Archives pour février 2013

Feux (trois pièces courtes)

Feux (trois pièces courtes)

Création du 7 au 15 juillet 2008 au Festival d’Avignon
Tournée:
CDN de Thionville-Lorraine du 14 au 17 octobre 2008
TNS Strasbourg du 6 au 22 novembre 2008
Théâtre National de Toulouse du 8 au 10 janvier 2009
Maison de la Culture d’Amiens du 20 au 23 janvier 2009
Nouveau théâtre d’Angers du 4 au 5 février 2009

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© E. Carecchio

Rudimentaire, La Fiancée des landes, Forces (1912-1915)

De August Stramm

traduction : Huguette et René Radrizzani

Mise en scène, scénographie et lumière : Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma

Costumes : Olga Karpinsky
Son : Isabelle Surel
Assistanat à la mise en scène : Adèle Chaniolleau
Assistanat à la lumière : Anne Vaglio
Assistanat au costumes et habillage : Élisabeth Cerqueira
Régie Générale : Rémi Claude
Régie plateau : Lionel Roumegous

Avec :
Axel Bogousslavsky
Jean-Louis Coulloc’h
Julie Denisse
Matthieu Montanier
Dominique Reymond

Production Maison de la Culture d’Amiens, Studio-Théâtre de Vitry
En coproduction avec La Part du vent et Le Festival d’Avignon
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National
Et le soutien de la Région Ile-de-France et du Göethe Institut

DOSSIER DE PRESSE

« Personne n’a poussé l’expressionnisme aussi loin en littérature ; il tournait, rabotait, creusait la langue jusqu’à ce qu’elle se plie à sa volonté. »
Alfred Döblin

« L’art, que Stramm met dans l’expression de ses sentiments est si brutal, si conscient, si précisément issu du plaisir de créer, se soucie aussi peu de la paresse du lecteur que le compositeur, aujourd’hui, d’une chaconne, ou nous autres peintres. Notre sentiment du monde ne trouve aucune autre expression. »
Franz Marc

Stramm a écrit la quasi-totalité de son œuvre en moins de deux ans. Isolé et presque sans rapports avec les milieux littéraires de son temps, il est pris vers quarante ans d’une extraordinaire frénésie d’écrire qui le suit sur le front où il meurt en septembre 1915. Il est parvenu en quelques œuvres à synthétiser puis dépasser les courants littéraires qui l’avaient marqué jusque là.
L’étrangeté de cette œuvre qui paraît si nouvelle aujourd’hui vient de la fusion que Stramm opère entre l’extrême élaboration du langage, lui conférant la qualité de poème dramatique, et le fondement concret, matériel, réaliste des pulsions qui travaillent les protagonistes. Pour chaque œuvre il invente une langue singulière, en totale adéquation avec son sujet. Rien d’idéalisé, une observation crue et dure de l’action du désir, de la jalousie, de la névrose, de tous les tropismes agissant les humains.
Nous jouerons Rudimentaires, La Fiancée des landes et Forces dans l’ordre de leur écriture, dans un même dispositif et avec les mêmes comédiens dans les rôles principaux. Il s’agit pour nous, suivant l’extraordinaire évolution stylistique de Stramm, de resserrer l’image et le jeu dans une sorte de glissement qui partirait du réalisme hystérique de Rudimentaires, traversant le symbolisme introspectif de La Fiancée des landes pour s’accomplir dans l’expressionnisme exacerbé, froid, économe de Forces. Trois élans pour une même matière remise sur le métier, dans des contextes et des époques différentes, trois avatars possibles pour les mêmes âmes, dans une sorte de précipité de son écriture.
Ce projet s’inscrit comme une suite aux recherches commencées avec les œuvres de Sarah Kane et de Mikhaïl Boulgakov : une étude de comportement des humains en situation de conflit émotionnel, dans un dispositif d’écriture qui révèle tout l’involontaire de nos gestes, tout l’inconscient de nos paroles…

Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma

L’intégralité de « Forces » est en ligne, acte par acte, sur Dailymotion (chercher à Stramm).


extrait de Rudimentaire par studio-theatre

Forces par studio-theatre

Création au Festival d’Avignon, Gymnase Aubanel, du 7 au 15 juillet 2008,

En tournée :
Centre Dramatique National de Thionville, du 14 au 17 octobre 2008 ;
Théâtre National de Strasbourg, du 6 au 22 novembre 2008 ;
Théâtre de la cité Internationale à Paris, du 27 novembre au 20 décembre 2008 ;
Théâtre National de Toulouse, du 8 au 10 Janvier 2009 ;
Maison de la Culture d’Amiens, du 21 au 23 janvier 2009 ;
Nouveau Théâtre d’ Angers, les 4 et 5 février 2009.

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© M.-C. Soma

L’Affaire de la rue de Lourcine

En février 2008 nous avions créé avec les élèves du groupe XXXVII de l‘école du Théâtre National de Strasbourg le spectacle Les assassins de la Charbonnière d’après Kafka et Labiche. Nous le reprendrons au printemps 2010 sous le titre de L’Affaire de la rue de Lourcine, avec une distribution légèrement modifiée…


L’Affaire de la rue de Lourcine
(Les Assassins de la Charbonnière)

d’après Kafka et Labiche

spectacle créé en février 2008 dans le cadre de l’Ecole du TNS à Strasbourg

reprise 2010 :
du 23 au 26 février à la Maison de la Culture d’Amiens,
les 19 et 20 mars au Théâtre Jean-Vilar à Vitry-sur-Seine
du 29 mars au 24 avril au Théâtre de la Cité Internationale à Paris
en tournée à Douai, Istres, Creil et Reims

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D’après Journal de Franz Kafka,
traduit par Marthe Robert et L’affaire de la rue de Lourcine de Eugène Labiche

Mise en scène : Marie-Christine Soma et Daniel Jeanneteau
Dramaturgie : Pauline Thimonnier
Assistanat à la mise en scène : Rémy Barché
Scénographie : Benjamin Moreau
Costumes : Héloïse Labrande
Lumières : Louise Gibaud
Son : Michaël Schaller
Régie Générale : Claire Gondrexon et Frédéric Gourdin

Avec
Caroline Arrouas
Jean-Charles Clichet
Marion Duphil
Adeline Guillot
Laure Gunther
Morgane Hainaut (version 2008)
Marie Raymond
Antoine Kahan
Alexandre Pallu
Gilian Petrovski
Antoine Philippot (version 2008)
Pierric Plathier (version 2008)
Sébastien Pouderoux
Maxime Kerzanet

Lorsqu’il se réveille en ce jour du vingtième anniversaire de l’érection de l’obélisque de Louqsor place de la Concorde, Lenglumé, ce bourgeois rentier, marié, rangé, ne sait plus – entre Odéon et rue de Provence – ce qu’il a fait la nuit d’avant. Un lendemain de fête douloureux. Une « lacune dans l’existence » qui ouvre à toutes les suppositions.

Une image dans le journal de Kafka, le 9 janvier 1920, apporte une sorte d’hypothèse de travail : « On lui a découpé dans le derrière de la tête un morceau de crâne affectant la forme d’un segment. Avec le soleil, le monde entier regarde à l’intérieur. Cela le rend nerveux, le distrait de son travail et il se fâche de devoir, lui précisément, être exclu du spectacle. »(1)

L’Affaire de la rue de Lourcine expose l’activité cérébrale de Lenglumé, les méandres de son inconscient, dévoilés à son insu… Au cours de la pièce, le personnage devient « lumineux et bientôt transparent » (2). Suite à la lecture d’un fait divers qui, par un malheureux concours de circonstances, semble l’associer au meurtre d’une « pauvre charbonnière », il accepte l’idée qu’il puisse être un assassin et se met à croire que tous l’observent, le manipulent ou le trahissent. Tous conscients de cette chose dont il s’accuse! Des démons qui le poursuivent. Un cauchemar peut-être.

