Le Kabuki derrière la porte

© JP Estournet

© Philippe Domengie

Par le prisme du Kabuki, Gaël Baron et Laurent Ziserman fouillent, creusent l’essence de ce qu’est pour eux le travail de l’acteur en convoquant, non sans humour, leurs souvenirs de comédiens et le rêve qu’ils se font de cet art lointain et fantasmé. Nous sommes heureux de les accueillir en résidence pour la re-création de ce spectacle drôle et surprenant. Les représentations auront lieu au Studio-Théâtre du jeudi 19 au dimanche 22 novembre.


jeudi 19 novembre à 20h30
vendredi 20 novembre à 20h30
samedi 21 novembre à 20h30
dimanche 22 novembre 16h

Le Kabuki derrière la porte

direction artistique, création et jeu Gaël Baron / Laurent Ziserman
regard et direction d’acteur Julie Denisse
travail du corps Jérôme d’Orso
scénographie Emmanuel Clolus / Laurent Ziserman
lumière Diane Guérin
son Isabelle Surel
vidéo Philippe Domengie
régisseur général Fabrice Duhamel
administration et production Pauline Barascou La table verte productions

coproduction 3BisF / Aix-en-Provence, La Criée / Théâtre National de Marseille, Le Merlan / Scène Nationale de Marseille, du CNCDC Châteauvallon et du Pôle des Arts de la Scène-Friche de la Belle de Mai / Marseille ; coproduction de la reprise Studio-Théâtre de Vitry ; avec le soutien et l’accompagnement du Bois de l’Aune / Aix-en-Provence ; avec l’aide du JTN / Jeune Théâtre National ; sous le patronage du Consulat Général du Japon à Marseille et du mécénat Bastide Médical à Nîmes ; la compagnie Panier-Piano est soutenue par le Ministère de la Culture – DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Région PACA

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Krystian Lupa dit que la vie d’un artiste dure 20 ans. Et que s’il veut continuer à pratiquer son métier il lui faut renaître. Il n’a pas d’autre choix pour rester un créateur, rester en vie. Cela fait un peu plus de 20 ans que Gaël Baron et moi sommes comédiens de théâtre. Comment continuer, c’est à dire comment renaître si l’on croit, comme nous le faisons tous deux, en la formule de Lupa ? En repartant à la source, en questionnant notre désir pour le théâtre, pour l’art de l’acteur. Et ceci de façon profonde et ludique. Que cela puisse entièrement se partager avec le public. Que cela soit du jeu, l’objet même d’un spectacle. Et aussi en le faisant seuls. De même qu’un musicien ou un danseur a besoin à certains moments de son développement personnel de se confronter au solo, nous ressentons la nécessité de travailler cette fois-ci sans metteur en scène, l’un à côté de l’autre, l’un en face de l’autre. Deux acteurs seuls sur un plateau avec, au centre, la question brûlante du jeu. Un questionnement très intime donc. Alors pourquoi le Japon? Pourquoi le Kabuki ? Parce que si l’on creuse en nous pour atteindre le noyau de notre amour du théâtre, de notre désir d’être comédiens, de notre goût pour le jeu, on en revient tous deux aux chocs esthétiques de Kabukis vus en France, aux films de Kurosawa, de Mizogushi, d’Ozu, à l’intensité spécifique aux grands acteurs japonais. Nous allons faire un tour par le Japon pour contempler de loin notre pratique occidentale du théâtre, un détour par le Kabuki pour renaître à notre art de l’acteur. Au tout début du XXeme siècle, deux acteurs de Kabuki ont quitté le Japon pour aller à la rencontre du théâtre européen. Ils se sont frottés au naturalisme, ont vu jouer Ibsen, et sont revenus dans leur pays, ensemençant leur grande tradition théâtrale avec ce qu’ils avaient découvert de la modernité. Nous proposons le voyage dans l’autre sens, mais un voyage intérieur : depuis nos enveloppes d’acteurs occidentaux vers le corps d’acteurs de Kabuki. Et ceci à vue, sous le regard des spectateurs rendus complices de cette métamorphose. Dans le Kabuki, l’acteur est roi. Il répond à lui seul à toutes les attentes du public, tout repose sur l’art de son jeu.

Laurent Ziserman


Mon plus ancien souvenir touchant le théâtre de KabuKi remonte à l’année 1889. J’avais dans les quatre ans et c’était au théâtre Nakamura, situé dans le secteur de Torikoé du parc d’AsaKusa. DanJûrô IchiKawa y interprétait « Nachi No taKi chiKai No Mongaku » (« le vœu de Mongaku à la cascade de Nachi »).

Tanizaki Junichiro Années d’enfance

Lorsque devant l’orient le spectateur occidental préserve une bénéfique dose d’ignorance et le comédien un juste pourcentage de désinvolture, il y a une chance pour que cet orient aide à féconder et non pas seulement à informer.

