Classe ULIS

Dans la forêt de Cong Hou

Une classe dite ULIS. Dix enfants entre 8 et 12 ans, chacun présentant des difficultés particulières. Un instituteur engagé, qui fait naître le groupe-classe par un atelier théâtre, qu’il met en place et dirige.

Les enfants s’appellent Mariam, Alexandra, Carla, Maëli, Halima, Tony, Jacques, John-David, Chenze, Yanis. L’instituteur, Kévin.

Pour mener à bien l’atelier, Kévin a frappé aux portes de plusieurs théâtres situés autour de l’école. Sa demande n’était pas qu’un artiste le prenne en charge à sa place, mais qu’il l’accompagne dans son projet : lui transmette des outils pour l’aider à préciser et approfondir une approche qui permettrait aux élèves de s’épanouir, travailler et s’investir autrement. Le Studio-Théâtre a souhaité l’accompagner dans sa démarche singulière.

J’ai ainsi rencontré Kévin et les enfants en avril 2016. Nous nous voyons depuis une journée par mois, à l’école.

Dès la première rencontre, la bienveillance au sein du groupe-classe ainsi que la capacité de travail des enfants m’ont frappé. En effet, inviter des enfants d’âge différents, ne rencontrant pas les mêmes troubles voire handicaps, à mettre leur corps et leur parole en jeu, ensemble, et avec, comme horizon, la fabrication d’un objet commun : une petite pièce de théâtre, ce n’est pas forcément évident. Pour l’instituteur, cela demande une attention soutenue et de ne pas perdre le fil entre les trois journées par semaine en classe dédiées aux apprentissages selon les niveaux de chacun, et les deux autres journées où ils sont complétés par l’atelier.

La bienveillance et la capacité de travail des enfants découlent de la détermination et de la patience de Kévin, qui borde avec une énergie constante la classe, tout en motivant l’autonomie et la participation de chacun.

C’est donc une petite troupe de laquelle émane une densité incroyable, du caractère mais aussi une belle légèreté, élégante et fraîche.

En avril dernier, quand je l’ai rejointe, Kévin avait déjà structurée une petite pièce, improvisée oralement par ses élèves mais aussi par les autres classes de l’école. Cette écriture collective s’était matérialisée sur scène par des temps joués – les acteurs/actrices étaient les dix élèves de l’atelier, et d’autres, où un film était diffusé – dans ce film, des groupes d’élèves ou des professeurs faisaient le récit de la suite de l’histoire. C’était donc une aventure intense qui convoquait l’ensemble de l’institution scolaire.

Cette année 2016/2017, les enfants ont demandé à explorer le registre comique. Fort du groupe constitué, nous avons pu pousser un peu l’exercice en développant l’imaginaire et la présence au plateau de chacun, en partant de leur propre singularité, fragilités, désir surtout… et il y en a ! Chaque acteur/actrice a pu, à sa mesure, d’improvisations en improvisations, donner naissance à un petit personnage, qu’il a nommé et dont il a donné à voir, ressentir, une partie de son histoire. L’idée était de partir du « petit personnage » tel que l’ont pensé Jean-François Sivadier et Charlotte Clamens, un travail assez proche du clown, où, en improvisation, avec un élément de costume ou un accessoire, un acteur s’abandonne à la création/incarnation d’une identité décalée.

Muriel Henry, une clown, est ensuite venue proposer un travail sur les émotions, le burlesque, entres autres. Elle interviendra jusqu’en mai.

Puis, en février, nous avons pu initier l’écriture, en commun, à l’oral – car tous les élèves ne savent pas lire et écrire, du premier jet d’un récit qu’il faut continuer à adapter au plateau, en vue des représentations de juin au Studio-Théâtre. Le titre de cette petite pièce pourrait être : Gratien, le fantôme du ciel japonais.

Il reste donc de quoi faire, dans cette élégante légèreté de la petite troupe, portée par un instituteur qui, je pense, donne du sens et du cœur à l’école.

Adeline Olivier