La forme du Vaudeville, telle que la conçoit Labiche, se prête à ce genre de scénario infernal qui, par surenchère, provoque un rire de fou, collectif, violent et angoissé. Autour d’un personnage -le bourgeois- s’agitent toutes sorte de créatures serpentines : le domestique susceptible de traîtrise, la femme se permettant toutes les questions, le démon Potard qui souffle le chaud et le froid, le double instinct, Mistingue, ancien camarade de jeunesse, complice hasardeux de sa nuit… Lenglumé pourrait, comme le « Monsieur Goliadkine » du Double de Dostoïevski, en venir à penser : « Ils n’auraient pas été ensorcelés, tous, aujourd’hui? (…) Un démon qui leur est tombé dessus ! C’est clair, il a absolument dû leur arriver quelque chose, à tous, aujourd’hui. Que le diable m’emporte, mais quelle torture ! »(3)

Tout parait suspect. Et cela prête à rire. Ou plutôt, non. Comme dirait Kafka, « C’est infiniment triste, et ça vous laisse perplexe, parce que ça cherche à être gai… » (4).

Labiche n’a cessé d’explorer la mécanique du vaudeville, cette machine à réveiller les pulsions; lui-même disant que « pour faire une pièce gaie, il faut un bon estomac ». La machine élaborée par Kafka, avec son énergie, « humoristique, violente et gaie » selon les termes de Gilles Deleuze, il s’agit de féconder la matière condensée de Labiche pour la faire fructifier, la dilater, l’infiltrer de cette gaité profonde.

Pauline Thimonnier, janvier 2008

Notes

(1) Kafka, Journal, extrait du « 9 janvier 1920 », op. cit., p.513
(2) Soupault Philippe, Eugène Labiche, éd. Mercure de France, 1964.
(3) Dostoïevski, Le Double (1846), trad. André Markovicz, éd. Babel, 1998, pp. 108-109
(4) Kafka, Lettres à Miléna, trad. Alexandre Vialatte, éd. Gallimard – N.R.F., 1956

 

 

 
© Elisabeth Carecchio

Adam et Ève

Adam et Ève

Janvier 2007
Création au théâtre Charles Dullin à Chambéry du 26/01 au 31/01 
Tournée :
TNP Villeurbanne du 06/02 au 09/02
Théâtre de St Quentin-en-Yvelines du 14/02 au 16/02
TGP St Denis du 05/03 au 06/04
Maison de la Culture d’Amiens du 12/04 au 13/04
Comédie de St Etienne du 18/04 au 21/04
Comédie de Valence du 27/04 au 28/04
Théâtre Garonne du 03/05 au 12/05

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De Mikhaïl Boulgakov

Traduction : Macha Zonina, Jean-Pierre Thibaudat

Mise en scène et scénographie : Daniel Jeanneteau
Collaboration artistique et lumière : Marie-Christine Soma
Son : Alain Lamarche
Création des costumes : Olga Karpinsky
Réalisation des costumes : Martine Pichon
Broderies : Nadja Berruyer
Maquillages : Cécile Kretschmar
Régie Générale : Jean-Marc Hennaut
Régie plateau : Lionel Roumegous
Assistante lumière : Anne Vaglio
Construction du décor : ateliers du TGP-Saint-Denis et du TNS
Réalisation de l’appareil photo : Philippe Eustachon

Avec :
Axel Bogousslavsky
Julie Denisse
Olivier Werner
Miloud Khetib
Armen Godel
Philippe Smith
Sabine Macher
Jean-Marc Hennaut
Lionel Roumegous
Elisabeth Cerqueira

Coproduction Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis – Centre dramatique national, Espace Malraux – Scène nationale de Chambéry et de la Savoie (producteur délégué).
Avec le soutien de la Région Rhône-Alpes dans le cadre du Réseau des Villes en partenariat avec L’Oeil (Observatoire de l’Ecriture, de l’Interprétation et de la Lecture).