Paul Claudel Connaissance de l’Est


– À L’ORIGINE

En 1989, Gaël Baron et Laurent Ziserman se rencontrent dans la classe de Madeleine Marion, en première année du Conservatoire National Supérieur de Paris.
Ils passent beaucoup de temps à travailler ensemble et assouvissent leur soif commune de théâtre en allant voir de nombreux spectacles.
Ils sont frappés durablement par quelques mises en scène mémorables d’artistes étrangers (Ingmar Bergman, Luca Ronconi, Klaus-Michael Grüber, Deborah Warner, Lev Dodine…), des spectacles sur-titrés où le théâtre semble total : Eugène O’Neil joué en suédois avec Bibi Anderson, Peer Gynt interprété par un grand acteur italien, Labiche par de grands acteurs allemands… Les époques se mêlent, les langues se croisent, les cultures dialoguent sur la scène du théâtre-monde.
Au début des années 2000, Gaël et Laurent sont comédiens depuis plusieurs années, tous deux engagés dans des aventures de troupe qui les passionnent (Gaël Baron avec Stanislas Nordey au TGP, Laurent Ziserman avec Claire Lasne).

A cette époque une question occupe Laurent Ziserman : « À quoi ressemblerait un spectacle qui aurait pour seul sujet l’acteur, le jeu de l’acteur, l’art de l’acteur? ». Un spectacle dont l’acteur serait le centre, le roi. Une ode à l’acteur. Une fête du jeu. Non plus l’auteur ou le metteur en scène comme grands maîtres de la cérémonie, mais l’acteur seul, animant la scène par la seule force de son art et sa passion du jeu. Le projet murit au fil de quelques années. Le travail à mener n’a de sens qu’à deux, partagé, en dialogue. Il s’agit bien d’un projet sur l’altérité, l’autre, l’étranger.

Vingt années ont passé lorsque Laurent Ziserman propose à Gaël de le rejoindre. C’est le bon moment pour eux de confronter leurs deux pratiques singulières, leurs deux rêves de théâtre. Et ce que Laurent ignorait en lui racontant son projet, c’est la passion ancienne de Gaël pour le Kabuki, pour certains de ses très grands acteurs (Bando Tamasaburo et Kataoka Takao) qu’il avait eu la chance de voir jouer en France des années auparavant.

– L’ARGUMENT

Deux grands acteurs de Kabuki, Ichi et Onoé, ouvrent un soir les portes de leur théâtre pour prendre à témoin journalistes et spectateurs de leurs recherches : ils ont décidé d’aller à la rencontre de l’art occidental, de mêler le jazz européen à leurs danses traditionnelles, de jouer Molière sous leur maquillage de Kabuki, de faire dialoguer Shakespeare et la musique Gidayu. Chaque tentative porte en elle autant de réussites miraculeuses que d’échecs cuisants, l’équilibre de l’ensemble restant toujours précaire. Mais l’aiguillon du désir et l’esprit d’aventure sont pour eux de puissants moteurs…
Or il se trouve que ces deux acteurs japonais sont interprétés par deux acteurs bien occidentaux, qui eux-mêmes font sous nos yeux une plongée dans une des grandes formes du théâtre oriental, un voyage où ils abandonnent leur langue (Ichi et Onoé dialoguent en japonais, et ont quelques notions d’anglais), leurs visages, qui disparaissent sous les traits puissants des maquillages du Kabuki, jusqu’à leurs corps, soumis à des codes de jeu si étrangers à leur pratique habituelle.
Entraîner les spectateurs au bout de ce périple théâtral, en ignorant tout de son issue, voilà leur ambition.

– LE PROCESSUS DE CRÉATION

Nous avons souhaité écrire ce spectacle comme une variation, au sens musical du terme, ayant pour thème central le jeu de l’acteur.
Notre intuition, tout autant que notre goût profond pour l’art des acteurs japonais, nous a conduit vers le Kabuki, l’une des formes traditionnelles du théâtre japonais. Nous sommes donc partis de très loin, du plus lointain envisageable, nous présentant au public comme deux grandes vedettes du Kabuki.

De ce point de départ improbable, invraisemblable, hautement fantaisiste, mais nourri d’une passion et d’un goût véritables, nous tournons autour de notre thème comme des planètes affolées autour de leur soleil.
Nous prétendons être des maîtres dans un art ancestral extrêmement stylisé, à des lieues de nos codes de jeu occidentaux. Nous plongeons dans cet univers de formes, non pas pour en proposer une reconstitution ou un hommage, mais pour nous affranchir, par la fantaisie de ce voyage, de tout ce qui nous encombre bien souvent sur nos scènes: la psychologie, la construction du personnage, la dramaturgie héritée de notre âge classique, nos vieux débats esthétiques.

