Le Cerceau

Cerceau

En novembre 2009 nous accueillons Laurent Gutmann et le Centre Dramatique National de Thionville-Lorraine avec qui nous poursuivons une relation d’échange et de collaboration entamée la saison dernière (le stage professionnel dirigé par Daniel Jeanneteau s’est déroulé entre Thionville et Vitry ; « Feux » d’après August Stramm a été repris en résidence et joué quatre fois au Théâtre en Bois du CDN ; Marie-Christine Soma signe les lumières du « Cerceau »). Après une session de répétitions dans nos murs au mois d’août, nous présentons pour cinq représentations la mise en scène par Laurent Gutmann du «Cerceau » de Victor Slavkine. Magnifique chef-d’œuvre nourri de réminiscences de « La Cerisaie » de Tchékhov, « Le Cerceau » vient poursuivre la réflexion sur le monde postsoviétique que nous avions entamée en février 2009 avec « Ensorcelés par la mort » de Svetlana Alexievitch.


Le Cerceau

de Victor Slavkine

Le samedi 7 à 19 h
le dimanche 8 à 16 h
le lundi 9 à 19h

le samedi 14 à 19 h
et le dimanche 15 à 16 h

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© Béatrice Minda

« Si je vous ai réunis, c’est parce que
nous avons tous quelque chose en commun.
Moi, nous, tous, nous sommes seuls. »

Traduction Simone Sentz-Michel, Editions Actes-Sud Papiers
Mise en scène Laurent Gutmann

Avec Jade Collinet, Bruno Forget, Daniel Laloux, Marie-Christine Orry, Eric Petitjean, François Raffenaud, Richard Sammut

Scénographie Laurent Gutmann et Mathieu Lorry Dupuy
Lumière Marie-Christine Soma
Costumes Axel Aust
Son Madame Miniature
Assistante à la mise en scène Anne-Margrit Leclerc

Petouchok, un ingénieur d’une quarantaine d’années, célibataire et urbain, a hérité, à la suite du décès d’une grand-mère, d’une maison à la campagne. Il décide de réunir cinq amis, plus ou moins proches, pour un week-end dans cette maison qu’il découvre en même temps qu’eux. Les six protagonistes ont en commun de vivre seuls et d’avoir sensiblement le même âge (hormis une jeune femme de 26 ans). Petouchok rêve de faire de cette maison le lieu de rassemblement d’une communauté amicale et informelle, rempart durable contre la solitude de ses membres. Un vieil homme les y rejoindra à l’improviste, ancien amant de la grand-mère décédée. Avec la redécouverte des lettres qu’elle et lui échangèrent pendant de longues années, c’est le passé de chacun des invités du week-end qui sera convoqué.

Par certains motifs, on pense à Tchékhov, (la villégiature, l’oisiveté, un monde qui chancelle – ici l’Union Soviétique –, l’ironie). C’est avec les coups de hache abattant les cerisiers que s’achevait La Cerisaie. C’est avec les coups de hache que donne Petouchok pour ouvrir la maison dont il vient d’hériter que commence Le Cerceau. Comme si Petouchok rouvrait la Cerisaie, quatre-vingts ans après. Mais ce qui pourrait n’être qu’un jeu littéraire assez vain, au mieux un aimable pastiche, débouche au contraire sur le constat d’une impasse, sur la nécessité de réinventer cet héritage.

S’éloignant peu à peu de Tchekhov, la voix de Victor Slavkine devient alors absolument singulière, qui ose, dans l’apparente unité de temps, de lieu et d’action de son texte, une écriture jamais linéaire, faite d’échappées belles, de collage, de rupture de style. Un air d’opérette, un tour de magie ou un compte rendu de voyage viennent interrompre le cours de dialogues eux-mêmes apparemment décousus. Le passé n’a plus de valeur en lui-même, mais est réinventé au gré des jeux des protagonistes. Le théâtre est dans tous ses états : l’identité des uns et des autres se brouille, tout comme la situation qu’on pensait familière.