« Au milieu de la tristesse qui m’accable au souvenir des jours passés, ainsi à présent, dans cette ignoble maison, à l’étroit dans l’ignoble et absurde décor d’un logis de fortune, j’ai des éclairs de confiance en ma force. Oui, en cet instant j’entends au-dedans de moi ma pensée qui prend son essor et je sais qu’en tant qu’écrivain je suis incomparablement plus fort que tous ceux que je connais. Mais, dans de pareilles conditions, il n’est pas impossible que je baisse les bras. »

Mikhaïl Boulgakov, extrait du « Journal Confisqué », 27 août 1923.

Voilà qui pourrait résumer toute la vie d’écrivain de Boulgakov. Né en 1891 et mort en 1940, le drame de sa vie épouse celui de l’histoire : la Guerre de 14 et la Révolution russe rompent brutalement la continuité de son existence et le projettent dans un monde en violente mutation.

Tentant de survivre et de s’adapter dans une société qu’il récuse en entier, Boulgakov vit dans la hantise des catastrophes qu’il voit se préparer. Dans les années 30, les forces se bandent les unes contre les autres, les antagonismes se radicalisent et les progrès très rapides de la science alimentent l’arsenal mondial. Il est obsédé par l’idée de la faute, du crime que représente la Révolution, et du châtiment qui devrait naturellement suivre. Archaïque dans ses structures mentales et ses croyances, appartenant encore au 19ème siècle, il met dans sa survie une énergie extraordinaire, toujours menacée de découragement, mais avec telle intensité que même privé totalement d’existence sociale et sans espoir d’amélioration, malade, il ne cessera de progresser dans son œuvre, jusqu’à l’éclosion magistrale du Maître et Marguerite.

Boulgakov a écrit Adam et Ève en 1931, alors qu’il était littéralement prisonnier dans son pays (il ne pouvait ni publier ni sortir du territoire), à ce moment de l’histoire où, dans un temps très court de paix relative, se profile un affrontement majeur. Si le conflit paraît certain, la modalité de ce conflit ne se laisse guère imaginer. Tout semble désormais possible, l’association science et guerre ouvre le champ d’un imaginaire ambiguë entre science-fiction, merveilleux et prophétisme.

Adam et Ève est un conte philosophique inspiré de Voltaire pour l’ironie et la simplicité de facture, un récit de science-fiction, une fable rapide et libre qui débute comme une histoire des Pieds Nickelés et s’achève dans le climat de Stalkerde Tarkovski. Une guerre chimique détruit toute vie. Seuls sont sauvés, grâce à un savant, cinq hommes et une femme, dont Adam et Ève, mariés le matin même. Commence alors la vie entre parenthèses des survivants hors de la ville détruite, dans les limbes d’une forêt obscure.

On y retrouve en filigrane la plupart des thèmes et figures qu’il développera dans Le Maître et Marguerite : une critique des mécanismes de l’état totalitaire fine et courageuse, voilée d’ironie, d’humanité dérisoire, une vision inquiète de la société comme un ensemble menacé par ses propres forces, le recours au fantastique ou à l’anticipation comme moyen de contourner la censure, mais aussi comme expression de la supériorité absolue de l’imagination sur la pensée conformiste.

Et par-dessus tout, il y manifeste une connaissance profonde de la nature humaine, révélant un sens très vif de l’observation. Le théâtre de Boulgakov n’est pas une satire, il ne juge pas, mais il crée des situations souvent rocambolesques où les protagonistes, saisis dans toutes leurs contradictions, laissent apercevoir leur nature véritable, leurs dimensions les plus secrètes. Boulgakov, qui fut acteur et assistant à la mise en scène, connaissait les ressorts du jeu dramatique et savait, en quelques phrases, poser les bases d’une scène qui pouvait synthétiser sous nos yeux tout le drame de la vie. La pièce, commandée par le Théâtre Rouge de Leningrad en 1930, après une lecture en présence du commandant des forces armées, spécialement invité à cette occasion, fut immédiatement interdite…