Les acteurs de Kabuki pratiquent la distanciation Brechtienne, mais comme le font les enfants quand ils jouent. Ils jouent à jouer, avec une conviction et un engagement inouïs.

Nous voulons faire un tour par le Japon pour contempler de loin notre pratique occidentale du théâtre, un détour par le Kabuki pour renaître à notre art de l’acteur. Nous nous exprimons dans une langue étrangère (ou plutôt nous feindrons de posséder cette langue : du jeu, encore), et si nous tentons d’aborder Molière ou Shakespeare, c’est en tant qu’acteurs japonais fascinés par le théâtre occidental. tout est donc jeu, fantaisie, inversion des miroirs, dialogue mutuel des cultures.

Pour ce qui est de l’esthétique du spectacle, nous souhaitons rendre compte de l’incroyable richesse de tous les éléments scéniques qui entrent en œuvre dans le Kabuki (décors, costumes, accessoires…), par des moyens volontairement pauvres, aisément repérables par un spectateur occidental.

Là encore il s’agit de fantaisie, de traduction, d’échos poétiques. Par un travail rigoureux, exigeant et ludique, nous cherchons à créer une illusion qui soit à la fois la plus belle possible, la plus convaincante, tout en ayant une dimension de drôlerie. Car le rire est aussi au cœur de ce voyage, où merveilles et catastrophes se mêlent certainement

– LE KABUKI DERRIÈRE LA PORTE, AU STUDIO-THÉÂTRE DE VITRY

Après trois résidences de recherche entre mai 2013 et février 2014, un mois de répétitions en janvier-février 2015 suivies de huit représentations à la Criée et au Bois de l’Aune, Gaël Baron et Laurent Ziserman repartent pour dix jours de travail au Studio-Théâtre de Vitry, du 8 au 18 novembre 2015.
Dès le départ, tous deux savaient que la forme singulière de cette proposition artistique, basée sur l’improvisation, demanderait toujours des ajustements plus ou moins importants.
Lors des premières représentations, la présence du public leur a permis de sentir ce qui participait pleinement de la rencontre, mais aussi ce qui pouvait la compliquer, la retarder, ou l’empêcher par moments.
Aussi n’ont-ils eu de cesse lors de la création, de remettre en jeu soir après soir leur façon d’entrer en scène, de se présenter au public, de commencer le récit.
Aujourd’hui, l’écriture est précise, arrêtée.
Reste à revenir à une forme plus artisanale, fragile, intime. La salle du Studio-Théâtre sera un espace idéal pour retrouver cette proximité avec les gens, cette qualité d’échange rêvée depuis le tout début. Une part importante du travail concernera la lumière, qui sera entièrement repensée dans cet esprit.

 


Kabuki B
© Philippe Domengie

GAËL BARON après des études initiées au conservatoire de région d’Angers, et au cour d’ateliers animés par Christian Rist, Jean Dautremay, ou Nelly Borgeaud, Gaël Baron devient élève, de 1989 à 1991, au conservatoire de Paris (classes de Madeleine Marion, Pierre Vial, Stuart Seide). Dès sa sortie du conservatoire, il entame un riche parcours avec Stanislas Nordey, avec qui il joue Pasolini, Koltès, Wyspianski, Lagarce, Schwab. Au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis il sera à deux reprises acteur permanent de la compagnie nordey, en 1992, puis en 1998. il joue aussi sous la direction de Stéphanie Loïk, Christian Rist, Claude Régy, Éric Didry (Boltansky interview), Jean-Pierre Vincent, Gildas Milin, Antoine Caubet, Jean-Baptiste Sastre, Gérard Watkins (suivez-moi, et la tour de Gérard Watkins), Gislaine Drahy, Gilles Bouillon, Françoise Coupat, Jean-Michel Rivinoff, Daniel Jeanneteau (la sonate des spectres de Strinberg, et Anéantis de Sarah Kane), Jean-François Sivadier (la folle journée ou le mariage de figaro de Beaumarchais), Roland Auzet (Panama al brown)… Il participe à plusieurs spectacles pour le jeune public : la légende de siegfried, de S. Nordey ; Abou et Maïmouna dans la lune, mis en scène par Frédéric Fisbach ; Abou et Maïmouna à l’école, co-écrit avec Josée Schuller ; Même pas peur et facteur/sapin de Sarah Chaumette. en 2008, pour le festival d’Avignon, avec Valérie Dréville, Charlotte Clamens, J.f. Sivadier, et Nicolas Bouchaud, il a co-mis en scène et joué Partage de midi de Paul Claudel. il aussi mis en scène et joué Adieu, Institut Benjamenta…, un spectacle qu’il a créé d’après le roman de Robert Walser, l’Institut Benjamenta. À partir de 1999 il engage un travail suivi avec Bruno Meyssat et sa compagnie théâtres du shaman, et la saison 2011-2012 verra la reprise des deux dernières créations auxquelles il a participé: Observer, et Le Monde extérieur. en 2012-2013, il a joué dans : Un ennemi du peuple d’Ibsen, mis en scène par Guillaume Gatteau, 15%, de Bruno Meyssat, et Lost (replay), écrit et mis en scène par Gérard Watkins. en novembre 2014, il crée Apollo de Bruno Meyssat à la Mc2-grenoble, et en décembre 2014 la nuit juste avant les forêts de Bernard-Marie Koltès mis en scène par Jean-Michel Rivinoff.