Le texte porte la marque de ses origines : les années 1980 en URSS. Le projet communautaire de Petouchok était alors sans doute compris comme une réponse sympathique et dérisoire au délitement en cours de la société soviétique. Mais c’est bien une question plus générale – celle de la contemporanéité – qu’il soulève. Être contemporains, c’est partager un même temps. Qu’advient-il dès lors que le passé est la seule dimension du temps que l’on parvienne à partager ? « J’ai compris une chose : il n’y a rien. Rien d’autre que ce qui existait avant. », dit Petouchok, au début de la pièce, à la femme qu’autrefois il a aimé. Et plutôt que de signifier que rien n’a changé, que leur amour a survécu à l’usure du temps, il nous dit là que ce n’est qu’en disparaissant que leur amour a trouvé sa réalité. Comme si n’était partageable que ce qui était perdu.

Mais la pièce ne se complaît pas dans l’exploration du sentiment nostalgique. Elle en met au contraire en lumière les dangers et se fait apologie du jeu et du théâtre comme conditions d’un temps partagé. « J’ai eu l’impression… J’ai pensé que… maintenant, justement, nous pourrions vivre tous ensemble dans cette maison. » Ce sont là les derniers mots de la pièce et ils offrent (au moins) deux interprétations : soit l’idée d’une vie commune dans cette maison n’est devenue désirable qu’à l’instant où il était clair pour tous qu’elle n’était plus possible, soit la pièce s’arrête là parce qu’enfin vivre ensemble dans cette maison est devenu possible. Comme si le théâtre avait eu pour fonction de mettre à nu le cheminement permettant d’en arriver là, ou mieux, comme si le théâtre avait été le moyen de cette communauté. Au moins, le temps de la représentation aura été un temps partagé.
C’est cette seconde hypothèse qui, à mon sens, justifie qu’on s’intéresse aujourd’hui au Cerceau.

Laurent Gutmann

Production Centre Dramatique National de Thionville-Lorraine, Grand Théâtre de Luxembourg, La dissipation des brumes matinales.
Avec le soutien de l’Équinoxe, Scène Nationale de Châteauroux et du Théâtre du Jarnisy


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Victor Slavkine

Victor Yosifovitch Slavkine est né en 1935 à Moscou. Il fait ses études à Moscou à l’Institut d’ingénieurs du transport ferroviaire et durant quelques années travaille sur des chantiers et dans des bureaux d’étude de construction.

Déjà à l’université, il participe activement aux ateliers artistiques amateurs et ses premières pièces sont jouées dans le fameux studio du théâtre universitaire de Moscou des années 60 : « Notre Maison ».

Dès 1961, il est publié dans les journaux et magazines comme auteur de récits humoristiques et écrit également pour la radio et la télévision. A partir de 1963, il se tourne définitivement vers le travail d’écriture. De 1967 à 1984, il travaille pour le journal populaire « Yunost » (Jeunesse) dont il est responsable de la rubrique satire et humour. En 1979, sa pièce Fille adulte d’un jeune homme est présentée au Théâtre Stanislavski à Moscou. La mise en scène est d’Anatoli Vassiliev qui par ailleurs réalisera la mise en scène du Cerceau au théâtre Taganka. Par la suite, cette pièce comme beaucoup d’autres (Le Mauvais appartement, Le Tableau, Une place pour fumeurs…) seront jouées dans de nombreux théâtres d’Europe et d’Amérique.

Victor Slavkine travaille aussi pour le cinéma. Certains de ses films d’animation dont il écrit les scénarios sont récompensés aux festivals internationaux de cinéma.
Le recueil de ses pièces et un livre, intitulé Mémorial pour un jeune zazou, sont publiés.
Ces dernières années, Victor Slavkine était occupé par un important projet de télévision «Le vieil appartement». Mêlant moyens documentaires et artistiques, 52 épisodes racontent l’histoire d’une journée dans la période allant de l’après guerre (1947) à l’an 2000. Pour ce scénario, Victor Slavkine a reçu le Prix d’État de la Fédération Russe et le Prix National de la Télévision «Téffi». « Gofmaniada » – un long-métrage, film d’animation d’après le scénario de Victor Slavkine, est actuellement en cours de tournage.

