La Ville

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En novembre nous accueillons la création en résidence de LA VILLE de Martin Crimp, dans une mise en scène de Rémy Barché, jeune metteur en scène rencontré à l’école du Théâtre National de Strasbourg. L’occasion de retrouver un grand auteur britannique contemporain dont nous aimons l’oeuvre complexe et troublante.


jeudi 10 novembre à 20h30
vendredi 11 novembre à 20h30
samedi 12 novembre à 20h30

La Ville

de Martin Crimp
traduction Philippe Djian

mise en scène Rémy Barché
dramaturgie Adèle Chaniolleau
son Mickaël Schaller
scénographie Héloïse Labrande, Jean-Baptiste Bellon
lumière Victor Egéa

avec
Marion Barché
Marianne Benne
Alexandre Pallu
Marie-Pierre Rodrigue

production Studio-Théâtre de Vitry, Compagnie Léna sur la charrette


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“Ne nous faisons pas d’illusions au moment où elle nous imagine,
la réalité devient notre ennemi numéro un.”
Michelangelo Antonioni

Clair est traductrice, Christopher est informaticien. Elle rencontre un auteur, il perd son travail. Une série d’évènements étranges vont alors se produire, et la violence du monde va s’infiltrer dans le quotidien de ce couple jusqu’ici à l’abri. Une voisine infirmière vient pour se plaindre du bruit que font les enfants dans le jardin ; elle n’arrive pas à dormir à cause des images traumatiques qui la hantent depuis que son mari est parti à la guerre. Les enfants deviennent progressivement incontrôlables, jouant à des jeux atroces et sadiques. Clair et Chris se comprennent de moins en moins. En même temps que les éléments de la fiction sont déroulés, on commence à comprendre qu’ils sont peut-être inventés au moment où ils se produisent. Peut-être que ce que l’on voit, c’est le roman que Clair essaye d’écrire à partir de sa propre vie, de sa ville intérieure.


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A la fin de La Ville, comme les six personnages en quete d’auteur de Pirandello, les quatre figures de la pièce de Crimp sont reléguées dans un continent inconnu, où tout serait frappé d’inexistence. Au moment où chacun éprouve un doute profond quant à sa condition d’être vivant dans un monde réel, Clair avoue que ce qu’ils sont en train de vivre, c’est le brouillon d’une fiction qu’elle a tenté d’écrire. Ils seraient donc des personnages. Mais les personnages d’une histoire que Clair échoue à mettre en forme. La confusion qu’elle ressent devant la complexité du monde rend impossible la tentative d’écrire sa vie. Tous se retrouvent exclus du monde réel, et exclus de la fiction. A la différence des personnages de Pirandello, ceux de Crimp ne se révoltent pas. Les Six personnages en quête d’auteur avaient un “drame”, ils trouvaient légitime qu’on leur donne une forme, ceux de la Ville se sentent vides, ils ne voient pas très bien en quoi ils pourraient s’incarner.

Quel est ce monde fascinant et effrayant que décrit Crimp et où il serait impossible de s’incarner ? Il ressemble beaucoup à nos sociétés occidentales. C’est un monde où l’on peut perdre son travail du jour au lendemain, où l’on doit porter un badge pour être reconnu, un monde où la guerre est loin mais fait faire des cauchemars, où les enfants préfèrent se faire saigner que de regarder un merle construire son nid, un monde où l’on craint de mourir d’un cancer, où les mots ont un sens différent pour chacun. Un monde dépourvu de toute profondeur et où la peur est le motif de tous les agissements. La force de l’auteur est qu’il arrive à dépeindre cet univers à travers le délitement du couple que forment Chris et Clair. L’érosion du couple est le symptôme de l’absence de repères de la société dans laquelle ils évoluent. Chacun des deux traverse un moment de crise. Lorsqu’il perd son travail, Christopher sombre dans la dépression, il perd tout sentiment de dignité. Clair en a assez de traduire les mots des autres, mais n’arrive pas écrire avec ses mots à elle. A travers leurs doutes et leur incapacité à les communiquer, c’est tout ce monde en perte de sens que nous fait entrevoir Martin Crimp.

Ce qui est beau et surprenant, c’est que la structure de la pièce elle-même est progressivement contaminée par le malaise des personnages. La Ville est une pièce malade. Chaque scène semble inachevée, les situations se répètent, les personnages agissent de façon absurde… Le texte est plus labyrinthique que linéaire. A travers le personnage de Clair, Crimp semble parler de sa propre incapacité à construire un récit. Il interroge aussi de manière passionnante le statut d’un auteur aujourd’hui. Quel est le rôle d’un écrivain dans cette société de plus en plus superficielle qui s’apparente elle-même a une fiction ? La Ville répond à ces questions par son invention permanente et sa façon de sortir des codes habituels du théâtre. Si la pièce peut susciter l’effroi, elle rassure aussi par sa capacité rare à saisir avec beaucoup d’acuité et de sensibilité cette complexité parfois écrasante du monde.

Rémy Barché


Rémy Barché, metteur en scène

Parallèlement à sa formation en Arts du spectacle à l’université Bordeaux III, il monte La Semeuse de Fabrice Melquiot et Fairy Queen d’Olivier Cadiot. Il crée un audio-spectacle à partir de textes de Sarah Kane et Stig Dagerman pour l’édition 2004 du festival Novart.
Il entre en 2005 à l’École du TNS en tant qu’élève metteur en scène, et monte deux spectacles : Le
Cas Blanche-Neige d’Howard Barker et Cris et chuchotements d’après Ingmar Bergman. Il travaille avec Stéphane Braunschweig, Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma, Marie Vayssières, Frederic Fisbach, Bernard Sobel, Krystian Lupa.
En 2009/2010, il est assistant de Ludovic Lagarde sur le spectacle Un nid pour quoi faire d’Olivier
Cadiot (CDDB Lorient, Festival d’Avignon 2010). En 2010, il assiste Daniel Jeanneteau et Marie- Christine Soma pour la mise en scène de L’affaire de la rue de Lourcine d’Eugene Labiche.
Il est metteur en scène associé au festival des Nuits de Joux (Haut-Doubs), où il monte La Tempête de Shakespeare (été 2009) et Amphytrion de Kleist (été 2010).
Il prépare la mise en scène La vie que je t’ai donnée de Luigi Pirandello pour la saison 2011/2012
(CDN de Bordeaux, Comédie de Reims, TNT de Toulouse…).
Il intervient régulièrement dans les classes de la Comédie de Reims et en option théâtre au lycée d’Asnières.