LAURENT ZISERMAN après une formation à l’école de la rue blanche (Marcel Bozonnet) et au conservatoire de paris jusqu’en 1991 (Madeleine Marion, Stuart Seide), il commence à travailler au théâtre avec Marcel Bozonnet (Scènes de la grande pauvreté de Sylvie Péju), Jean-louis Jacopin (Joko fête son anniversaire de Roland Topor), Bérangère Bonvoisin (le salon transfiguré de Philippe Clévenot), Jacques Nichet (le magicien prodigieux de Calderòn de la Barca), Mario Gonzales (Caliban dans La tempête de Shakespeare). Il participe ensuite à des aventures d’équipe. Trois étés à hérisson avec Jean-Paul Wenzel et la nombreuse troupe d’acteurs conviés à ces « vacances studieuses ». Cinq spectacles avec Gilberte Tsaï, pour la plupart construits autour de textes de Jean-Christophe Bailly. enfin, le parcours aux côtés de Claire Lasne Darcueil, depuis les premiers spectacles de la compagnie les acharnés: Les acharnés et Les nouveaux bâtisseurs de Mohamed Rouabhi, Ivanov de Tchekhov (tous ces spectacles joués au Théâtre Paris-Villette), jusqu’à l’aventure des « printemps chapiteau » qui a réuni, pendant une dizaine de saisons, une équipe fidèle d’acteurs et de techniciens, des villages du Poitou-Charentes au festival d’Avignon (Sganarelle dans Don Juan de Molière, L’homme des bois de Tchekhov, Joyeux anniversaire de Claire Lasne Darcueil). D’autres rencontres essentielles : Alain Enjary et Arlette Bonnard (animaux, suivis d’autres animaux), et François Cervantes croisé sur le plateau d’Ivanov. en 2004, François Cervantes écrit pour lui Jamais avant, une pièce de théâtre en appartement jouée près de 200 fois depuis sa création. depuis, il travaille en étroite collaboration avec l’entreprise-compagnie François Cervantes. il joue dans une île (2008), le dernier quatuor d’un homme sourd (2009), la distance qui nous sépare (2012), et carnages (2013). ces dernières saisons, il a joué aussi dans: dans la compagnie des hommes d’Edward Bond, mis en scène par Sélim Alik (création La Criée 2011), et Désir de théâtre, un spectacle de Claire Lasne Darcueil (rencontres d’Alloue 2012). Enfin, il a participé aux deux chantiers de recherche dirigés par Krystian Lupa (le corps rêvant en 2012, et l’élan intérieur en 2014).

JULIE DENISSE avant de se destiner au théâtre, elle tourne de nombreuses années avec le cirque bidon, où elle est, tour à tour : accordéoniste, contorsionniste, trapéziste. elle pratique aussi la voltige à cheval et le clown avec le cirque en déroute. ensuite elle entame une formation de comédienne, d’abord à l’école de la rue blanche, puis au conservatoire national supérieur d’art dramatique de paris dont elle sort en 1998. Elle travaille au théâtre avec, notamment : François Wastiaux (Paparazzi), Michel Didym (Le langue à langue des chiens de roche), Jacques Bonnafé (Comme des malades), Julie Bérès (Poudre), Victor Gauthier-Martin (Ambulance, la cuisine, ailleurs tout près), Gildas Milin (Anthropozoo), Julie Brochen (Hanjo, Oncle vania, Penthésilée), Daniel Jeanneteau et Marie-christine Soma (Feux, Adam et Eve), Patrice Chéreau (Elektra), Julien Fisera (Belgrade), Claire Lasne-Darcueil (Désir de théâtre). Elle est aussi engagée comme danseuse par Caroline Marcadé (Terres d’ailes, La nuit de l’enfant cailloux). Elle a enregistré de nombreuses dramatiques et lectures de poèmes pour France Culture, avec : Claude Guerre, Xavier Carrère, André Welter, Marguerite Gateau, Juliette Heymann… Ces dernières années, elle a mis en scène deux spectacles de Jeanne Mordoj : Adieu poupée et La poème. Elle est en tournée avec Trois sœurs d’après Les trois sœurs de Tchekhov, mis en scène par Claire Lasne-Darcueil à l’automne 2014 (Mc2-grenoble, théâtre de la tempête…).

