoire de recherche et d’accueil ouvert tous les jours. Ateliers, répétitions, ouvertes, comité de lectures. Les habitants de Vitry sont chez eux dans cet îlot théâtral. C’est de cette ouverture que viennent les comédiens amateurs du spectacle mêlés aux professionnels. Un feuilletage qui vient parachever la déstabilisation sensorielle du spectateur, sa perte de repères. Nous sommes tous peu ou prou des aveugles.

Car ce qui se joue aussi dans la mort du prêtre, du voyant, du guide suprême, c’est à la fois le recours à soi-même et l’impérieuse nécessité de l’autre, du groupe, du partage. De faire bloc, front. Le vieil aveugle dit :

“ Voilà des années et des années que nous sommes ensemble, et nous ne nous sommes jamais aperçus ! On dirait que nous sommes toujours seuls ! Il faut voir pour aimer.”

Peu à peu, les corps et les voix des aveugles se rapprochent, l’espace qui semblait gigantesque par le son se resserre par la vue, ils sont là autour de nous, parmi nous, ils ont des yeux ouverts de voyants et ne nous voient pas comme le voyant dans la forêt cherche au-delà des arbres la lumière d’un sentier. On cherche leur regard mais il est comme absenté, parti en voyage. Chaque aveugle regarde sans le voir l’enfant de la folle,visage de l’espoir, un enfant à peine né qui voit sans voir.

Presse Aveugles Odile Quirot

L’obsédante lumière des « Aveugles »
LE NOUVEL OBSERVATEUR – 14/02/2014
Par Odile Quirot

On ne voit presque rien, puisque le spectateur est plongé dans la brume, et on éprouve le trouble des « Aveugles », et la beauté simple et vibrante de la pièce de Maurice Maeterlinck que met en scène Daniel Jeanneteau avec une infinie délicatesse.

Des hommes et femmes aveugles égarés sur une île tâtonnent dans leur obscurité, s’appellent. Ils sont, écrit Maurice Maeterlinck dans « Une très ancienne forêt septentrionale, d’aspect éternel sous un ciel profondément étoilé(…)De grands arbres funéraires,des ifs, des saules pleureurs, des cyprès, les couvrent de leurs ombres fidèles ». Ils ont quitté leur Institut, ils ont suivi le vieux prêtre, qui est mort sur le chemin, ils vont le découvrir.Seul un voyant peut les guider. Parmi eux, ce seul voyant est l’enfant,encore un nourrisson, d’une aveugle un peu folle. Alors ils l’élèvent au dessus d’eux, et ils demandent du fond de leur nuit : « De quel côté regarde-t-il? ».

« Les Aveugles » est une pièce brève tel un conte obsédant où la mort rôde, une parabole hantée de silences sur le destin, le néant. Les pauvres paroles de ces « Aveugles » sont bruissantes, aiguisées, bouleversantes de simplicité, brèves et intenses. D’où vient le vent, le bruit de la mer, un gémissement, le craquement d’une feuille gelée, et où, cette voix?  » Voilà des années et des années que nous sommes ensemble, et nous ne nous sommes jamais aperçus! On dirait que nous sommes toujours seuls!…Il faut voir pour aimer.. » dit le plus vieil aveugle.

La pièce a été crée en décembre 1891 par Lugné-Poe. Il y a quelques années, le québécois Denis Marleau en a donné une version saisissante: les mots émanaient de visages comme suspendus dans l’obscurité. Le metteur en scène Daniel Jeanneteau, qui est aussi un excellent scénographe – il a longtemps travaillé avec Claude Régy – a imaginé un espace empli de brume blanche opaque, où le spectateur pénètre à tâtons, devine des chaises blanches où il a été prévenu qu’il lui fallait s’asseoir. On obéit, on devine à peine ses voisins, on ne verra pas venir combien le gris, l’obscurité, gagne doucement sur la blancheur.

On les entend d’abord, ces aveugles, certains sont assis, les silhouettes des autres émergent, ou non, on le sent se déplacer lentement, sans bruit, on perçoit soudain derrière soi une présence, une main qui tâtonne. On ferme les yeux, involontairement,tant ces voix résonnent en nous, très profondément, et de même les quelques sons qui hantent l’espace (une création d’Alain Mahé).

On éprouve cette terreur sourde des aveugles, on sent le froid, la nuit, l’angoisse et les éclats d’amour, et les variations d’intensité: « Je vois parfois des ombres quand vous êtes au soleil » dit l’un. L’autre se souvient avoir perçu un jour une ligne d’un bleu profond, était-ce de la lumière? On croit toucher, comme eux soudain, quelque chose de froid: le visage du prêtre mort. Et ce qui est très beau c’est que les acteurs réunis par Daniel Jeanneteau (amateurs et professionnels, dont Jean-Louis Coulloc’h) parlent sans pathos, sans « théâtre », de manière presque étale, précautionneuse, au rythme de l’incertitude de leurs pas.

On ne voit rien et on voit tout, derrière les apparences. Au mot spectateur, on peut substituer celui de participant, immobile, consentant, captivé mais pas captif. « Les Aveugles » n’ont rien d’une cérémonie secrète pour initiés, et beaucoup de la très belle expérience humaine, avec et sous la peau du réel et des mots.