Laurent Gutmann

Il reçoit une formation de comédien à l’École de Chaillot dirigée par Antoine Vitez, puis au Théâtre National de l’Odéon, avec notamment Antoine Vitez, Yannis Kokkos, Aurélien Recoing, Jean-Marie Winling, Andrej Sewerine… Parallèlement, et après une Maîtrise de Sciences Politiques, il obtient un DEA de philosophie à Paris X Nanterre.

Avant de réaliser ses propres mises en scène, il travaille comme assistant de Jean-Pierre Vincent sur Les Caprices de Marianne et Fantasio d’Alfred de Musset, au Théâtre des Amandiers à Nanterre (1991 et 1992), et comme comédien dans Jeanne d’Arc au bûcher, oratorio d’Arthur Honneger et Paul Claudel, mis en scène par Claude Régy à l’Opéra Bastille.
En 1994, il crée sa compagnie (Théâtre Suranné) avec laquelle il réalise ses propres mises en scène : Le Nouveau Menoza, de Jacob Lenz (1994-95) ; Le Balcon et Ce qui est resté d’un Rembrandt déchiré en petits carrés et foutu aux chiottes, de Jean Genet (1996), Les Décors sont de Roger H, création collective (1996) ; Le Coup de filet de Bertolt Brecht (1997), La Vie est un songe de Calderon de la Barca (1997-1998) ; Œdipe roi de Sophocle, En Fuite –textes de Georges Perec, Nathalie Sarraute et Jean Genet– (1999) ; Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès, En route, création collective (1999-2000) ; Les Légendes de la forêt viennoise d’Ödön von Horvath (2001). A partir de 1999, la compagnie s’installe en Région Centre, associée à la Halle aux grains – Scène Nationale de Bois.
En 2002, il est lauréat du concours « Villa Médicis hors les murs » pour un projet de collaboration à Tokyo avec l’auteur et metteur en scène japonais Oriza Hirata ; dans la continuité de ce projet, il met en scène India Song de Marguerite Duras, avec des comédiens japonais, au Théâtre Agora de Tokyo.
Il anime par ailleurs de nombreux ateliers à Orléans, Grenoble, Strasbourg, Lima (Pérou), Barcelone et Tokyo.

En janvier 2004, il prend la direction du Théâtre Populaire de Lorraine qui devient CENTRE DRAMATIQUE DE THIONVILLE-LORRAINE puis obtient la labellisation CDN en janvier 2009.
En mai 2004, il présente Nouvelles du Plateau S. d’Oriza Hirata.
Il crée Splendid’s de Jean Genet en septembre 2004 et Les Estivants d’après Maxime Gorki en mai 2005, spectacle de sortie du groupe XXXV de l’École du Théâtre National de Strasbourg, où Laurent Gutmann a été responsable pédagogique associé.
Il écrit et met en scène La Nuit va tomber, tu es bien assez belle, spectacle à installer partout.

En janvier 2006, il recrée à Thionville Terre Natale de Daniel Keene, puis en mai de la même année, Lorenzaccio de Musset dont il assure l’adaptation en langue allemande, avec la troupe du Saarländisches Staatstheater. En janvier 2007 il crée Chants d’Adieu, une pièce écrite pour lui par Oriza Hirata. Le spectacle part en tournée trois saisons consécutives.
Je suis tombé, d’après « Au-dessous du Volcan » de Malcolm Lowry, a été créé en mars 08 au Centre Dramatique National de Thionville-Lorraine. Laurent Gutmann en a assuré l’adaptation et la mise en scène.

Création 12-17 octobre 09 – Centre Dramatique National de Thionville-Lorraine

Tournée 09-10 (sous réserve) :

Les 20, 22 et 23 octobre 09 – Luxembourg, Grand Théâtre

Le 27 janvier 10 – Vannes, Théâtre Anne de Bretagne

Le 9 février 10 – Saint-Brieuc, La Passerelle Scène Nationale

Le 24 mars 10 – Châteauroux, Équinoxe Scène Nationale

Le 30 mars 10 – Saintes, Gallia Théâtre