JÉRÔME D’ORSO diplômé de biologie et de psychologie, il se professionnalise dans le spectacle vivant en 2001. L’art du mouvement qu’il pratique repose sur trois types d’apprentissage et de recherche : le théâtre acrobatique, lié aux arts du cirque et à l’enseignement de Jonathan Sutton ; l’axis syllabus développé par le danseur Frey Faust ; et enfin les arts Martiaux tels que les enseigne le maître vietnamien Luong Truong My. Il crée en 2001 la compagnie les Art’s Felus, dédiée aux spectacles de cirque de rue, dans laquelle il est danseur, fil-de-fériste, metteur en scène (créations 2011-2014 : Les paysagismes acrobatiques). Il a toujours associé son travail de recherche et de création artistique à la transmission. depuis 2008 il enseigne les arts du cirque et de la danse en milieu hospitalier, en prison, en milieu scolaire. Il est aujourd’hui enseignant certifié axis syllabus, et anime de nombreux stages, en France et à l’étranger. Il est danseur pour la compagnie Thierry Thieu Niang, pour le collectif de performers Ornic’art, pour la compagnie Hors Commerce (Montpellier). Ces dernières saisons, il a dansé dans Au fil de soi avec la compagnie Félicette Chazerand (Belgique), Ellipse avec la compagnie Mouvimento. Il a aussi animé de nombreux workshops à Berlin et à Bruxelles (fil de fer, contact improvisation).

EMMANUEL CLOLUS après ses études à Olivier de Serres (école d’arts appliqués), Emmanuel Clolus est assistant du décorateur Louis Bercut. Ensuite, il réalise de nombreux décors pour le théâtre : Le prince travesti de Marivaux, L’annonce faite à Marie de Claudel, Le Maître et Marguerite de Boulgakov, Bérénice de Racine, Affabulazione de Pasolini, Les paravents de Genet, Le président de Thomas Bernhard, Oh les beaux jours de Beckett, Les estivants de Gorki et Tartuffe de Molière avec des metteurs en scène tels que Frédéric Fisbach, Arnaud Meunier, Blandine Savetier et Éric Lacascade. Il collabore très régulièrement avec Stanislas Nordey au théâtre : La dispute et Le triomphe de l’amour de Marivaux, Tabataba de Koltès, Calderon et Pylade de Pasolini, Splendid’s de Genet, Le songe d’une nuit d’été de Shakespeare, Les comédies féroces de Schwab, Violences et contention de Gabily, La puce à l’oreille de Feydeau, Électre de Hofmannsthal, Incendies de Wajdi Mouawad, Les justes de Camus, La conférence de Christophe Pellet, Se trouver de Pirandello et à l’opéra : Pierrot lunaire de Schönberg et Le rossignol de Stravinsky sous la direction de Pierre Boulez (Théâtre du Châtelet), Le grand macabre de Ligeti, Trois sœurs et Le balcon de Peter Eötvös, Kopernikus de Claude Vivier, Héloise et Abélard de Ahmed Essyad, Jeanne au bûcher de Honegger, Les nègres de Michael Levinas (opéra de Lyon), et La métamorphose de Kafka (Opéra de Lille), i capuletti e i Montecchi de bellini, saint-françois d’assise de Messiaen (opéra Bastille de Paris), Pelléas et Mélisande de debussy (festival de Salzbourg et Covent Garden à Londres), Melancholia à l’Opéra Garnier, Lohengrin de Wagner à Stuttgart. Depuis 2006, il collabore avec l’auteur/metteur en scène Wajdi Mouawad et a réalisé les décors de Forêts, Littoral, Seul puis le sang des promesses et ciels pour le Festival d’Avignon 2009, temps pour la Schaubühne de Berlin et les Trachiniennes, Electre et Antigone de Sophocle pour le Festival d’Avignon 2011. Dernièrement il vient de signer les scénographies de Tristesse animal noir de Anja Hilling et Par les villages de Peter Handke mis en scène par Stanislas Nordey à La Colline, de deux opéras : Lucia de Lammermoor de Donizetti pour Lille et La vestale de Spontini pour le Théâtre des Champs-Elysées ; ainsi que Ajax et Oedipe-roi de Sophocle (mise en scène de Wajdi Mouawad).

