Jours souterrains

En mars nous accueillerons Jacques Vincey et son équipe pour la création française de JOURS SOUTERRAINS d’Arne Lygre, jeune auteur norvégien à l’écriture sobre mais violente. Jusqu’où peut aller le désir de maîtriser, de façonner le monde à son image ? Peut-on s’approprier la vie des autres, leur destin ? Peut-on faire le « bien » contre la volonté de ceux qui le subissent ? Arne Lygre ouvre un monde de doutes et de trouble en inventant une écriture radicalement déstabilisante.


samedi 19 mars à 20h30
dimanche 20 mars à 16h
lundi 21 mars à 20h30
vendredi 25 mars à 20h30
samedi 26 mars à 20h30

Jours souterrains

d’Arne Lygre
traduction du norvégien Terje Sinding

mise en scène Jacques Vincey

avec
Frédéric Giroutru
Jean-Claude Jay
Sabrina Kouroughli
Anne Sée

dramaturgie Vanasay Khamphommala
scénographie Mathieu Lorry-Dupuy
lumières Marie-Christine Soma assistée de Raphaël de Rosa
costumes Claire Risterucci
musique, son Alexandre Meyer, Frédéric Minière
contribution artistique Rachid Ouramdane
régie générale André Neri
stagiaire mise en scène Louise Dudek
relations avec la presse Claire Amchin / l’autre bureau

production compagnie Sirènes, coproduction Scène nationale d’Aubusson, Studio-Théâtre de Vitry
Avec le soutien de la DRAC Ile-de-France–ministère de la culture et de la communication et de La Ménagerie de Verre dans le cadre des STUDIOLABS.
Direction de production, diffusion Emmanuel Magis / A  N  A  H  I.
L’Arche est Agent théâtral du texte représenté.


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Quatuor.
Séquestration de trois personnes par le Propriétaire de la maison, pour les sauver du naufrage.
Pour écrire leur histoire et donner sens à la sienne.
Tentative désespérée de saisir une réalité, réelle ou imaginaire.
Les personnages écrivent leur histoire en direct, en la vivant sur le plateau.
Ils n’existent que parce qu’ils racontent d’eux-mêmes.

Une histoire où la réalité est loin.

Et pourtant. Dans cette histoire tout est réel.

La pièce frappe d’abord par sa violence.
Elle reste pourtant énigmatique et tisse des thématiques subtiles et profondes.

Le temps et l’espace ont une valeur relative : glissements spatio-temporels, comme dans les rêves ou les cauchemars. Un monde clos mais poreux, où suinte la férocité du monde extérieur. Un monde aux confins de la barbarie où l’on s’efforce de reconstruire une nouvelle humanité.

Les personnages s’expriment à la première et la troisième personne : apartés? adresses au public? didascalies?
Ils pensent à haute voix. Ils se racontent et sont racontés.
Ils disent l’extérieur et l’intérieur, le conscient et l’inconscient, la réalité et le fantasme, le visible et l’invisible…
Une forme reste à inventer pour cette écriture qui déstabilise, trouble le déroulement linéaire du récit, fait deviner d’autres perceptions et appréhensions du tangible.

Jacques Vincey

Biographie de Jacques Vincey


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Entretien avec Jacques Vincey

Comment avez-vous découvert le texte de Jours souterrains d’Arne Lygre et pourquoi avez-vous eu envie de le mettre en scène ?

Il y a trois ans, la maison d’édition théâtrale, L’Arche, m’a fait parvenir quelques textes d’auteurs contemporains inédits. La lecture de Jours souterrains, m’a provoqué une impression aussi forte que celle que j’avais pu ressentir à la lecture de Mlle Julie, de Mme de Sade et de La nuit des rois. Je retrouvais dans cette pièce écrite en 2006 par un jeune auteur norvégien, les thématiques qui sous-tendaient déjà mes trois précédents spectacles, mais ancrées cette fois dans notre réalité d’aujourd’hui et restituées dans une écriture théâtrale tout à fait nouvelle. Comme ses prédécesseurs, Arne Lygre traite de la difficulté à vivre dans le cadre de règles communément admises et de la nécessité d’échapper à l’apathie d’un monde dont les valeurs s’effritent. Son intrigue s’inscrit dans le contexte des affaires de séquestration régulièrement relayées par les médias ces dernières années : le personnage principal enferme successivement dans sa maison deux femmes et un jeune garçon pour les « sauver » dit-il, d’une déchéance à laquelle il les estime inéluctablement promis. Derrière la brutalité de la situation, Lygre tisse une réflexion subtile et profonde sur les rapports de ces êtres contraints de s’inventer une histoire commune pour survivre dans un monde clos mais poreux, où suinte la férocité du monde extérieur. Dans cet univers confiné, les rapports de dépendance, de soumission et de domination sont remis en cause pour tenter de reconstruire une nouvelle humanité. En filigrane de la fable, affleurent des questions philosophiques: qu’est ce qui est vrai ? qu’est-ce qui est imaginaire ? le réel, c’est ce qui se passe dans la tête des gens ? ou seulement la matérialité des faits ? jusqu’où peut-on aller dans son désir de façonner le monde à son image ?…

Le style de cet auteur est simple, l’écriture sobre mais violente. Comment comptez-vous rendre compte de cette écriture sur un plateau ?

