Into the little hill

Into the little hill

Novembre 2006

Création le 22 novembre 2006  à l’Opéra Bastille dans le cadre du Festival d’automne
tournée à Francfort, New-York, Liverpool, Amsterdam, Vienne, Dresde, Turin, Milan

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© Into the little hill Opéra Bastille

Into the Little Hill, conte lyrique pour deux voix et ensemble (2004-2006)

Musique : George Benjamin
Texte original : Martin Crimp
Scénographie et mise en scène : Daniel Jeanneteau
Collaboration artistique et lumières : Marie-Christine Soma
Costumes : Olga Karpinsky

Avec
Anu Komsi : soprano
Hilary Summers : contralto
Ensemble Modern
Direction musicale : Franck Ollu
Jagdish Mistry : violon solo
Geneviève Strosser, Garth Knox : alto solo

Commande du Festival d’Automne à Paris associé à la Fondation Ernst-von-Siemens pour la musique, de l’Opéra national de Paris, de l’Ensemble Modern associé à la Fondation Forberg Schneider

Coproduction Festival d’Automne à Paris, Opéra national de Paris, T&M, Oper Frankfurt, Lincoln Center Festival, Wienerfestwochen, Holland Festival, Liverpool, capitale européenne de la culture 2008

Avec le concours du British Council

RUBANS DE MAGNÉSIUM

Texte de Martin Crimp

Dans un texte écrit pour la musique, quelque chose doit manquer — et cette chose qui doit manquer est la musique. L’écriture est une sorte d’éponge qui, sans se désintégrer, doit laisser la musique la pénétrer. George et moi — lorsque nous nous sommes rencontrés la première fois et avons parlé — (il m’a conseillé d’écouter Hilary Summers chanter Boulez — je lui ai passé un morceau de Nick Cave…)—, nous avons parfois discuté de films et il m’est apparu qu’écrire un livret pourrait être
comme écrire un roman «oublié» — un livre du genre d’Entre les Morts de Boileau et Narcejac par exemple, dont on ne se souvient que pour avoir été superbement transposé par Alfred Hitchcock dans Vertigo (film dans lequel la musique de Bernard Hermann, justement, joue un rôle majeur). Le roman «exigeait» le film pour parvenir à sa complétude. Tout comme la pièce Pelléas et Mélisande de Maeterlinck (selon moi) ne prend réellement toute sa valeur qu’en tant que livret pour
Claude Debussy. Le livret ne doit pas attirer l’attention à lui. Horizontalement, il doit raconter une histoire claire. Verticalement, il a besoin d’aller en profondeur. Et, à la différence d’une pièce, un texte écrit pour la musique peut parfois se permettre de rester immobile, tandis que la musique elle-même, si lente soit-elle, est toujours en train d’avancer. (Du point de vue dramatique, les Passions de Bach atteignent leur but grâce à la «non-narrativité» des arias, car ce sont elles qui nous séduisent.) Lorsque j’étais enfant, j’étais fasciné par les expériences de chimie et j’ai toujours regretté d’avoir dû choisir entre la «Science» et les «Arts». J’aimais par-dessus tout le ruban de magnésium. Il s’agit d’un gris, terne et innocent métal qui se présente sous forme de serpentin strié. Mais quand on l’allume, en particulier dans un milieu constitué d’oxygène pur, il brûle en dégageant une intense lumière blanche. Mon travail a été de fabriquer ce métal. Celui, beaucoup plus dur, du compositeur : ajouter l’oxygène pour le faire flamboyer.

(Traduction de l’anglais : Philippe Djian)

 

Pianiste virtuose, compositeur précoce et brillant chef d’orchestre, George Benjamin (né en 1960) a étudié à Londres, puis à Paris, dès l’âge de seize ans, auprès de Messiaen (qui le compara à Mozart !) et de sa femme Yvonne Loriod. Son œuvre parcimonieuse, entamée à l’orée des années 1980, est celle d’un perfectionniste qui n’a eu de cesse d’interroger le classicisme. Mais un perfectionniste fougueux, dont les partitions exaltent une vitalité et une énergie qui jamais n’oublient l’humour – qui est, comme chacun sait, l’un des meilleurs compagnons du génie –, pas plus qu’elles ne galvaudent la gravité. George Benjamin est un poète, ce dont témoignent les trois partitions regroupées ici. Dans Viola, Viola, duo pour altos commandé en 1997 par Toru Takemitsu, le compositeur parvient d’ébouriffante manière à ses fins : « suggérer une profondeur et une variété de son quasi orchestrales ». Les deux instruments sonnent comme un ensemble dont les protagonistes se livreraient une lutte âpre et sonore, d’une palpitante expressivité. Les Three Miniatures pour violon seul (2002) sont constituées de trois brèves pièces – une « berceuse », un « canon » et un « chant » – dédiées chacune à trois proches de George Benjamin, explorant autant de facettes d’une même technique de composition.
Into the Little Hill est né de la collaboration du compositeur avec le dramaturge Martin Crimp. George Benjamin a peu composé pour la voix. Dans Into the Little Hill, celle-ci est au service d’un texte court et resserré, dans lequel peu de mots et deux voix (contralto et soprano) suffisent à faire naître une tension extrêmement dramatique. Une fable ancienne, transposée par Martin Crimp, devient un conte lyrique. « À la veille d’une élection, en présence de son enfant endormi, un homme d’État conclut un pacte avec un étrange inconnu. Réélu, il ne tient pas son engagement : tous en subiront les conséquences. » L’instrumentation (qui fait la part belle au cymbalum) renforce l’inquiétante étrangeté de la scénographie imaginée par Daniel Jeanneteau.

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