DIANE GUÉRIN elle débute sa formation en intégrant en 2008 le centre de formation artistique du spectacle vivant et de l’audiovisuel (cfpts), en option lumière. En tant qu’apprentie, elle suit pendant deux ans cet enseignement, en alternance avec le Théâtre National de La Colline (alors sous la direction d’Alain Françon, puis de Stéphane Braunschweig). Elle y participe notamment aux spectacles de : Sylvain Creuzevault, Michaël Thalheimer, Stanislas Nordey, et travaille avec les éclairagistes : Joël Hourbeig, Marie-Christine Soma, André Diot et Alain Poisson. En 2010, elle intègre l’école supérieur d’art dramatique du TNS à Strasbourg (sous la direction de Julie Brochen), en section régie-techniques. elle y participe à des ateliers d’élèves, avec : Jean-Louis Hourdin, pierre Meunier, Georges Lavaudant, Jean-Yves Ruf, Christiane Burges, Robert Shuster, Alain Françon (lumière, son, vidéo, plateau). En juin 2013, elle sort de l’école et assure la régie lumière pour les metteurs en scène Laurent Gutmann et Martial Di Fonzo Bo. elle assiste Marie-Christine Soma sur les créations lumière d’Amphitryon et De l’ombre, deux spectacles mis en scène par Jacques Vincey. Cette collaboration se poursuit. Elle devient éclairagiste pour la compagnie Le Thaumatrope (Karim Belkacem), avec qui elle crée les lumières pour deux spectacles : Blasted en 2013, et Gulliver (création été 2014, en coproduction avec le Théâtre des Amandiers de Nanterre).

MARCO BENIGNO avant d’obtenir en 2011 sa licence d’arts du spectacle à l’université Montpellier III (mention très bien), il commence à travailler comme régisseur son, lumière et vidéo au théâtre de l’adresse (Avignon off), et en tant qu’éclairagiste avec Armand Gatti, Julie Mejean-Perbost, Maurice Fouilhé, Laura Fouqueré et Cyrille Olivier. Dans le même temps, il participe en tant que comédien aux ateliers travaux pratiques animés par Marie-José Malis. en 2011, il intègre l’école supérieur d’art dramatique du TNS à Strasbourg, section régie-techniques. Dans le cadre des ateliers-spectacle, il travaille comme créateur lumière avec Cécile Garcia-Fogel et Vincent Thépaut, et comme créateur son avec Sacha Todorov et Éric Vigner. En 2013, il effectue un stage en régie lumière sur Twin Paradox de Mathilde Monnier, et assiste Xavier Jacquot pour la création son d’Ali Baba, de Macha Makeïeff. Il sort de l’école en juin 2014, et est régisseur son, lumière et vidéo pour la tournée du Prince, mis en scène par Laurent Gutmann (saison 2014-2015).

PHILIPPE DOMENGIE après des études de sciences à Lyon, il quitte les bancs de la faculté pour une école de Jazz. il est musicien et joue dans de nombreux groupes. son chemin le mène à Grenoble, où il se retrouve aux commandes d’un studio d’enregistrement. il y croise la route de Sinsemillia, Gnawa Diffusion, les Barbarins Fourchus. Puis il part à Annonay et découvre le spectacle de rue. Il habite au dessus d’une imprimerie : l’image, la photo, la vidéo entrent dans son quotidien. Il rejoint ensuite un cirque contemporain près d’Aix-en-Provence, à cette époque il réalise aussi le premier album de la chanteuse Anaïs (qui sera disque de platine). Enfin il s’installe à Marseille et collabore avec de nombreux artistes en tant que musicien, comédien, danseur, et vidéaste. Son goût pour l’image l’amène à suivre une formation professionnelle d’une année à la Femis. De retour d’un voyage au Japon, il fonde le collectif le nomade village, dont la vocation est de rassembler tous ces univers, ces artistes, croisés en chemin. Au sein de ce collectif, il est metteur en scène et réalisateur (il est notamment artiste associé au, Théâtre des Salins-Scène Nationale de Martigues en 2012-2013). Il collabore aussi en tant que vidéaste avec d’autres compagnies : l’Entreprise (François Cervantes), le Dynamo Théâtre (Joëlle Catino)…

ISABELLE SUREL après une licence de « musiques vivantes » à paris VIII, elle s’intéresse dans un premier temps à l’électro-acoustique pour s’orienter ensuite vers la création sonore au théâtre, pour lequel elle travaille depuis plus de 20 ans. elle a collaboré pendant 14 ans avec la compagnie La Rumeur / Patrice Bigel, et a aussi travaillé avec de nombreux metteurs en scène : Anne-Marie Lazarini, Alain Bézu, Claude Yersin, Ricardo Lopez-Munoz, Laurent Fréchuret, Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma, plus récemment avec Sébastien Derrey et Jeanne Mordoj. Elle a travaillé pour la danse avec la compagnie Fatoumi/ Famoureux et Brigitte Seth/Roser Montllo-Guberna; pour le cinéma avec Christophe Loizillon et Éric Guirado.