La fin des utopies, la prétendue « fin de l’histoire », définissent aujourd’hui un monde par défaut, livré à sa seule pesanteur, une sorte d’état « normal » indiscutable dont le capitalisme serait l’expression la plus naturelle. Les valeurs d’humanité, de démocratie, de liberté ont été absorbées par ce qui nous apparaît de plus en plus comme une gigantesque escroquerie, molle, vaguement dépressive et terriblement efficace. Chacun ramené à soi, encombré du poids de sa personne insignifiante mais irremplaçable, nous ne pouvons qu’adhérer sans appétit à ce consensus invisible. Tout étant ramené au niveau le plus bas de la pensée, nous ne pouvons plus qu’être d’accord.

Cette pièce prend aujourd’hui une autre direction que celle voulue par Boulgakov. Notre présent en perturbe la lecture, en permute le sens. L’idéal de vie de Boulgakov, parfaitement compréhensible en son temps et pour lui, nous renvoie à ce que nous sommes tous devenus : de vagues consommateurs conscientisés, épris de liberté et de Droits de l’Homme, mais incapables de rien tenter pour sauver le monde. Celui dont nous nous sentions le plus proche n’est peut-être pas notre ami, le héros n’est pas celui que nous croyions. L’humanisme d’Efrossimov aboutit aujourd’hui à l’individualisme le plus ordinaire. Et Adam, l’idéaliste maladroit, défend pourtant le besoin vital de construire le monde, de penser le « vivre-ensemble », la communauté des vivants.

Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma


Adam et Eve par M-Benranou

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Into the little hill

Into the little hill

Novembre 2006

Création le 22 novembre 2006  à l’Opéra Bastille dans le cadre du Festival d’automne
tournée à Francfort, New-York, Liverpool, Amsterdam, Vienne, Dresde, Turin, Milan

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© Into the little hill Opéra Bastille

Into the Little Hill, conte lyrique pour deux voix et ensemble (2004-2006)

Musique : George Benjamin
Texte original : Martin Crimp
Scénographie et mise en scène : Daniel Jeanneteau
Collaboration artistique et lumières : Marie-Christine Soma
Costumes : Olga Karpinsky

Avec
Anu Komsi : soprano
Hilary Summers : contralto
Ensemble Modern
Direction musicale : Franck Ollu
Jagdish Mistry : violon solo
Geneviève Strosser, Garth Knox : alto solo

Commande du Festival d’Automne à Paris associé à la Fondation Ernst-von-Siemens pour la musique, de l’Opéra national de Paris, de l’Ensemble Modern associé à la Fondation Forberg Schneider

Coproduction Festival d’Automne à Paris, Opéra national de Paris, T&M, Oper Frankfurt, Lincoln Center Festival, Wienerfestwochen, Holland Festival, Liverpool, capitale européenne de la culture 2008