Les personnages de la pièce s’expriment à la première et la troisième personne. Ils racontent et sont racontés. Ils disent l’extérieur et l’intérieur, le conscient et l’inconscient, la réalité et le fantasme, le visible et l’invisible… Cependant, rien n’est pénible ni appuyé. Et beaucoup de choses restent tues. La pièce, comme la vie elle-même, se développe de manière multiple, surprenante. Elle n’impose rien. Elle propose un arsenal de possibles. Les phrases sont courtes, le langage concret. Il y aussi tout un travail musical dans les rythmes, les reprises de mots, les phrases qui reviennent.
Une forme reste à inventer pour restituer cette écriture qui déstabilise, trouble le déroulement linéaire du récit et nous touche de façon subliminale, c’est à dire au-delà ou en-deçà de la compréhension claire des choses.
Notre travail doit donc donner à voir, mais par invitation. On doit procéder par appel, par suggestion parce que chaque fois qu’on accomplit une image ou qu’on ferme le sens, on reste en dessous du potentiel du texte et de la capacité du spectateur à se l’approprier.

De nouvelles collaborations sont venus étoffer votre équipe artistique. Pouvez-vous nous présenter vos nouveaux et fidèles compagnons ?

Chaque projet est l’occasion de prolonger le travail avec d’anciens collaborateurs, et de s’ouvrir à de nouvelles rencontres.
Parmi les acteurs, je retravaillerai avec Anne Sée qui jouait Madame de St Fond dans Madame de SADE, mais aussi avec Jean-Claude Jay, Sabrina Kouroughli et Frédéric Giroutru avec qui je travaillerai pour la première fois. Je suis heureux de rassembler sur ce spectacle ces grands acteurs aux parcours si différents.
Mathieu Lorry-Dupuy avait déjà conçu la scénographie du Banquet de Platon que j’ai créé au printemps dernier à la Comédie Française.
Ma collaboration s’enrichit et s’approfondit de spectacle en spectacle avec Marie-Christine Soma (lumières), Claire Risterucci (costumes), Alexandre Meyer et Frédéric Minière (musique et sons) qui ont participé à toutes mes dernières créations.

Jusqu’à présent, comment avez-vous abordé le texte avec les comédiens ?

Ce qui est intéressant lorsqu’on s’attaque à une écriture nouvelle, c’est de voir comment elle réagit. On a une impression, on va chercher dans un sens. Et puis on va être surpris parce qu’on va découvrir, on va découvrir de nouvelles portes qui vont nous permettre d’explorer de nouvelles pistes… Nous devons aussi travailler ce que le texte ne dit pas. Notre marge d’action, d’accompagnement se situe dans les interstices du texte. Il faut habiter ce qui n’est pas dit. Les plages de silence, par exemple.
Notre approche est empirique. Nous abordons ce texte avec humilité et sans à priori. Notre enjeu est de faire résonner cette écriture dans son foisonnement et son instabilité, et de déployer un spectre d’interprétation qui ouvre à d’autres perceptions et appréhensions du tangible.

Côté scénographie, quels vont être vos partis pris de mise en scène pour rendre compte de cette histoire ?

La difficulté principale à laquelle nous avons été confrontés avec le scénographe, a été de créer un support de jeu aux acteurs et à l’imaginaire des spectateurs, sans s’enfermer dans une représentation qui réduirait la portée de la pièce. En effet, les changements de temps et d’espace sont dits mais restent invisibles, comme dans les rêves ou les cauchemars. Les personnages « glissent » d’une pièce à une autre, d’un étage à l’autre, d’une piscine, à un bunker ou à une pièce vitrée…
Il nous fallait créer un espace mental, parcouru de vibrations sensorielles. La lumière jouera un rôle essentiel dans ce dispositif, ainsi que le son et la musique, dont on sait combien ils peuvent modifier notre perception du réel.

Entretien réalisé pour la Scène Nationale d’Aubusson le 3 janvier 2011


Arne Lygre

Arne Lygre est né à Bergen (Norvège) en 1968. Dramaturge, il a publié six pièces à ce jour : Mamma og meg og menn (Maman et moi et les hommes), traduit en français, allemand et anglais, créé à Stavanger (Norvège) en 1998 dans une mise en scène d’Ingrida Forthun (la création française, dans une mise en scène de François Chevallier, a été présentée au Mans, à l’Addition Théâtre, au cours de la saison 2OO6/2OO7). Le texte français, dû à Terje Sinding, est paru en 2OOO aux Solitaires Intempestifs ; Brått evig (Soudain l’éternité), traduit en allemand, anglais et serbe, créé en 2OOO au Théâtre National d’Oslo dans une mise en scène de Catrine Telle ; Skygge av en gutt (L’Ombre d’un garçon), traduit en allemand, suédois et hongrois, créé au Norske Teatret à Oslo en 2OO6 dans mise en scène d’Ola B. Johannessen ; Mann uten hensikt (Homme sans but), traduit en français, allemand et anglais, créé en 2OO5 au Théâtre National d’Oslo dans une mise en scène d’Alexander Mørk-Eidem (créé en France en 2007 dans une mise en scène de Claude Régy). Le texte français est paru aux Éditions de l’Arche ; Dager under (Jours souterrains, 2006), créé à Odense au Danemark en 2009 ; Så stillhet (Soudain le silence, 2007), créé à Oslo en 2009. Les œuvres romanesques d’Arne Lygre sont encore inédites en français. Certaines sont en cours de traduction. Son recueil de nouvelles Tid inne (Il est temps), publié en 2OO4 chez Aschehoug Publishing House, a été distingué par le Prix Brage 2OO4. Sa dernière œuvre parue : Et siste ansikt (Un dernier visage), roman (Aschehoug Publishing House, 2OO6), a été sélectionnée pour le prix de la télévision norvégienne du meilleur roman norvégien 2OO6.