Entretien de Laurent Ziserman avec Laurence Perez
Pour le Théâtre de la Criée, avril 2014

La pièce que vous créez la prochaine saison à la criée s’intitule le Kabuki derrière la porte. pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le Kabuki ?
le Kabuki est l’une des trois formes du théâtre traditionnel japonais. Il y a le Nò, qui est un théâtre de masques, le Bunraku, qui est un théâtre de marionnettes, et puis il y a le Kabuki, que l’on pourrait qualifier de théâtre d’acteurs. Le Kabuki repose en effet sur l’art de ses grands interprètes, tout à la fois comédiens, danseurs, chanteurs,musiciens, acrobates et bien plus encore. C’est un art de l’acteur complet.

Est-ce là ce qui vous plait dans le Kabuki, au point d’en faire aujourd’hui la matière première de votre spectacle ?
Le point de départ du Kabuki derrière la porte réside dans l’envie de remettre le jeu de l’acteur au centre du théâtre. Quand j’ai commencé à penser à ce spectacle, je rêvais d’une trilogie qui me permettrait d’assouvir trois de mes plus grands fantasmes de comédien, à savoir : donner la réplique à Toshiro Mifune, l’acteur fétiche de Kurosawa (qui est aussi le mien ! ), devenir un acteur de la royal Shakespeare Company capable de jouer le grand William en anglais, et enfin, interpréter Hamlet en suédois sous la direction d’Ingmar Bergman. C’est en laissant libre cours à ces intuitions-là que j’ai commencé à travailler. Je me suis notamment rendu à la Maison de la culture du Japon, où je suis tombé sur un véritable trésor : des heures d’interviews de grandes stars du Kabuki par une speakerine de la NHK, la télévision publique japonaise. Le contraste entre les hommes empreints de modestie qu’ils étaient dans la vie et les acteurs époustouflants qu’ils étaient sur scène m’a tout simplement sidéré. J’ai été fasciné par leur maîtrise d’un art qui leur permet de se glisser avec autant de facilité dans la peau d’une femme que dans celle d’un chef samouraï. Je me suis dit que je tenais là une formidable piste pour mener à bien mon projet, une porte d’entrée d’un intérêt inouï.

Votre spectacle n’est pas un hommage au Kabuki, qui passerait par une reconstitution plus au moins fidèle, mais plutôt une rêverie contemporaine autour de cette forme théâtrale ancestrale… pourquoi l’avoir voulu ainsi ?
Je n’ai vraiment aucune raison intime de vouloir rendre hommage au Kabuki. Par contre, je revendique pleinement l’idée d’une rêverie à partir du Kabuki. Une rêverie d’acteurs, tentant d’entraîner le public à leur suite, à la découverte d’un monde à priori très lointain qui se révèle toutefois très accessible, presque familier. Car c’est aussi ce que j’aime dans le Kabuki : le fait que ce soit un art majeur de l’acteur et, en même temps, une forme extrêmement populaire. Dès sa naissance au début du 17e siècle, il a su toucher la société dans son ensemble et s’adresser aux petites gens comme aux grands lettrés.

Vous avez invité un autre acteur, Gaël Baron, à partager cette aventure avec vous. Pourquoi avez-vous éprouvé le besoin d’avoir un compagnon et comment avez-vous travaillé ensemble ?
Seul, il me manquait un ressort, celui de l’autre, celui de la confrontation des idées. J’ai alors pensé à Gaël Baron, que j’ai connu au Conservatoire National d’Art Dramatique de Paris. Pendant nos années d’études communes, nous avons beaucoup partagé mais depuis notre sortie de l’école, nous n’avions jamais eu l’occasion de jouer dans un même spectacle. Travailler avec Gaël autour de cette création inspirée du Kabuki m’est apparue comme une évidence. J’ai tout de suite vu en lui le camarade de jeu idéal pour mener à bien ce projet. Et la réalité a dépassé mes espérances lorsque j’ai découvert que lui aussi nourrissait une véritable passion pour le Kabuki, qu’il connaissait d’ailleurs bien mieux que moi ! Nos deux rêveries se sont alors rejointes, l’imagination de l’un est venue féconder l’univers de l’autre pour donner naissance à ces deux acteurs occidentaux, qui se présentent devant le public comme deux grandes vedettes de Kabuki…