Avec le concours du British Council

RUBANS DE MAGNÉSIUM

Texte de Martin Crimp

Dans un texte écrit pour la musique, quelque chose doit manquer — et cette chose qui doit manquer est la musique. L’écriture est une sorte d’éponge qui, sans se désintégrer, doit laisser la musique la pénétrer. George et moi — lorsque nous nous sommes rencontrés la première fois et avons parlé — (il m’a conseillé d’écouter Hilary Summers chanter Boulez — je lui ai passé un morceau de Nick Cave…)—, nous avons parfois discuté de films et il m’est apparu qu’écrire un livret pourrait être
comme écrire un roman «oublié» — un livre du genre d’Entre les Morts de Boileau et Narcejac par exemple, dont on ne se souvient que pour avoir été superbement transposé par Alfred Hitchcock dans Vertigo (film dans lequel la musique de Bernard Hermann, justement, joue un rôle majeur). Le roman «exigeait» le film pour parvenir à sa complétude. Tout comme la pièce Pelléas et Mélisande de Maeterlinck (selon moi) ne prend réellement toute sa valeur qu’en tant que livret pour
Claude Debussy. Le livret ne doit pas attirer l’attention à lui. Horizontalement, il doit raconter une histoire claire. Verticalement, il a besoin d’aller en profondeur. Et, à la différence d’une pièce, un texte écrit pour la musique peut parfois se permettre de rester immobile, tandis que la musique elle-même, si lente soit-elle, est toujours en train d’avancer. (Du point de vue dramatique, les Passions de Bach atteignent leur but grâce à la «non-narrativité» des arias, car ce sont elles qui nous séduisent.) Lorsque j’étais enfant, j’étais fasciné par les expériences de chimie et j’ai toujours regretté d’avoir dû choisir entre la «Science» et les «Arts». J’aimais par-dessus tout le ruban de magnésium. Il s’agit d’un gris, terne et innocent métal qui se présente sous forme de serpentin strié. Mais quand on l’allume, en particulier dans un milieu constitué d’oxygène pur, il brûle en dégageant une intense lumière blanche. Mon travail a été de fabriquer ce métal. Celui, beaucoup plus dur, du compositeur : ajouter l’oxygène pour le faire flamboyer.

(Traduction de l’anglais : Philippe Djian)

 

Pianiste virtuose, compositeur précoce et brillant chef d’orchestre, George Benjamin (né en 1960) a étudié à Londres, puis à Paris, dès l’âge de seize ans, auprès de Messiaen (qui le compara à Mozart !) et de sa femme Yvonne Loriod. Son œuvre parcimonieuse, entamée à l’orée des années 1980, est celle d’un perfectionniste qui n’a eu de cesse d’interroger le classicisme. Mais un perfectionniste fougueux, dont les partitions exaltent une vitalité et une énergie qui jamais n’oublient l’humour – qui est, comme chacun sait, l’un des meilleurs compagnons du génie –, pas plus qu’elles ne galvaudent la gravité. George Benjamin est un poète, ce dont témoignent les trois partitions regroupées ici. Dans Viola, Viola, duo pour altos commandé en 1997 par Toru Takemitsu, le compositeur parvient d’ébouriffante manière à ses fins : « suggérer une profondeur et une variété de son quasi orchestrales ». Les deux instruments sonnent comme un ensemble dont les protagonistes se livreraient une lutte âpre et sonore, d’une palpitante expressivité. Les Three Miniatures pour violon seul (2002) sont constituées de trois brèves pièces – une « berceuse », un « canon » et un « chant » – dédiées chacune à trois proches de George Benjamin, explorant autant de facettes d’une même technique de composition.
Into the Little Hill est né de la collaboration du compositeur avec le dramaturge Martin Crimp. George Benjamin a peu composé pour la voix. Dans Into the Little Hill, celle-ci est au service d’un texte court et resserré, dans lequel peu de mots et deux voix (contralto et soprano) suffisent à faire naître une tension extrêmement dramatique. Une fable ancienne, transposée par Martin Crimp, devient un conte lyrique. « À la veille d’une élection, en présence de son enfant endormi, un homme d’État conclut un pacte avec un étrange inconnu. Réélu, il ne tient pas son engagement : tous en subiront les conséquences. » L’instrumentation (qui fait la part belle au cymbalum) renforce l’inquiétante étrangeté de la scénographie imaginée par Daniel Jeanneteau.