S’ils s’approchent des codes du Kabuki, les deux personnages que l’on découvre sur scène ne sont pas tout à fait conformes aux modèles originaux. Ils parlent d’ailleurs une langue qui rappelle les sonorités du Japonais mais qui n’en est pas, une langue totalement imaginaire. pourquoi ce choix ?
Tant qu’à ramener le théâtre au jeu de l’acteur, nous avons pensé qu’il fallait le faire dans une langue étrangère. Avec cette langue qui sonne comme du japonais mais qui n’en est pourtant pas, nos deux personnages apparaissent comme des passagers clandestins de cette culture, mais aussi comme de fervents amoureux de celle-ci. Dès leur arrivée sur scène, personne n’est dupe : on sent qu’ils se sont maquillés et habillés avec soin, mais leurs costumes ressemblent plus à des rideaux de salon recyclés pour l’occasion qu’à de véritables kimonos. Pour la langue, c’est pareil. On imagine qu’ils ont appris leurs rudiments de langue dans une méthode du style parler le japonais en voyage, mais cela ne fait pas d’eux des bilingues. Tout l’enjeu de notre travail réside dans le fait que les spectateurs acceptent de s’embarquer dans leur monde, de s’inventer une histoire avec eux, au-delà de cette langue qui n’est pas une barrière mais bien un langage commun.

Ce couple d’acteurs, que vous constituez sur scène avec Gaël Baron, tient un peu de Laurel et Hardy, de Bouvard et Pécuchet, en d’autres termes d’un duo comique.Le rire est-il quelque chose qui vous intéresse particulièrement ?
Le rire est pour nous quelque chose de central. Lorsque j’ai commencé à rêver à ce spectacle, cela faisait déjà quelques années que je pratiquais mon métier avec passion. En même temps, je me rendais compte qu’une part importante de ma personnalité, de ce qui m’avait conduit instinctivement vers le théâtre, ne trouvait pas sa place dans mon quotidien d’acteur. Faire rire les gens a été l’une des principales préoccupations de mon enfance et de mon adolescence et je me suis dit, en allant vers le théâtre, que j’allais pouvoir en faire un métier. faire rire est un exercice passionnant et beaucoup plus mystérieux qu’il n’y paraît… on ne pouvait pas préméditer du comique de telle ou telle séquence avant de se lancer dans une improvisation. Mais les répétitions nous ont très vite révélés comme un couple burlesque, proche du Bouvard et Pécuchet de faubert, du Mercier et Camier de Beckett. Voire même de Don Quichotte et Sancho Panza, car on a tout de même l’impression que les deux personnages que nous incarnons courent après une forme de rêve, une chimère qu’ils n’atteindront jamais : être de grandes vedettes de Kabuki. Malgré leur foi qui semble inébranlable, leur entreprise est aussi fragile que le décor dans lequel ils évoluent. ils se prennent sans cesse les pieds dans le tapis, ou plutôt les socques dans le kimono.
le rire provient aussi de leurs ratages…

Les pérégrinations de ces deux acteurs de Kabuki nous amènent naturellement au Japon, mais nous amènent également à revisiter comme une petite histoire du théâtre puisqu’ils s’essaient, à un certain moment de la pièce, à travailler du Molière et du Shakespeare et évoquent, à d’autres, les univers de Pina Bausch, de Maurice Béjart et de Nijinski…
Portés par un immense plaisir de jouer, ils en viennent effectivement à aborder le Misanthrope de Molière et richard III de Shakespeare, ou à esquisser des pas de danse du Sacre du Printemps de Pina Bausch, mais toujours de leur point de vue d’acteurs de Kabuki. C’est comme s’ils se retrouvaient sur des terres étrangères et qu’ils décidaient, avec beaucoup d’entrain, de les explorer et de tout faire pour les conquérir. Leurs pérégrinations finissent donc par constituer une traversée clownesque du théâtre et de ses traditions. c’est encore une manière d’inverser les miroirs, de brouiller les repères : on ne sait bientôt plus quelle poupée russe enferme l’autre…

Vous évoquiez tout à l’heure l’idée du ratage, comme possible source de rire. L’improvisation, à laquelle Gaël Baron et vous-même êtes rompus, a-t-il une place dans votre spectacle ?
Le spectacle est né de l’improvisation, dont Gaël et moi sommes en effet coutumiers. Lui, de par son travail avec le metteur en scène Bruno Meyssat et moi, de par mon compagnonnage avec François Cervantès. Je pense que c’est notamment pour cela que Gaël et moi réussissons si bien à travailler ensemble. Bien sûr, au final, le spectacle sera très écrit, mais nous pensons qu’il faut qu’il reste sur scène un peu de ce souffle de l’improvisation. Il faut que, comme dans les vieux couples, on puisse encore se surprendre ! d’ailleurs, dans le théâtre de Kabuki, il y a cela. Il y a des moments où, tout d’un coup, l’acteur s’autorise à partir dans une improvisation. Il faut absolument préserver cette liberté, cette légèreté qui ramène de la fragilité. La fragilité doit être au cœur de notre spectacle pour que le spectateur puisse s’immiscer dans ces failles, s’inviter dans notre monde et le partager joyeusement avec nous.