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Anéantis

Anéantis

Février 2005
Création au Théâtre National de Strasbourg du 24/2 au 12/3 
TGP St Denis du 18/3 au 17/4
CDR de Tours du 26/4 au 28/4
Comédie de Valence du 17/5 au 18/5

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De Sarah Kane

Traduction : Lucien Marchal

Mise en scène et scénographie : Daniel Jeanneteau
Collaboration artistique et lumière : Marie-Christine Soma
Costumes : Ann Williams
Maquillages : Cécile Kretschmar
Assistanat à la mise en scène : Aurélia Guillet
Assistanat à la lumière : Anne Vaglio
Régie Générale : Richard Pierre
Régie plateau : Lionel Roumegous
Administration du projet et préparation technique : Damiano Gatto

Avec :
Gaël Baron
Stéphanie Schwartzbrod
Gérard Watkins

Coproduction Théâtre National de Strasbourg, Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis – Centre Dramatique National, La Part du vent – Cie Daniel Jeanneteau

La première violence de la découverte, l’effet de mode, sont maintenant passés. On peut commencer à voir Sarah Kane autrement, avec moins de fascination ou de dégoût, comme un être visionnaire, frappé de lucidité, et généreux.

On peut sortir son oeuvre du registre de la provocation, qui personnellement ne m’intéresse pas. Qui ne l’intéressait pas non plus elle-même. Contre toute attente elle était sincère, et, comment le dire autrement, aimante.

Son oeuvre, définitivement close en cinq textes exigeants et beaux, est un cadeau d’amour, pour reprendre la formule de Bruno Bettelheim à propos des contes de fées. C’est à dire que, aimante, elle nous risque à la plus radicale des expériences, non par haine ou par goût du sang, mais parce que l’humain se définit précisément par son besoin et sa capacité de se confronter au pire.

La lecture il y a quelques années de L’Espèce humaine de Robert Antelme m’a révélé cela : loin de m’affliger, de m’atteindre en m’enlevant des forces, le regard qu’Antelme porte sur son expérience dans les camps de concentration, échappant à la fatalité de l’état de victime et envisageant l’humain dans son unité indivisible, restaure, étrangement, une forme de confiance que je pensais avoir perdue. Il y a là, dans l’expérience même du désastre, comme un rappel à l’humain.

Nous devons parfois descendre en enfer par l’imagination pour éviter d’y aller dans la réalité’ disait Sarah Kane. De même Andersen prend les enfants par la main de leur imagination pour les amener à vivre les pires choses, dans la parenthèse du conte. Hölderlin disait du poète qu’il saisit de sa main le terrible, l’éclair lui-même, pour le tendre aux foules sous son voile de chant. Anéantis, comme l’ensemble de l’oeuvre de Sarah Kane, est un poème et un conte. Complexe, douloureux, charriant des blocs de réalité opaques, mais avant tout un poème. Pas un simulacre, mais la réalité rejointe par les figures de l’art. Les scènes, les gestes n’y sont pas documentaires, mais images, et, comme images, agissantes, suscitant la réalité par d’autres moyens que ceux de l’imitation.

La problématique centrale d’un tel texte est évidemment celle de la représentation. Que ce soit pour le jeu des acteurs comme pour la scénographie. Comment représenter la violence physique ou le sexe ? Comment négocier, dans le décor, la convention de la chambre à coucher, le mini-bar, la salle de bain, et la violence métaphysique de l’explosion ? Dans ces deux domaines je n’ai pas de réponses préconçues ; mais c’est précisément cette difficulté, abrupte, qui m’attire, et qui exige de nous l’invention d’une forme et d’un langage théâtral que nous ne connaissons pas encore.

À la création Anéantis a scandalisé le public et la critique, parce que selon Sarah Kane sa pièce « faisait apparaître un lien direct entre la violence domestique en Angleterre et la guerre civile dans l’ancienne Yougoslavie. Elle posait la question : Quel est le rapport entre un viol ordinaire commis à Leeds et le viol en masse utilisé comme arme de guerre en Bosnie ? Et la réponse semblait être que le rapport est très étroit. L’unité de lieu évoque l’idée d’un simple mur de papier qui séparerait la sécurité et la civilisation de l’Angleterre tranquille de la violence et du chaos de la guerre civile. Un mur qui pourrait être déchiré, sans prévenir, à tout moment. »

Sarah Kane a écrit sa pièce en 1993, depuis nous apprenons chaque jour que ce qu’elle avait pressenti travaille la société profondément et la modifie.

Daniel Jeanneteau

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